dimanche 31 août 2008

Mon premier roman



C’est connu, Paris inspire les écrivains. Voici un extrait de mon premier manuscrit.

-------------
Lors d’un de mes ménages du dimanche, je m’employais à frotter les murs de mon cabinet qui, comme me l’a déjà expliqué un de mes amis critique littéraire, finissent toujours par être maculés de gouttes de pipi si l’occupant des lieux a l’habitude de s’exécuter en position verticale, lorsque résonna le timbre de ma sonnette de porte. J’ouvris et me retrouvai face à une jeune dame aux mensurations et traits suédois, qui après s’être présentée sous la désignation « d’Anya vötre nouffelle voisine », m’expliqua non sans un certain malaise qu’elle était atteinte d’agoraphobie et souhaitait recourir à mon aide : la pauvre était sans provisions depuis deux jours, mais souffrait d’une peur panique à l’idée de descendre au supermarché du coin pour se procurer quelque substance comestible. Étant moi-même victime d’occasionnelles afflictions de l’âme, dont de légères crises de mythomanie, je ne pus que comprendre sa douleur et lui offrir mon aide.

Source photo : wikipedia.


À mon retour du supermarché, alors que j’allais déposer trois sacs de provisions dans ce qui était deux semaines plus tôt le vestibule de deux vieux amants si épris l’un de l’autre qu’ils choisirent de mourir simultanément dans leur sommeil, ma nouvelle voisine, mi-gazelle mi-fauve, se précipita sur moi sans mot dire et réduisit en confettis mes atours du week-end. Ainsi nu et sans défense, et surtout devant une telle vigueur, j’eus le bienheureux réflexe d’appliquer la tactique de la soumission passive, ce qui me sauva très certainement la vie. La bête assoiffée voulait visiblement ne rien laisser dans l’assiette. En ne résistant pas, j’allais m’épargner ce qui aurait pu ressembler à un démembrement à la mérovingienne.

Après trois heures d’intense labeur, et ayant tiré toute ma moelle, Anya sombra dans un sommeil qui m’apparut profond. J’attendis quelques moments avant de me lever, souhaitant avant de rentrer chez moi passer à l’église pour me confesser des quelques instants où, pendant mon supplice, mon esprit souffrant, en proie aux mécanismes d’auto-défense du cerveau humain, méprit séquestration et extase corporelle. Mais j’avais oublié que les Scandinaves du nord, soumis six mois par année à une nuit sans fin, et habitués aux projets de conquête des pays voisins, ne dorment jamais que d’un seul œil. Alors que j’allais poser ma main sur le loquet, résolu à circuler en habit d’Adam dans la cage d’escalier, et ce malgré le risque élevé de recevoir un avis d’expulsion de la part du directeur de la Coop d’habitation, Anya bondit du lit dans un élan digne d’un manga japonais pour venir s’interposer entre ma personne et l’issue du logement. Telle une furie, la vampiresse empoigna le pot de crème glacée Haagen-Dazs qui était resté à se liquéfier dans un des sacs de provisions et me l’expédia au visage. Aveuglé par les substances laitières, je ne sus réagir lorsque la démone blonde se jeta sur moi pour consommer avec avidité ses 3,50 euros de Dulce de Leche maintenant réduits à l’était liquide sur l’ensemble de la surface de ma peau.
-------------

Bon, c’est un début. En principe, je devrais faire entrer en scène deux ou trois autres personnages féminins, avant de glisser graduellement vers une sorte de thriller politico-sociologique assez intense merci. La suite prochainement. Si tout se passe bien, je recevrai bientôt une avance de la prestigieuse maison Les Éditions de la Gare Montparnasse.


samedi 30 août 2008

Lendemain de veille


Source photo : wikipedia.


