lundi 29 septembre 2008

À la Faulkner



Comme j’ai bu, je voulais faire quelque chose à la Faulkner, genre « fil de la pensée d’un ivrogne », mais je me suis vite rendu compte que je n’ai pas le talent qu’il faut pour ce genre truc. Je n’ai même pas la moitié du talent de Nelly Arcand, ce qui est peu dire sur la profondeur de mon handicap. En plus, en français, il y a beaucoup plus de virgules obligatoires, alors ça ne facilite pas le ronronnement éthylique nécessaire au style.

Source photo : wikipedia.


En ce moment exact, je ne me souviens même plus de quoi je voulais parler quand j’ai commencé à écrire. Il me semble que c’était encore quelque chose de profond, le genre de truc qui nous apparaît comme une révélation après cinq pintes d’Affligem et quatre stations de RER en solitaire. Le truc qui bouleverse ta vie, quoi. (En France, « quoi » à la fin d’une phrase est l’équivalent de « tsé veux dire ».)

C’est encore plus difficile de maintenir le style « fil de la pensée d’un ivrogne » quand ton briquet te lâche et que t’es obligé de descendre au tabac pour en acheter un autre. Surtout quand au moment où tu mets ta veste, tu reçois un appel de quinze minutes à propos d’un party d’anniversaire en préparation. Tu reviens et ton thé est froid. Et t’es obligé de te relire. Pas évident.

Alors je ne sais plus trop. À mesure que je dégrise, mes révélations deviennent plus anodines. Un ivrogne qui boit du thé froid, quelle imposture. En chemin vers le briquet, je suis passé devant l’hôtel deux étoiles avec « prestige » dans son nom. Je suis passé devant le resto marocain toujours plein et qui sent bon. J’ai résisté à l’envie irrésistible de bouffer un dessert. Mais rien de ce que j’ai vu ou ressenti n’a pu ramener à mon esprit ces grandes vérités dont je voulais vous entretenir.

Alors je suis là comme un con à me dire : « Juste cinq paragraphes. Me semble que c’est pas beaucoup. » Et le téléphone sonne encore. Cette fois on me demande l’adresse courriel d’un ami. Et là je reviens et je n’ai plus rien à raconter. Cinq paragraphes, ça suffira.


samedi 27 septembre 2008

Deuxième assiettée



L’autre jour, j’ai parlé des charcuteries. Mais elles ne sont pas les seules coupables de ma légère prise de poids. Pour vous faire baver d’envie, voici un petit méli-mélo de trucs qu’on trouve dans tous les supermarchés.

Excellent champagne pour 20 euros. Un petit peu plus pour la Veuve. À 5 euros (8$ canadiens), j’ai une belle sélection de petits vins sympas bien faits. À qualité égale, c’est 20$ à la SAQ. Et ça me fait même pas de peine de vider la bouteille dans l’évier si elle est ordinaire : j’ai toujours deux ou trois bouteilles en permanence à la maison.

Dans les rayons réfrigérés, il y a du beurre au sel de Guérande. Y’a du vrai yogourt dont l’onctuosité est assurée par du vrai gras, et non par de l’amidon de maïs et de la gélatine. Y’a des yogourts vendus dans de petits pots en terre cuite. Mais c’est la section des desserts laitiers qui me tue à chaque fois : crèmes brulées, riz au lait avec caramel, petits pots de crème au chocolat, îles flottantes, baba au rhum, fraises chantilly, tiramisu, pommes tatin, Panna Cotta, flans, mousse liégeoise. Tout ça en petits paquets de quatre pots qu’on mange en une seule soirée.

Source photo : wikipedia.


Dans le surgelé, on est loin du Michelina. C’est-tu platte de préparer des légumes. Moi j’achète de la purée de brocoli surgelée. Elle a déjà sa crème et son beurre. Elle vient en gros sacs de petits glaçons. Tu prends 7 ou 8 glaçons, 5 minutes au micro-onde, et ça te donne deux trois portions de brocoli. Pas seulement comestible, mais délicieux. Il y a l’équivalent pour une bonne variété de légumes.

Les petites barquettes individuelles sont somptueuses. Pour le workaholic pressé, c’est génial. Et ça goûte vraiment bon. On ne parle pas de pâtes molles trop salées. On parle de tagliatelles aux fruits de mer sauce homardine. On parle de brandade de morue. De paëlla. Moussaka. Couscous au poulet. Filets de poulet à la mangue et à la coriandre. Poulet basquaise. Curry au poulet. Zap, 3 minutes au micro-ondes.

Je trouve des sacs de coquilles St-Jacques. Vingt-cinq sortes de quiches. Tartes au fromage de chèvre. Tartes aux oignons. Tortilla espagnole. Blanquette de veau à la Normande. Bœuf bourguignon. Petit salé à l’Auvergnate. Du beau cassoulet. Des blocs de foie gras. De la vraie choucroute en boîte ou sous vide. De sympathiques kits à couscous. Du confit de canard. De la piperade au piment d’Espelette (c’est quoi une piperade?) Du sauté de lapin aux olives. Tout ça prêt à manger.

Bon, faut bien manger un peu de salade de temps en temps. Pour l’arroser, j’ai du vinaigre de vin élevé en fût de chêne. Ou du vinaigre à la framboise. À l’échalote. Au Xeres. Balsamique. Vinaigre de cidre. J’ai 20 sortes d’huiles d’olive extra vierge, dont une à l’extrait naturel de basilic. Un pincée de fleur de sel, et c’est le bonheur.

Même si t’es trop paresseux pour faire de la soupe. Y’a un tas de crèmes et veloutés qu’on me vend dans des genres de tetra-pak. Quelques exemples : velouté de cèpes et bolets, poireaux et pommes de terre, légumes poêlés, potiron, « réconfort d’hiver » (joli nom). Y’a même de la gazpacho en pinte d’un litre. Et la fameuse soupe de poisson, avec le petit pot de rouille à côté. Il te manque juste le fromage râpé et les croutons.

Et les biscuits. Au Canada, j’aime bien les biscuits Pirate au beurre de pinotte. Mais en France, on tombe dans la catégorie « débile mental ». Quelques saveurs : pépites de pommes et saveur de marrons, paillettes de noix de coco et agrumes, chocolat noir et éclats de pistache, sablés pur beurre tout chocolat, florentins. Et bien sûr, les bon vieux Pim’s.

