jeudi 7 août 2008

Jamais du premier coup (partie 1)



On m’avait averti : les formalités administratives sont pénibles en France. J’ai pris l’avertissement au sérieux, mais je n’en ai pas pris la vraie mesure. On aurait dû insister, faire le silence autour de moi, me regarder dans les yeux, et me dire lentement en insistant sur chaque mot : « LES FORMALITÉS… SONT… PÉNIBLES… EN FRANCE ».

Source photo : wikipedia.


J’ai payé mon loyer en retard. Selon ce qu’on m’avait dit, l’agence allait prendre mon RIB et celui du proprio, et organiser le prélèvement automatique. Je ne me suis pas posé de question. Il y a tellement de détails lors de la signature d’un bail. J’ai signé au moins 17 papiers. Mais je n’ai jamais signé d’autorisation de prélèvement.

Donc, le premier août passe, le loyer n’est pas payé, et il faut organiser le prélèvement. Lundi, je me rends à mon agence (succursale bancaire). Ça me bouffe mon midi, mais semble-t-il, impossible de faire les choses par téléphone. J’ai le bail, avec les infos bancaires de mon proprio. Tout devrait se régler rapidement.

Erreur. Sur le bail, les données bancaires ont mal été retranscrites par l’agence immobilière (agence que j’ai quand même payée 2000$ pour remplir des petites cases dans un template MsWord de 7 pages). Il manque un petit chiffre sur le RIB.

Qu’est-ce que c’est un RIB? C’est un relevé d’identité bancaire. Ici, les prélèvements automatisés sont très populaires, et le RIB est la petite clé standardisée permettant ces échanges de capitaux. Un RIB, ça va comme suit :
Identifiant de banque, 5 chiffres : 11111
Identifiant de succursale, 5 chiffres : 22222
Identifiant du compte, 11 chiffres : 33333333333
Validateur d’algorithme, 2 chiffres : 44

Au RIB s’ajoute le IBAN, International Bank Account Number. Un IBAN, c’est pas compliqué. C’est un code de pays (FR76 pour la France), suivi de tous les petits chiffres mentionnés plus haut, dans l’ordre. Ainsi, pour l’exemple donné plus haut, le IBAN est :
FR7611111222223333333333344

Ça ne prend pas la tête à Papineau pour déduire ce genre de truc. Tu vois les chiffres se répéter. Pattern recognition ONE-O-ONE. J’ai fait la découverte dans le métro, 5 minutes après avoir quitté bredouille ma succursale bancaire. On n’a pas pu faire mon prélèvement de loyer parce qu’il manquait le dernier chiffre de l’identifiant de succursale de mon proprio. Mais le petit chiffre, il était là dans le IBAN et il nous criait : « Hé! Ho! Allo! Je suis ici! Ici! Allo! »

J’ai perdu 1 heure pour rien. Mais ce qui me consterne le plus, c’est que l’employé de la banque, qui voit des RIB et des IBAN à tous les jours, n’a pas encore réalisé le truc que j’ai pris 30 secondes à déduire.

Deuxième essai le lendemain, mardi. Paraît qu’on peut faire les virements via le site internet. Je suis comblé de joie. Je ne suis jamais mieux servi que par moi-même. Sauf peut-être au lit. Je me log dans mon compte, je fais le virement, et je regarde satisfait le petit sablier du bonheur qui bientôt sera remplacé par un beau message de confirmation.

Pas vraiment. Le message dit : « Pour des raisons de sécurité, votre premier virement ne pourra être effectué qu’après la réception d’un code de sécurité. » Je me dis : « Ok, il est où ton ostie de code? Donne-moi le criss de code qu’on en finisse. » Je lis la suite du message : « Votre code de sécurité vous sera acheminé par courrier d’ici 48 à 72 heures. »

Mercredi, je ne peux pas aller à ma banque. Réunions toute la journée. Mon proprio me laisse des messages sur mon cellulaire. Moi, je laisse des messages de supplication sur tous les répondeurs de ma succursale bancaire. J’envoie des courriels. Aucun signe de vie. Vers 16 heures, je tombe enfin sur un humain qui m’assure qu’un message sera transmis à mon conseiller. Ce dernier pourrait (on insiste sur « pourrait ») accéder à ma demande, mais d’habitude faut signer en personne sur les lieux. À 20 heures, je n’ai toujours pas de nouvelles de mon conseiller. La banque est fermée.

Ce matin, je quitte mon appartement, résigné à encore perdre mon heure de dîner dans le métro. Je suis aussi résolu à me coucher par terre à la banque et à ne plus bouger jusqu’à ce que le criss de virement soit dans l’ordinateur. Ça commence mal une journée quand tu pars comme ça. Vers 9 heures 15, courriel de mon conseiller : le virement est fait.

Ô jouissance! Ô bonheur profond! Ô libération de mon âme affligée! Je lis le courriel tout haut, et ce n’est pas ma voix que j’entends, c’est la Suite pour orchestre numéro 3 en ré mineur de Handel.

Le seul aspect positif de toute formalité administrative en France, c’est l’intense joie qu’on ressent quand on arrive au bout. On se sent comme un nouveau paralytique qui réussit le premier pas de sa nouvelle vie. On se sent comme un alpiniste qui plante un drapeau au sommet : épuisé mais heureux. Quand ça fonctionne du premier coup, c’est simplement un jour de chance exceptionnelle.

Pourquoi « (partie 1) » dans le titre? Parce que j’ai vécu des expériences similaires avec mon assurance pour le dégât d’eau, avec ma carte de métro, avec mon téléphone cellulaire, avec une réservation d’avion, avec mon abonnement internet. Tout ça en quatre petites semaines. Je vous écrirai les parties 2, 3, 4, 5 (etc.) à un autre moment.

En attendant, pour rester sain d’esprit, je me fixe comme objectif « Une formalité par jour, peut-être ». Et je songe à downgrader à « Une formalité par semaine. »

1 commentaire:

Lee Ann a dit…

The French person in the house says it best: Les osties de français suuuuuuuck...

We're both amazed you did not implode.