Advenant une défaite d’Obama en novembre, j’ai l’impression que la France devra faire face à un violent lendemain de veille digne d’une brosse au calvados frelaté. Je dis ça parce que le traitement journalistique des élections américaines m’apparaît comme complètement surréaliste. Je ne connais pas encore bien les pratiques médiatiques de l’Hexagone, mais si on se fie à la couverture des campagnes de McCain et Obama, on pourrait déduire que la dépouille de l’impartialité repose au fond de la Seine, les deux pieds dans un bloc de béton.

Ça a peut-être changé au Canada depuis mon départ. Mais en juin, on rapportait les faits de la campagne avec une approche du genre : « Aujourd’hui, le candidat démocrate Barack Obama est passé à Chicago, où il a visité une usine de récupération de lisier de porc. Pour sa part, John McCain s’est accordé un bain de foule dans une boucherie halal de la banlieue de Rochester au Kentucky. » Surtout des faits un peu plattes. Un souci de livrer une analyse aussi juste et impartiale que possible. Même si comme le reste de la planète, les Canadiens souhaitent un mandat démocrate.

En France, j’ai l’impression d’entendre une reprise du sketch « La partie du hockey » de Paul et Paul, sur le vinyle culte « Rémi AM-FM ». Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un sketch dans lequel deux commentateurs sportifs sont obnubilés par une vedette de hockey locale. Leur description du match de hockey est totalement centrée sur leur idole. Ils font des commentaires du genre : « Alors Beaudoin est rentré au banc des joueurs. On voit qu’il se repose et reprend son souffle avec beaucoup de talent. Qu’en penses-tu, Roger?
-Oui Pierre, je suis d’accord. Beaudoin a une capacité de récupération hors du commun. D’ailleurs, on le voit ici qui prend une gorgée d’eau. Remarquez son adresse avec la bouteille. »

C’est comme ça que les journalistes français couvrent la campagne américaine. Ils sont complètement groupie. Il y a seulement Obama, contre on ne sait plus qui. Lorsqu’on entend parler de McCain, c’est à travers un filtre Obamien. On spécule sur comment Obama réagira à une nouvelle stratégie républicaine. On se demande quelles portions du vote républicain Obama peut aller chercher. On envisage la position d’Obama dans les sondages. On commente « l’entre-les-lignes » de son dernier discours. On soulève la question de la sécurité autour d’Obama.

Les questions inverses ne sont pas posées. On ne semble pas vraiment étudier le camp adverse. On ne mentionne jamais la formidable organisation des républicains sur le terrain, ni leur forte présence au sein d’organisations « grassroot », comme les conseils scolaires et les groupes religieux. On ne dit rien de la capacité de financement du parti de McCain. Et on ne se questionne pas sur la personnalité du candidat, sur sa valeur symbolique à titre d’ancien combattant, sur son âge rassurant pour une partie de l’électorat, sur sa saveur de « white-bread common man » à laquelle certains peuvent s’identifier. En résumé, on ne traite pas McCain et les républicains comme des adversaires sérieux.

Je ne veux pas m’avancer trop dans le domaine des spéculations à l’emporte-pièce. Mais à travers Obama, on dirait que la gent journalistique française envisage une revanche du « bon sauvage » à la sauce Rousseau. Je sais, c’est gros mon affaire, mais j’ai l’impression d’assister à l’enthousiasme immodéré que provoque la potentielle réalisation d’un fantasme. J’ai l’impression qu’Obama est l’incarnation d’une image folklorisée de l’Amérique noire.

En tout cas… En écrivant ces lignes, une sorte de dyslexie dactyle me faisait ajouter un « n » au bout d’Obama. « Obaman ». Je trouve ça révélateur. J’écoute trop la radio.


lundi 25 août 2008

Vanité de clocher




En me documentant pour mon petit week-end en Normandie, j’ai vu en ligne que certains donnent à la ville de Caen le surnom pompeux « d’Athènes normande ». Une vive explosion de rire nous a propulsés, ma chaise et moi, à la renverse. Après avoir reprise conscience, le crâne fendu mais le visage souriant, j’ai illico laissé tomber mes recherches sur la Normandie pour me consacrer à un sujet beaucoup intéressant que je désignerai sous l’appellation de « vanité de clocher ». Comme vous le verrez, ce phénomène afflige à peu près également toutes les nations, n’en déplaise aux Français qui font de gros efforts pour être champions dans tout (et qui réussissent souvent).