À part la salade (il y en a en sacs prélavée, pré-coupée), tout ce que j’ai énuméré ne requiert aucune préparation. Et c’est pas cher. J’ai presque arrêté de cuisiner; ici même la bouffe en canne goûte bon.

Désormais, je ne vous parlerai plus de l’épicerie. Faut pas abuser de votre patience. J’espère que votre Kraft Dinner était bon. La prochaine fois, ajoutez une saucisse à hot-dog, c’est pas mauvais.


mardi 23 septembre 2008

Le petit buzz du bonheur



On me reproche souvent d’être chialeux (ou râleur comme on dit ici). C’est vrai que je souligne fortement mes désaccords. Pourtant, je fais partie de ceux qui, secrètement, célèbrent la vie. À tous les jours j’ai plusieurs petits buzz de bonheur.

Source photo : wikipedia.


Mercredi dernier, je suis rentré au Canada pour un petit stop and go administratif. Trois jours de pur bonheur. Bon, je vois déjà certains amis en train de m’écrire : « Pourquoi tu me l’as pas dit? On aurait pu faire un BBQ dans ma piscine chauffée et boire toute la nuit! » J’aurais beaucoup aimé ça voir tout le monde, mais entre les trucs administratifs, j’avais juste des petits trous.

Y’a eu une bière rapide en débarquant de l’avion avec un couple d’amis qui ont décidé d’attendre un bébé (belle nouvelle). J’ai passé un moment magnifique. Parce que j’étais au centre-ville jeudi, j’ai dîné rapidement avec mes anciens collègues. Quel plaisir de faire des jokes en québécois, même si je n’ai pas pu discuter avec toute la tablée. Jeudi vers 18h00, j’ai eu le temps de descendre prendre une Guinness (une seule) avec mes anciens voisins. Mercredi et Jeudi soir, je voulais passer du temps avec une personne qui m’est très précieuse et dont je m’ennuie beaucoup ici. Vendredi, je suis parti à Québec pour souper avec mes parents (ils avaient fait le trajet depuis Baie-Comeau). Ils avaient fait un bouilli de légumes, une recette familiale de comfort-food. Et samedi je suis rentré à Montréal pour mon vol de retour.

C’était rapide, et j’aurais aimé voir plus de monde, mais je ne pouvais pas. J’étais booké solide, je courais d’un bord à l’autre. Pourtant, j’étais vraiment content. C’est vraiment bien de revoir des copains après un moment.

Je retiens d’autres moments de bonheur. Une « queue de castor à la portugaise » de la petite pâtisserie Notre Maison sur St-Laurent. Le plaisir de marcher dans des rues droites et de tourner à 90 degrés au carrefour. Les arbres dans toutes les rues. Constater que certaines choses ne changent pas. Des détails, parfois des trivialités, qui peuvent nous manquer beaucoup sans qu’on s’en rende compte.

Samedi, j’ai découvert à Dorval que l’avion avait quatre heures de retard. Ça m’a permis de rentrer au centre-ville et de passer l’après-midi avec Karine. Ceux qui sont restés à l’aéroport ont reçu tous les bons sièges. Quand je suis passé au comptoir en soirée, il ne restait que des sièges du milieu dans des rangées poches. Mais comme Air Transat donne maintenant plus d’espace, même les sièges poches sont bien. Il y avait un horaire à rattraper, alors les pilotes ont volé à plein gaz. Le trajet a pris seulement 6 heures, comme à l’époque du carburant pas cher. Que du bonheur.

Dimanche à l’arrivée, Paris était vraiment belle avec ses rues croches et ses monuments. Je ne sais pas si c’était la lumière du début d’automne, mais c’était magnifique. Comme c’était le matin, j’ai pu passer à ma pâtisserie préférée pour un « croquant ». En chemin, j’ai vu que mon épicerie FranPrix est maintenant ouverte le dimanche, ce qui règle définitivement le problème du gars qui oublie encore de faire ses courses le samedi.

En après-midi, j’ai visité le musée Maillol. On y tient présentement une très belle exposition sur l’art contemporain chinois. En plus, j’ai découvert Maillol, un artiste que je ne connaissais pas. Ce vieux cochon a sculpté assez de femmes nues pour remplir un musée. Que du bonheur.

Ce soir, ma laveuse a fait son cycle spin sans se déplacer. Je ne sais pas combien de temps elle va me faire cette fleur, mais je lui suis très reconnaissant. Petit buzz.

Bon, vous le voyez bien, les gens heureux sont ennuyants. C’est pour ça que je grogne. C’est pour vous distraire. Souvent j’en rajoute et je tourne les coins ronds. C’est pour avoir votre attention. Je suis dépendant affectif et vous aimez ça.


lundi 22 septembre 2008

Le tabac, le swing, et les dangers du coq à l’âne



Si un historien congelé en 1960 était décongelé aujourd’hui devant un marchand de tabac parisien, il écrirait que les communistes ont gagné la guerre froide. Ce qui est peut-être un peu vrai en France, selon ce qu’on m’a dit (je connais encore trop peu le politico-social hexagonal pour porter moi-même ce jugement).

Donc, mon historien décongelé constaterait la file d’attente et dirait que les Français vivent sous un régime soviétique. Au tabac du coin, il y a toujours une file jusque dans la rue. Bon, c’est pas nouveau, en France tout est prétexte à organiser une file d’attente. Mais au tabac du coin, c’est pas une question de lenteur administrative. Ça roule à plein régime. Chaque transaction prend six secondes. Tu dis ta marque, tu sais déjà le prix, ton argent est prêt, on te donne ton paquet de cigarettes et ton change, finito.

Ici on ne te donne jamais ta monnaie dans la main. On la dépose toujours dans une espèce d’assiette à côté de la caisse, même si tu tends la main. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que l’argent est perçu comme une chose trop sale pour être remise en main propre.

Source photo : wikipedia.


