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Je suis devant un verre de Saumur qui me fixe de son rubis intense… J’aime le mot « rubis » parce qu’il ressemble à « pubis », et j’aime les pubis. Surtout les féminins, pour leur dépouillement et leurs lignes épurées. Je possède une sorte de pragmatisme immature.
Ce matin, j’ai vu une boutique qui s’appelle « Desqueues » ou « Desverges » et j’ai rigolé. On m’a dit que j’allais rencontrer un monsieur Bergerat et je l’ai tout de suite imaginé avec des dents et des moustaches. Demain je vois monsieur Pasbeau. Imaginez le délire dans ma tête quand on m’a dit son nom. Ça doit le faire chier quand il pleut. Et si à son travail, il y a un gros con qui pense les mêmes trucs que moi mais qui les dit tout-haut? Quel karma de merde.
C’est bien que je puisse m’occuper l’esprit avec peu, car les files d’attente françaises sont interminables. 20 minutes à la caisse au supermarché. 30 minutes dans une boutique de cellulaires. La file pour la carte orange traversait tout le hall de la station. La file pour les tickets de métro payés cash : 30 minutes.
Mais ça vaut la peine d’attendre. Quand c’est ton tour, c’est ton tour pour vrai. Le vendeur t’explique tout, dans le détail, il te demande si tu as des questions, il pense avec toi, il pense pour toi, il va te reconduire et il te donne deux becs.
Le vendeur français n’est pas intimidé par une longue file de gens qui soupirent en regardant en l’air. Il prend soin de son client actuel, peu importe le temps que ça prend, avec une courtoisie un peu froide, mais bon. Au Québec, le vendeur se crispe lorsqu’il voit deux personnes derrière toi. T’as maximum trois questions, et après il te pousse dans le cul.
L’attitude des vendeurs français vient peut-être de deux traits qui semblent se dégager des habitants de l’Hexagone, soit une croyance que tout autrui est un con, et un besoin irrépressible de faire la preuve de son savoir par un cours magistral. En te donnant beaucoup d’explications pendant longtemps, un vendeur finit par bien te renseigner.
Pour ce qui est des caissières d’épicerie, elles sont simplement un peu plus lentes qu’au Québec. Peut-être que leur syndicat leur impose un maximum de 3 articles par minute.
Le paradoxe, c’est que tout ce temps à faire la file est perdu pour tout le monde. Le commerçant a le client à son entière disposition pendant 30 minutes et il ne fait absolument rien pour en profiter. Rien du tout. Pas de pub. Pas de gadget de dernière minute à acheter. Après 30 minutes, les gens seraient contents d’acheter un journal, un hot-dog ou un gros Coke, juste pour passer le temps. Ils achèteraient des yo-yo pour les enfants. Des massages sur chaise. Les commerçants devraient donner des numéros aux gens et les inviter à passer au bar en attendant leur tour. Si un commerçant me dit: « Cher client, le temps d’attente est de 30 minutes. Désirez-vous passer à notre lounge pour écouter des reprises de Seinfeld en buvant une bière? », je dis oui sur le champ. Une vraie mine d’or.
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(Note ajoutée le 3 juillet -- M. Pasbeau est vraiment sympathique. C'est un grand bonhomme qui a tout du bon-vivant. Dans l'intimité, je le soupçonne d'être un rieur qui aime les blagues des copains et les grandes tablées qui finissent tard. Il a le regard cordial et le sourire rassurant. Les enfants doivent l'aimer.)