La ville qui doit dire le plus souvent « Ben oui, ben oui, c’est ça, très drôle », c’est Venise. La Sérénissime (parce qu’elle aussi possède son hyperbole) est périphrasée par un méchant tas de villes de premier et deuxième ordres. Il y a de nombreuses « Venise du Nord », dont Amsterdam, Bruges, Stockholm, Saint-Pétersbourg, et Bangkok. Cette dernière se qualifie aussi de « Venise de l’Orient ». C’est pour ne prendre aucune chance. Parce que Bangkok en « Venise du Nord », c’est douteux quand il fait quarante à l’ombre. D’ailleurs, je me demande bien pourquoi ces villes importantes s’attribuent un surnom de plan B au lieu de s’affirmer avec force et originalité.

Source photo : wikipedia.


Ça devient vraiment rigolo lorsqu’on tombe dans la liste des bourgades inconnues. Djenné et Mopti se disputent le titre de « Venise du Mali ». J’imagine mal l’agent de voyage qui me dirait : « Tous les hôtels sont pleins à Venise. Djenné, ça te dit? Il paraît que c’est la Venise du Mali. J’aurais de la place dans un deux étoiles et demie boissons comprises. »

En France, on recense entre autres la « Venise alsacienne » (Colmar), la « Venise provençale » (Isle-sur-la-Sorgne), la « Venise verte » (Niort), la « Venise du Gâtinais » (Montargis), la « Venise du Périgord » (Brantôme), et quelques autres localités qui me sont toutes aussi inconnues. (Je vous mens : j’ai déjà vu Colmar un fois au Canal Évasion).

Les Canadiens ne sont pas en reste avec Vancouver et Boucherville qui toutes deux se réclament d’être la « Venise du Canada », rien de moins, de même que Salaberry-de-Valleyfield qui se contente humblement de « Venise du Québec ». Et bien sûr, n’oublions pas celle qui a eu l’audace d’utiliser en toutes lettres le célèbre toponyme, je parle de Venise-en-Québec, municipalité qui ne craint pas le ridicule avec ses sept piscines hors-terre.

Comme le dit Aznavour, que c’est triste Venise. Mais il y a encore plus triste, soit le manque profond d’imagination toponymique de l’Amérique. Les exemples sont nombreux. Vite comme ça, on retrouve en Nouvelle-Angleterre une Berlin et une Bethlehem, une London en Ontario, une Paris au Texas, et probablement cinq Malaga en Amérique du Sud.

Ce manque d’imagination est aussi présent dans les périphrases américaines. Se partagent le surnom de « Queen City » les villes suivantes : Bangor (Maine), Buffalo, Charlotte (Caroline-du-Nord), Cincinnati, Helena (Montana), et Seattle. Au Québec, on aime bien appeler Toronto « La ville reine ». Anglicisation, quand tu nous tiens…

Mais le plus sympathique, c’est quand les habitants blasés d’une ville se mettent à lui donner un surnom peu gratifiant. C’est de l’hyperbole en négatif. De l’hypobole. Là c’est vraiment drôle. Mulhouse, en France, est « La Manchester française ». Tel-Aviv est « La Ville sans pause ». Deauville est « Le 21e arrondissement de Paris ». Zurich est « Downtown Switzerland ». Baltimore est « Mob Town ». Et Sao Paulo est « La ville du crachin ».