Donc, au tabac, la file avance très vite. Mais il y a quand même une file. Pénurie de marchands de tabac? Je sais pas. C’est pas grave, on attend jamais trop longtemps. Mais à voir la file qui se renouvelle et se renouvelle, je me dis que le gars du tabac doit rouler sur l’or. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi les « arabes du coin » ne vendent pas de cigarettes. Ça doit être encore à cause d’une réglementation byzantine à la sauce française. Si quelqu’un le sait, expliquez-moi.

En passant, « arabe du coin » désigne ici ce qu’on appelle au Québec un « dépanneur ». C’est une expression locale très colorée qui me fait encore un peu grincer des dents. Je sais que c’est sans méchanceté. Mais bon, je ne pense pas que le Montréalais moyen en vienne un jour à désigner les taxis par l’expression « Nègre roulant ». (Attention, associations de protection des droits des minorités canadiennes, remarquez entre les lignes le TRÈS GROS deuxième degré souligné en gras avant de m’envoyer vos avocats, merci.)

Ici, les fumeurs ne sont pas encore perçus comme une race de sous-humains à exterminer. Ça s’en vient, mais c’est pas encore rendu. Ici, la puanteur de fumeur est encore tolérée. Faut dire que le terrain est glissant : peut-on vraiment cibler les fumeurs puants alors que des gens puent pour d’autres raisons?

Bon, là je vais me faire des ennemis. Je l’ai toujours fait avec beaucoup de succès, alors je vais continuer. Dans la vie, faut miser sur ses talents. Je n’ai jamais cru le gros préjugé pas gentil du Français qui pue. Et c’est vrai que c’est un préjugé. La grosse majorité des Français ne puent plus (s’ils ont déjà pué en majorité, ce n’est qu’une hypothèse, et pas la mienne).

Mais disons qu’à mon travail, y’en a quelques uns qui ont l’aisselle pas mal affinée. Je parle d’une minorité. Trois personnes sur un groupe de quarante. Mais l’odeur n’est pas celle du gars qui s’est couché trop tard et trop saoul pour avoir le temps de prendre une douche. Je parle d’une odeur qui a été cultivée. Faut au moins cinq jours d’abstention hygiénique pour y arriver. On dirait qu’ici, la rare personne qui pue le fait avec conviction et intensité. Avec dévotion. Ça tient presque du militantisme. Il y a peut-être dans la sphère publique française une sorte de débat sur l’industrie des cosmétiques. Et peut-être que ce débat polarise la société : 93% pour, 7% passionnément contre. Quelque chose comme ça.

Je tiens à rassurer amis et fréquentations, aucun de vous ne sent le swing. Vous sentez plutôt le Irish Spring. Si j’ai vexé votre patriotisme, ou si j’ai déjà beaucoup pué en votre présence, vengez-vous en me disant que j’empeste l’abominable cigarette du diable qui tue des petits enfants. Ça me rappellera certains aspects du Canada. Quand un petit combo « cottage à Brossard + SUV » me dit que ma cigarette pollue son environnement, je trouve que c’est le summum de la puanteur.

Bon, je me suis fait assez d’ennemis pour aujourd’hui. Laissez-moi une minute pour compter... Wow! Pas pire...


mardi 16 septembre 2008

Du Nutella et des hommes



En France, l'accès à du Nutella est un droit fondamental. Il est beaucoup moins cher qu’au Canada et vient dans de beaux petits verres old-fashioned qu’on peut réutiliser pour le Scotch. Je suis en train de me monter un méchant bar.

Source photo : wikipedia.


J’en suis à mon dessert. Je mange une magnifique reinette, une petite pomme surette qu’on trouve ici. Pour assurer un beau contraste à son acidité, je l’enduit copieusement de Nutella bien onctueux. C’est la fondue au chocolat du pauvre. Juste avant, j’ai dévoré un splendide steak de jambon qui dormait paisiblement sur un lit de lentilles à l’Auvergnate. C’était bon. C’était juteux. Du vrai jambon à l’os. À des années-lumière de l’ostie de jambon toupie aux sulfites. T’imagines même pas le plaisir. Je l’ai fait descendre à petite lampées d’un superbe Beaujolais bien sympathique, à 8 dollars au caviste du coin. Je fais la conversion en dollars, mais le vrai prix SAQ pour un vin de cette qualité serait de l’ordre de 20 dollars.

On mange bien en France. À vivre ici, je commence à comprendre pourquoi. Si les Français on développé cette tradition culinaire sans pareil, c’est qu’ils mangent leurs émotions. Et des émotions, ils en ont beaucoup à manger. Surtout de la frustration.

Je râle souvent dans mon blogue. Mais ce que je dénonce, c’est le système français. Ce système n’a rien à voir avec le Français moyen. Personne ne lapide aussi bien le système français que les Français eux-mêmes. À les fréquenter, je vois qu’ils se savent otages de situations administratives et de pratiques commerciales souvent absurdes. Ils sont comme moi. Ils ne comprennent pas vraiment pourquoi c’est comme ça. Pourquoi persiste un système qui, la plupart du temps, est conçu pour faire chier un maximum de gens.

Le Français moyen est une personne qui aime boire et manger. Ça commence bien. Il est très accueillant. J’ai été invité à mon premier 5 à 7 après trois jours de travail. Au Québec, tu peux travailler dans une shoppe pendant trois mois sans recevoir d’invitation.

Le Français aime partager. Il aime rire, il aime la fête, il aime faire du bruit. C’est fréquent ici de voir des gens qui ne se connaissent pas former un groupe et partager une soirée. Des gens qui passent comme ça dans les parages sont invités à prendre un verre.

Le Français est à la fois ingénieux et débrouillard. Il a une âme de patenteux. Ça ne paraît pas toujours, mais le Français maigrichon devant toi dans le métro est souvent un électronicien du dimanche, ou un menuisier à temps partiel, ou le mécanicien de la famille.

Le Français aime discuter, débattre. Il aime s’entendre parler parfois, il insiste beaucoup pour avoir le dernier mot, mais il écoute beaucoup aussi. Il est curieux et intéressé.

Le Français te propose souvent de partager sa bouffe. Et au bar, les bières arrivent sans que personne ne prenne de notes. Je suis quelques fois sorti du 5 à 7 sans rien payer. Les Américains dans leur français cassé parlent de « Joie de vivre ». Ici on ne pense pas trop à demain. Il y a un certain hédonisme dès qu’on sort du cadre professionnel.

Car c’est ça qui est étrange. Le lundi matin à 9h30, Paris se fait gober par un système pas du tout « Français ». Un système dans lequel les gens perdent leur côté sympa. On dirait que les Français n’aiment pas leur boulot. Je ne comprends pas encore bien ce système. On dirait que sa lourdeur écrase les gens, les fait prisonniers.

Quand arrive le week-end, on retrouve le Paris de la carte postale. On retrouve le boucher qui te salue bruyamment avec un sourire gros comme sa face. Les patrons de café qui font causerie avec les clients. Les gens qui se décoincent. Les jolies femmes qui se laissent regarder. On retrouve le truc qui fait rêver, la raison pour laquelle cette ville est la destination touristique numéro un au monde.


dimanche 14 septembre 2008

Sauve qui peut! Y’a un fou qui nous offre son argent!



Récemment, j’ai dit que j’arrêterais de bitcher les pratiques d’affaires françaises. Que c’était mauvais pour ma santé. Ces derniers temps, j’ai travaillé sur mon attitude. J’ai essayé de prendre les choses à la légère, d’être plus philosophe, plus patient. J’ai tenté de limiter les comparaisons avec l’Amérique. Ça fonctionne bien. Je suis moins stressé. Non, c’est pas vrai. Je suis moins PRESSÉ. À Paris, tout le monde est stressé, mais lentement. On pédale dans le beurre, comme sur un dix vitesses en première.

En tout cas, je me formalise moins de certaines absurdités commerciales. Je les prends un peu moins personnel. Je dis « absurdités », mais c’est à cause de mon regard de Canadien. Il y a des trucs culturels qui m’échappent encore. Peut-être que les Français d’origine ne voient pas ces pratiques comme absurdes, parce qu’ils ont développé au fil des siècles une certaine tolérance. Ou peut-être que leur « bosse des affaires » s’est atrophiée au point de laisser apparaître une profonde concavité sur la surface de leur boîte crânienne.

Je juge tout de même essentiel de rapporter quelques trucs. Si je voyais une chèvre baiser un gorille, je prendrais une photo. Ça vaut la peine de documenter les situations qui nous paraissent étranges. Ça pourrait servir. Si un jour, après avoir consommé une quantité phénoménale de psychotropes dans un laps de temps très court, j’avais soudain l’idée suicidaire de partir une business ici, je pourrais relire mes notes et ainsi mieux adapter mon plan d’affaires.

Source photo : wikipedia.


À mon arrivée ici, pour emménager dans mon beau deux et demie, j’ai dû débourser trois mois de loyer et verser des commissions salées à deux agences hautement parasitaires. Environ 5000 euros au total (8000 dollars canadiens). C’est plus que mon ancien loyer annuel à Montréal. Juste pour rentrer dans l’appart. Mon banquier, à qui je demandais une avance pour cet énorme découvert, se traçait de petites lignes sur les poignets avec un couteau Rambo.

Heureusement, il existe en France des entreprises qui offrent du financement pour ce genre d’installation. Tu remplis un formulaire en 17 copies, et ils se disent prêt à t’appuyer (au moins moralement) dans tes dépenses. Ils peuvent te fournir une avance pour les cautions, une subvention pour les frais des agences parasitaires, de même qu’une garantie de versement de ton loyer dans l’éventualité où t’aurais un peu de misère les premiers mois. Ça me semblait intéressant, alors j’ai signé. C’était le 3 juillet. Mon compte de banque était à -5000 euros, ma marge de crédit était accotée, et je n’aurais pas de paye avant le 10 août, donc pas avant le loyer suivant.

Vers le 15 juillet, je fais un bilan, et je constate que j’aurai besoin d’argent prochainement. Mon banquier est sympa et ferme les yeux sur mes dépassements de marge de crédit, mais il commence à trouver le collet de sa chemise un peu trop serré. Je n’ai aucune nouvelle de mon organisme de financement. Alors je règle ça à l’américaine : j’appelle mon patron et je lui demande une avance. Le lendemain, je reçois de mon patron un one-pager de reconnaissance de dette, avec remboursements prélevés à la source, étalés jusqu’en décembre. Je signe et je faxe. Deux jours plus tard, l’argent est dans mon compte en France. Bingo.

Dans la dernière semaine d’août, je reçois une lettre de mon organisme de financement. Ou plutôt un colis; cinq beaux contrats à signer, un total d’environ 40 pages. La documentation m’avertit bien : pour que l’offre puisse prendre effet, je dois retourner le tout sous scellé dans un maximum de deux mois après la signature du bail. Ça fait déjà sept semaines que j’ai signé mon bail. Ça fait sept semaines qu’ils ont reçu ma demande. Ils me laissent cinq jours ouvrables.

Le plus rigolo, c’est la teneur du document. Voici comment ça commence : « Pour faire suite à votre demande de (nom du produit financier copyrighté) destinée à financer le dépôt de garantie de votre nouveau logement, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint une offre de prêt d’un montant correspondant en tout ou partie dudit dépôt de garantie, une autorisation de prélèvement (page 4/4) ainsi qu’un formulaire de rétractation (page 2/4). Nous avons également le plaisir de vous confirmer notre engagement à titre de caution solidaire selon les conditions fixées par la réglementation en vigueur et l’annexe au bail relative à la (autre produit financier copyrighté) dont vous trouverez trois exemplaires, ci-joints, sous réserve de l’envoi des pièces ci-après mentionnées. »

Ça, c’est le début de la lettre de bienvenue. Je ne vous décris pas les contrats et annexes. Mais notez tout de même la référence au formulaire de rétractation dès la première phrase. Absolument pissant. Le summum de l’anti-marketing. C’est littéralement comme dire au client potentiel : « Cher client, ayant remarqué qu’il est complexe de faire affaires avec notre société, nous avons décidé de vous faciliter la vie en attirant immédiatement votre attention sur notre formulaire de rétractation. »

Pour moi, c’est un choc culturel. Je viens d’un endroit où les commerçants disent : « You want my help, I want your money, let’s make it easy. » Je viens d’un endroit où un contrat se résume à un dépliant de 2 pages couleur avec une case à cocher, une ligne pour signer, et la photo d’un petit couple heureux.