À certains moments, on verse dans un absurde absolument savoureux. Tulle, en France, est « La Capitale de l’accordéon et des armes ». C'est important de faire la distinction, car même si on peut frapper quelqu'un sur la tête avec un accordéon, ce n'est pas officiellement une arme. Piolenc, toujours en France, est « La Capitale de l’ail ». Selon la rumeur, elle serait aussi la capitale du divorce. Lapalud, bien évidemment en France, est « La Capitale du balai ». Erquy est la « Capitale de la Coquille Saint-Jacques ». Saint-Claude est « La Capitale de la pipe » (je prends les réservations). Krautergersheim est « La Capitale du chou à choucroute », et sa consoeur Arconsat est « La Capitale mondiale de la saucisse de chou ». Quant à Mazamet, elle est « La Capitale mondiale du délainage », peu importe ce que ça veut dire. Et oui, toutes ces villes sont en France. Il y a même le département de la Martinique qui en remet avec Le Lorrain, « Royaume de la banane ». Finalement, après réflexion, je crois que les Français sont encore champions. Bravo la France!

(J’aimerais chaudement remercier les auteurs de cet article sur wikipedia; ils m’ont fait beaucoup de bien à l’humeur: http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_p%C3%A9riphrases_d%C3%A9signant_des_villes)


dimanche 24 août 2008

Mort au végétarien



En premier je voulais faire un truc sur les supermarchés français. Mais je me suis vite rendu compte que tout couvrir serait trop long. Même si les Français sont des cancres de la céréale froide, ils se reprennent avec brio dans toutes les autres sections du supermarché.

Aujourd’hui, je vais seulement vous parler de ce que j’appellerais « les charcuteries ». Les viandes transformées, pour faire plus général. C’est moins joli comme nom, mais je fais la précision parce que j’ai pas envie qu’un con d’astineux à la Assurancetourix viennent me dire : « ouais, mais le foie gras, z’est pas une charcuterie, z’est aut’choze ». (Un astineux, c’est facile à trouver ici, soit dit en passant.)

Source photo : wikipedia.


Donc, je vous parlerai uniquement des charcuteries. Rien sur le cassoulet, la choucroute, les tagines, la tartiflette, le champagne, ou les pâtisseries. Tout ça est disponible dans le premier supermarché, mais je n’en parlerai pas. Vous êtes prêts? Charcuteries, go!

Jambon blanc, jambon de Paris, au torchon, tranché fin à l’ail, jambon rôti, fumé, jambon cru, de Bayonne, de Savoie, prosciutto crudo, prosciutto de Parma, jamon serrano, patta negra, viande des grisons, jambon en gelée, tous offerts dans différentes marques.

Un de mes amis dit qu’un canard meurt à chaque fois qu’un Français mange. Magret de canard, magret séché, filet de canard fumé tranché, gésier de canard confit, lardons de canard fumés, pâté gascon au foie gras de canard, mousse de canard aux oignons, foie gras de canard entier du Sud-Ouest, terrine de fleurons de canard, pâté de foie en croûte.

La rillette, c’est quelque chose à mi-chemin entre le pâté et le creton. C’est bon. On peut pratiquement faire des rillettes avec toute espèce du règne animal. Les Français n’ont choisi que les meilleures : rillettes de truite fumée, rillettes au canard fermier des Landes, rillettes du Mans à l’ancienne, rillettes de porc, rillettes de poulet rôti, de canard (bien sûr), de thon, de saumon, de crevettes…

Les saucissons maintenant. Petits saucissons secs style 5 à 7, bâton de berger, saucisse sèche d’Auvergne, saucisson sec pur porc, aux noisettes, au thym, au poivre, au romarin, piquant, doux, chorizo, saucisson cuit, coppa, mortadelle, rosette de Lyon, salami. Et là je nomme seulement les grandes familles. Il y a une quantité phénoménale de concurrents qui nous présentent leurs produits sous diverses formes toutes aussi alléchantes.