Le lendemain, j’appelle la firme. Après 10 minutes, la réceptionniste décroche. Mais au lieu de me parler, elle finit sa conversation avec son ou sa collègue. Je l’entends dire qu’il fait chaud, qu’elle n’en peut plus, et qu’après cet appel elle ira se chercher un Coca. Elle parle encore une bonne minute. Finalement, elle me demande ce que je veux. Je demande qu’on me passe Laura X. Elle me transfert à Laura Y, qui n’est pas là. Je rappelle et j’attends 10 minutes. Cette fois on me transfert à Laura Y (petite victoire).

J’explique à Laura que son offre est très appréciée, mais qu’elle n’est plus nécessaire. J’ai trouvé un autre moyen de régler mes soucis financiers. Je lui demande de fermer définitivement mon dossier. Aucun problème, me dit-elle, je n’ai qu’à lui envoyer un petit courriel. J’envoie le courriel sur le champ. Vingt-quatre heures plus tard, elle me confirme la fermeture du dossier.

Le déroulement de cette non-transaction me laisse perplexe. J’avais besoin d’aide rapidement, et on a mis sept semaines à me faire une offre. On m’a finalement envoyé une paperasse incompréhensible, et on m’a donné cinq jours pour y répondre. Quand j’ai signifié mon manque d’intérêt, on m’a laissé filer avec une efficacité remarquable.

Je ne sais pas comment ils font leur argent. Sérieusement, je ne comprends pas le modèle d’affaires français. Ma première impression, c’est qu’il fonctionne à l’inverse du modèle américain. Au Canada, une entreprise fait tout pour t’avoir et te garder. Ici, c’est comme si on te disait : « Ouais, cher client, je suis pas certain que je veux ton argent. Laisse-moi y penser un peu. Quoi? Tu veux aller ailleurs? Aucun problème. Allez, à la prochaine, mec. »

Ça fait au moins trois fois depuis mon arrivée que je dis à des commerçants : « Je ne veux plus faire affaires avec vous, c’est trop bordélique votre truc ». Et ça fait trois fois qu’on me dit simplement : « Sans problème monsieur, à la prochaine ». J’ai bien hâte de percer la culture commerciale française. En attendant, je donne mes euros à des compagnies canadiennes via internet. C’est pas du protectionnisme économique. C’est pas que je veuille vampiriser monétairement la France. Je les aime bien les Français. J’aimerais bien leur donner mon argent. Mais ils se sauvent.

samedi 13 septembre 2008

Dali



Source photo : wikipedia.


Je fais des rêves dans lesquels j’explique à mes superviseurs qu’il serait difficile d’organiser un cours d’anglais pour un dromadaire, surtout dans une cabine téléphonique.

Ils ne me comprennent pas. Je leur dis : « Qui vole un bœuf brûle des étapes ».

Un gros chien noir est debout à la porte de ma chambre. Il me regarde, indécis. Il n’a pas l’air agressif, mais il pourrait le devenir.

Je dis à mes superviseurs qu’il est inutile de faire travailler dix cordonniers sur la même chaussure. J’ai l’impression qu’il est dix heures dix et que je dois me réveiller. Je me réveille et il est effectivement dix heures dix; quelqu’un pense à moi. Je pense à mon petit-déjeuner.

Blogue, oui-oui-oui. Blogue, non-non-non. Pourquoi se bloguer, hey! Pourquoi se bloguer?


mercredi 10 septembre 2008

L’addition unique



Tous ceux qui ont un jour visité la France savent que « l’addition séparée » est un concept qui a coulé au large du Terre-Neuve en 1963. Ici, c’est une table = une addition. Généralement, un des convives paie tout et passe ensuite le chapeau.

Le système de collecte est généralement chiant, parce que personne n’a jamais la monnaie exacte. S’ensuit toujours de longues discussions comptables qui ressemblent aux échanges dans la LNH : « Je te prends ton Gretsky contre un Wickenheiser mais je vais te devoir 4 deuxièmes choix au repêchage 2012 si on se connaît encore. »

Ce système a de positif qu’il permet de répartir la richesse. Généralement, le radin se dépêche de mettre dans le « pot » une contribution moindre que la valeur de son repas. Il laisse ensuite les autres enterrer le manque à gagner. Le radin peut attaquer par l’autre flanc en payant l’addition. S’il manipule la petite monnaie avec intelligence pendant les remboursements, il forcera ses convives à arrondir vers le haut. À coup d’arrondis successifs, il se fera payer la moitié de son repas.

Quand deux radins s’affrontent, ils s’annulent souvent. Quand la tablée est majoritairement radine, les tractations durent un bon moment. Le perdant est celui qui quitte la table pour aller demander du change au waiter. Pendant son absence, les autres tiennent une sous-négociation. S’il y a entente, ils font leurs versements respectifs, et calculent pour le perdant une contribution qui excède sa consommation réelle.

Le perdant peut s’astiner. Un arbitre est alors nommé, et l’argent est redistribué. Pendant la redistribution, il faut garder l’œil ouvert. Certains plaideront la distraction pour récupérer 20 euros alors qu’ils en avaient donné 15. Pour être certain de bien récupérer son versement initial, il est recommandé d’avoir en sa possession un acte notarié, ainsi qu’une photo de soi en train de verser sa contribution.

Ensuite, l'arbitre analyse l’addition ligne par ligne. Pendant l’audience, on suggère de se munir d’un crayon, d’un menu, d’un cahier à huit colonnes, et d’un dictionnaire. Si on en a les moyens, on peut demander l’assistance d’un conseiller légal. En effet, comme l’autorité de l’arbitre n’est pas absolue, ses décisions peuvent être portées en appel. Les convives qui ne peuvent s’offrir l’aide d’un avocat pendant cette période cruciale utiliseront d’autres stratégies. Par exemple, on peut tenter de distraire l’arbitre en l’envoyant chercher du change.

Source photo : wikipedia.


L’analyse du détail d’une addition française est très complexe. Souvent, on regroupe sous l’appellation « autres » tous les cafés, cafés-crèmes, coca light, et breuvages non alcoolisés. Il faut se souvenir de qui a bu quoi, et en quelle quantité. Les convives de mauvaise foi ont tendance à omettre leur deuxième Perrier. De ce sous-calcul peut naître un sous-débat.

Il faut également interpréter les autres lignes, qui sont toujours en langage codé. Par exemple, « men ent om vege : 12.30 € » veut dire « Menu omelette végétarienne avec entrée : 12.30 € ». Encore une fois, la prudence est de mise pendant ce déchiffrage. Quelqu’un pourrait essayer de vous refiler son tartare frais à l’américaine en prétextant que la ligne « tart fra am : 18,70 €» désigne votre tarte aux fraises et amandes.

En général, 30 minutes seront consacrées à la consommation, et 90 minutes aux tractations, soit un total de 120 minutes, ce qui équivaut à la durée moyenne d’un repas français.

En France, contrairement à ce que dit le dicton, les mauvais comptes font les bons amis. Puisqu’il est souvent impossible d’arriver aux sommes exactes, ceux qui auront trop payé organiseront une deuxième sortie au resto, dans l’espoir de récupérer leur dû en trichant un au moment de l’addition. Ainsi s’engage un cycle perpétuel duquel peuvent naître des relations durables. Comme quoi la cupidité a ses bons côtés.

En dernier lieu, le système de l’addition unique est un excellent vecteur de darwinisme social (ou « darwinizm zocial » comme on dit à Paris). Celui qui abuse de sa radinerie finira par manger tout seul au resto, ce qui aux yeux d’un Français est pire qu’un exil à Sainte-Hélène.


dimanche 7 septembre 2008

Pub de char, pub de femme


Source photo : wikipedia.


Un bon moyen de régler un cas d’insomnie chronique au Canada, c’est de s’enregistrer des pubs de char et de se les faire jouer en loop. Maudit que nos pubs de char sont ordinaires. C’est toujours le nouveau modèle qui prend des courbes dans un beau paysage alpin sur une musique technotronique.

En France, c’est un peu mieux. Les publicitaires se forcent un peu. Ça donne des petites histoires. Le stock de clins d’œil et de blagues est renouvelé. On essaie des choses, on joue avec les styles. C’est pas toujours efficace, ni pertinent, mais au moins c’est rafraichissant.

Par exemple, il y a Lancia, avec son slogan « Différent de », pour ce que ça peut bien vouloir dire. Ils prennent Richard Gere et le mettent dans une berline de luxe. Là on voit mon Richard qui quitte Hollywood et se rend jusqu’à Lhassa au Tibet (yeah right). Il se parke, sort de l’auto, et pose ses mains dans la neige à côté de son nouveau copain, un petit moine Lama de cinq ans et demie. On ne comprend pas trop la signification de tout ça, mais c’est joli. Et différent de.

Renault, pour illustrer l’espace d’un de ses modèles, montre un couple dans une mini-fourgonnette, avec le pitou à l’arrière. La dame a les munchies et se sert dans un sac de biscuits. Le chien entend le sac et signifie par une plainte canine son désir de bouffer un cookie. La maîtresse se tourne et lui lance une bouchée. Là on nous montre la face du chien qui regarde le biscuit arriver pendant trois grosses secondes avant de l’attraper.

Pour nous dire que la Clio « est de son temps », une mère et sa splendide progéniture d’environ 22 ans s’arrêtent à un feu rouge. Sur le mur d’un édifice, il y a une grande affiche de cabaret sur laquelle on voit la fille dans une position cochonne style Moulin Rouge. La jeune dame a un petit moment de panique en se voyant ainsi exhibée. Puis, sa mère voit l’affiche. Maman est abasourdie, et on s’attend à ce qu’elle dise « Mon Dieu ma fille! Mais pourquoi? » Au lieu, elle sourit et dit : « Tu ne m’avais pas dit que tu avais trouvé du travail. »

Ça aurait été facile de faire une pub du genre « La nouvelle Clio fait 3000 km avec un seul plein en plus de brûler la sphatte avec son méga moteur de 900 chevaux-vapeur conçus par des techniciens allemands génétiquement modifiés pour ressembler à des Japonais!!! J’capoooote!!!!! » Les gens qui font la Clio ont plutôt choisi de jouer le slogan sympa « être de son temps ». Le seul bémol, c’est la pitoune de 22 ans. Elle est tellement canon que tout mâle oubliera la nature du message. D’ailleurs, j’ai vu la pub sept fois avant de me rappeler qu’on y parlait d’une voiture. Jusqu’à récemment, je pensais que c’était une annonce de margarine.

En passant, les publicitaires français jouent à fond le sous-entendu sexuel. Dans tous les contextes, le sexe semble faire vendre ici. J’ai vu une annonce de Schweppes nouvelle saveur avec une jeune dame, je te dis pas, on aurait dit une page de Hustler. Je ne savais pas qu’on pouvait consommer une boisson gazeuse en la léchant.

N’importe quel sujet peut ici porter l’odeur du cul. Un poster de pré-arrangement funéraire avec une belle madame à la Catherine Deneuve. Elle a l’air un peu affligée, pas trop, mais surtout, elle est splendide avec son décolleté un bouton trop ouvert. Toi, tu passes devant la pancarte et tu te dis : « Ah ouais, c’est important les pré-arrangements funéraires. Faudrait pas que je laisse ma famille dans le souci. » Deux secondes après, tu te dis : « Finalement, elle est pas pire la madame. Pas pire pantoute. »

La pub la plus cochonne que j’ai vue était placardée en grand format partout dans le métro. Pour nous inviter aux soldes d’été du Printemps, on nous avait mis une déesse huilée couchée au soleil, sur le dos, de profil. Son top de bikini reposait à côté d’elle. La nymphe se cachait très accidentellement le sein avec un de ses bras. Et pour pousser à fond l’érotisme, au bout d’une jambe infinie, accroché à un pied totalement magnifique, pendait le minuscule slip rouge de la vénus.

Une pub vraiment bien faite. Le corps sublime était posé dans le sens de la lecture. Alors t’arrivais au slip rouge en tout dernier. Et là tu disais « OH MY GOD!!! » Et là tes réflexes prenaient le dessus : tes yeux rebroussaient chemin et remontaient la jambe jusqu’au centre de l’affiche. Et là tu voyais ce que tu n’avais pas remarqué à la première lecture: une fesse d’acier au galbe parfait, couleur sirop d’érable clair, entièrement nue. Je te jure, les genoux me lâchaient à chaque fois que je voyais cette pub. J’ai manqué au moins cinq métros avant de m’habituer.


samedi 6 septembre 2008

Service à la clientèle



Ce matin, je vais chez BHV, un grand magasin qu’on m’a recommandé. J’ai besoin d’un aspirateur. Je veux aussi regarder les toaster-oven, car je n’ai rien pour faire griller une pizza, réchauffer un feuilleté, ou rôtir une viande (pas de four à l’appart).

Comme le vendeur d’aspirateur est occupé avec un client, je vais du côté des lave-linge. Je l’ai déjà mentionné, ma laveuse bouge. J’ai suivi toutes les consignes. Je l’ai mise au niveau. J’ai mis sous ses pattes des petits tapis en caoutchouc spécialement faits pour les laveuses qui on le Parkinson. Mais elle bouge encore. Un vendeur aura peut-être un conseil à me donner.

Je me promène et je vois un vendeur de laveuse qui s’occupe d’une dame. Je l’écoute un peu. Il a l’air de connaître son affaire. J’attends un moment, mais je vois vite qu’il en a pour au moins 10 minutes avec sa cliente. Plus loin, un autre vendeur de laveuses se tourne les pouces. Je me dirige vers lui. « Bonjour Monsieur.
-Bonjour, que puis-je faire pour vous?
-J’ai un problème avec mon lave-linge. Il bouge pendant l’essorage.
-Suivez-moi, je vais vous donner le numéro d’un réparateur.
-Avant de parler à un réparateur, j’aimerais voir avec vous si j’ai fait tout ce qu’il faut. »
Là, le vendeur pète un plomb : « Monsieur. Je ne sais pas comment vous raisonnez. Parce que vous me dites que votre laveuse bouge, vous croyez que je peux vous la réparer comme ça? »

Je suis estomaqué. Je ne sais pas quoi dire, alors je crisse mon camp sans lui laisser le temps de finir sa tirade. Je crisse mon camp du magasin, aussi. Phoque BHV!

L’autre jour à la pâtisserie, une dame devant moi s’est fait reprendre quatre fois par la vendeuse. QUATRE FOIS, parce qu’elle avait utilisé un mauvais synonyme de « quiche ». La vendeuse savait ce que la dame voulait, mais elle insistait : « C’est cette QUICHE que vous voulez.
-Oui c’est ça.
-Donc je vous mets une QUICHE.
-Oui madame.
-C’est bien cette QUICHE-là que vous voulez? (…il y avait une seule quiche dans le présentoir…)
-Oui, oui, allez-y.
-Trrrès bien. Donc une QUICHE pour la dame. »

Source photo : wikipedia.


Il y a des trucs qui me scient les deux jambes dans le service à la clientèle français. Certains vendeurs font des trucs qui seraient motif de renvoi en Amérique. Ils se permettent d’insulter les clients. Le petit commentaire « je ne sais pas comment vous raisonnez » du vendeur BHV, c’était littéralement une insulte. Tu veux savoir comment je raisonne, monsieur le vendeur? Je me dis que si un gars vend des laveuses, il doit en savoir un petit peu plus que moi sur le sujet. Au moins assez pour m’indiquer si j’ai fait une erreur de débutant avant de me référer un technicien à 50 euros de l’heure.

Ça me désarçonne complètement qu’un vendeur puisse se permettre d’être baveux avec un client, surtout quand c’est pour cacher son incompétence. Ça arrive rarement en Amérique. Ici, c’est monnaie courante. Je trouve que les consommateurs français devraient rouspéter un peu plus. Ils devraient jeter leur serviette et sortir du resto quand le serveur est arrogant.

En tout cas. Je me suis rendu chez Darty. Un vendeur qui connaît son affaire a pris le temps de faire laveuse one-o-one avec moi. Merci monsieur le vendeur Darty. Merci d’avoir fait le support niveau 1. Merci d’avoir révisé avec moi les trucs de base. Donc, j’ai acheté mon aspirateur chez Darty, et j’y retournerai pour mon toaster-oven. C’est d’ailleurs là que j’avais pris mon fer à repasser et mon rasoir électrique. J’ai dû dépenser environ 300 euros chez Darty depuis mon arrivée. Ce n’est pas une fortune. Mais ce sont 300 euros que BHV n’aura jamais.


mercredi 3 septembre 2008

Ce qu’on pense savoir des gens



J’ai déjà vu dans quelques films le personnage de l’invité senteux qui profite de son passage à la salle de bain pour jeter un petit coup d’œil dans l’armoire au dessus du lavabo. Cette petite scène a généralement pour but d’aider le spectateur à circonscrire un peu plus le personnage de l’hôte. On nous montre ses antidépresseurs, ou son Préparation H, ou même un gros pot de Vaseline si ça sert le propos. Les cinéastes utilisent ce moyen pour installer une notion de fragilité physique ou mentale chez un personnage, ou bien pour parler de son style de vie.

Source photo : wikipedia.


Mais l’autre-jour, en replaçant mon tube de Lip-Medex à sa place, je me posais la question. Un contenu d’armoire de salle-de-bain est-il vraiment révélateur? Tous ces petits pots ne risquent-ils pas d’induire l’observateur en erreur? Le contenu n’est que le contenu; c’est l’observateur qui analyse. Et ses jugements reposent sur ses propres expériences.

Un senteux qui verrait mon tube de Lip-Medex pourrait se dire : « Tiens, du baume à lèvres médicamenté. Ah bon. Il fait attention à sa peau. » Mais ce serait là une erreur de jugement. J’ai la peau généralement sèche et je l’aime sèche. Je déteste les crèmes qui rendent la peau collante. Je suis né pour être déshydraté. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis venu en France, pays où l’alcool est omniprésent.

Ce que mon tube de Lip-Medex ne révèle pas, c’est mon grand pragmatisme et mon originalité sans borne. Je vous dis ça en toute confidence, mais je replaçais le petit tube à sa place après m’être enduit les deux nipples de baume médicamenté. « How shocking! », êtes-vous en train de penser. Voici la raison : pendant le jogging, la sueur alourdit le t-shirt, qui frotte et re-frotte. Après un 12km, t’as les nipples au vif. Généralement, pour les longues distances, je mets deux pansements avant de partir. Mais parfois, j’oublie.

Peut-être que vous trouvez tout ça un peu trop personnel. Alors ne lisez pas le reste… Mais pour votre information, beaucoup de marathoniens mettent du ruban adhésif. L’irritation du nipple est même documentée ici, pour ceux que ça intéresse : http://en.wikipedia.org/wiki/Jogger's_nipple

Il y a quelques années, j’ai découvert les multiples applications du baume à lèvres médicamenté. C’était après quelques jours de « temps orageux » au niveau de mes intestins, pour cause de maux qui courent (et qui font courir, devrais-je ajouter). Disons qu’un certain annelet de mon anatomie me signifiait par une douleur aigüe son dégoût du papier rêche. Dans ma spartiate armoire, il n’y avait que du dentifrice, de l’anti-swing, de l’alcool à friction, du gel coiffant, des nicorettes, un rasoir électrique, et… TADAM : un tube de Lip-Medex. Je me suis dit : « Pourquoi pas, c’est juste un autre orifice après tout ».

Par le biais d’un soulagement immédiat, j’ai réalisé que faire contre mauvaise fortune bon cœur (ou manger des merles, je ne sais plus) peut nous réserver de belles petites découvertes. Plus tard dans ma vie, j’ai fait quelques autres expériences. J’ai notamment utilisé du Oragel pour endormir une grosse toux sèche. À éviter : c’est plutôt paniquant de ne plus se sentir respirer. Par contre, les petits pots de crème Lancôme à 50$ sont très efficaces pour ramollir la corne des pieds, avant une pédicure maison au couteau Exacto. Quand t’as une copine, il y a toujours quelque part un pot de crème à 50$ qui ne sert plus. Parce qu’il n’a pas le bon parfum. Ou dans certains cas parce que c’est peine perdue.

Donc, si un jour vous vous retrouvez à fouiller dans mon armoire de salle de bain, je vous recommande d’éviter les conclusions rapides. Laissez aller votre imagination. Et si vous voulez utiliser quelque chose, vaut mieux demander avant. Je garde toujours deux tubes de Lip-Medex. C’est important de savoir lequel sert à quoi. Et s’il n’en reste qu’un, ne prenez pas de risque inutile.


mardi 2 septembre 2008

1… 2… 3… Cuit-vapeur!



Aujourd’hui, la grande mission de l’Amérique est d’éliminer le mot « danger » de son vocabulaire. L’Amérique ne tolère plus le risque. On s’enduit de Purell au moindre contact avec un étranger. Les savons antibactériens battent des records de vente. On a failli retirer les fromages au lait cru des tablettes canadiennes. Les aide-cuisiniers portent des gants en plastique. Les gamins mettent des protège-coudes pour faire du vélo. Un ami nous tend sa bouteille d’eau et on hésite. Bientôt, on nous donnera un casque à l’achat d’une baignoire.

Chez-nous, les chauffe-eau sont bloqués à 60 degrés Celsius. C’est juste assez chaud pour avoir le temps de dire lentement en y réfléchissant bien : « A-yo-ye, je crois que l’eau est trop chau-de ». Et même si t’hésites encore un moment avant de mettre l’eau froide, ce n’est pas trop grave. Une petite rougeur, pas de quoi appeler sa mère. Au Canada, quand l’eau est trop chaude, tu peux te pousser dans le coin du bain-douche, hors du jet, et essayer d’ajuster la température en donnant de petits coups de pied sur le robinet.

En France, les chauffe-eau sont réglés à 90 degrés Celsius, et les douches ont la grandeur d’une cabine téléphonique. Cocktail mortel. Aucune issue. Si par distraction tu as réglé le robinet 1 millimètre trop loin, tu es cuit, au sens propre. Les réflexes embarquent, tu sautes hors de la douche en gueulant, et après tu regardes le jet d’eau de la mort en te disant : « Comment je vais faire? » La seule solution, c’est d’appeler les pompiers ou d’attendre que le réservoir soit vide.

En France, tu peux assassiner quelqu’un avec ta douche. Tu pars l’eau, tu pousses la victime à l’intérieur, et tu tiens la porte. C’est pas joli, mais au bout d’environ 3 minute, plus rien ne bouge. C’est comme ça que fait la mafia ici. À toutes les semaines, on retrouve un corps cuit-vapeur dans la Seine. Le seul problème, c’est que le jet d’eau reste chaud assez longtemps. Évidemment, pas question d’appeler les pompiers. Il faut plutôt attendre que le réservoir se vide. Ensuite, t’attends encore trente minutes, parce que le cadavre est trop chaud pour être manipulé. Les chairs se défont de l’os, comme une viande bien braisée. Faut attendre que ça fige. Si tu es pressé, il faut prévoir quelques sacs de glace au préalable.

Source photo : wikipedia.


Mais sérieusement, je comprends très bien l’utilité d’avoir l’eau à 90 degrés Celsius. En France, comme les appartements sont petits, chaque article ménager est conçu pour le multi-usage. Ainsi, la douche peut servir de décapeur. Un vieux meuble sous le jet pendant 10 minutes et hop, toute la peinture est partie. Tu veux cuire un chou-fleur de 40 kilos? Aucun problème. Party de homard pour 50 personnes? Je t’arrange ça. Tu veux prendre un sauna après ton jogging? Tu veux organiser une épluchette de blé d’inde? Enweille, viens-t-en!

En fait, il faut seulement s’habituer à une nouvelle manière de fonctionner. Pour faire ma vaisselle du soir, je remplis l’évier avant de partir au travail. Après 10 heures de refroidissement, l’eau est parfaite. Et c’est tellement pratique. Quand tu laves tes bas à 90 degrés Celsius, c’est le plus écologique des fongicides. À travers les gargouillis du lave-linge, tu peux entendre des milliers de petits cris d’agonie bactérienne. Une vraie mélodie.