Je commence à avoir faim, alors je vais arrêter. Je ne rendrai pas justice à tout ce qui reste. Les saucisses de Strasbourg. Les saucisses en général (vaste territoire). Le boudin noir aux oignons. Le boudin blanc. Les lardons (plutôt rares au Canada, ils sont ici offerts dans au moins 20 formats et recettes). L’andouillette. Les tripes. Le cervelas d’Alsace. Le bacon. Les pâtés. Les terrines…

C’est pas moi qui l’a dit, mais je le répète : tout est bon dans le cochon. Et dans le poulet aussi, puisque la plupart de ces produits sont offerts en version « volaille ».


samedi 23 août 2008

Frosted Flakes



Au départ, il y avait le pain, le vin, et Jésus. Les Français ont enlevé Jésus et l’ont remplacé par du fromage. Tout Nord-Américain qui débarque en France devient muet de bonheur lorsqu’il entre chez le fromager. Du fromage comme dans tes rêves. Chez Auchan, il y a quatre tablettes uniquement pour le camembert. Et une rangée complète d’épicerie, des deux côtés, avec juste du fromage. L’extase.

J’aimerais donc prendre deux minutes de mon temps pour remercier le peuple français. Mon petit cadeau de courtoisie, à l’endroit de ceux qui visiteront le Canada, sera de les diriger vers le rayon des céréales froides. Par céréale froide, je désigne ces flocons croustillants qu’on dépose dans un bol et qu’on couvre de lait frais. Un magnifique petit-déjeuner.

Tout d’abord, j’aimerais dire aux Français qu’ils ne savent rien du degré de sophistication du marché nord-américain de la céréale froide. En France, les boîtes de céréales sont placées dans un racoin, pas trop loin de sacs à déchets, ou à côté des trois pots de salsa qui constituent la section « mexicaine » du supermarché.

Il y a en France deux saveurs : « ordinaire sans sucre », et « vraiment poche ». Il y a quelques marques de muesli douteux, majoritairement constitué de gruau pas cuit, avec 2 raisins secs et 4 éclats d’arachide par boîte. Il y a beaucoup de All Bran. Et tout ça est dupliqué en version « chocolat noir ». La seule manière qu’ont trouvé les Français pour mettre un peu de « pep » dans leurs céréales, c’est de les faire en version chocolatée. On dirait qu’ici, la céréale froide est perçue comme un ignoble succédané du croissant. Un croissant séché et broyé. Un remède pour gens aux prises avec un problème temporaire de constipation.

Source photo : wikipedia.


Autre abomination dans cette atrophie culinaire : le lait UHT. Ultra-High-Temperature. Pour assainir le lait, on le fait couler rapidement sur une plaque ultra chaude, ce qui tue les bactéries. Chers amis français : vous dites que mettre un fromage au frigo, c’est le tuer. Et bien vous tuez votre lait. Il est dégueulasse, votre lait. Il goûte le lait qu’on doit livrer en Antarctique par bateau. Le truc fait pour survivre à une guerre nucléaire. Il est conservé dans une bouteille en plastique, et il goûte le plastique. Au Canada, vous trouverez du lait frais, crémeux, qui goûte bon. On le passe à travers des filtres aux pores microscopiques qui retiennent les bactéries. Le goût est préservé.

Oui, on trouve du lait frais en France. Le supermarché en a généralement deux ou trois bouteilles dans un coin oublié du frigo. Leur emballage semble conçu pour attirer les dépressifs, les consommateurs atteints d’allergies sévères, ou les personnes appartenant à des sectes environnementalo-religieuses. Des bouteilles à la gueule désespérée, qui attendent un client depuis trois semaines. Je n’ose pas.

Et les céréales. Un petit conseil aux Français : cessez de dire « pétale » pour désigner des « flocons ». Parce qu’au Canada, vous sèmerez la confusion. Il y a certaines céréales un peu plus luxueuses qui contiennent non seulement des flocons, mais aussi de vrais pétales de fleurs. Si vous demandez des « pétales », vous risquez de vous retrouver avec la céréale à 23$ le kilo. Elle est savoureuse, mais vous y passerez tout votre budget-vacances.

Dans le bon-marché, vous retrouverez ce qu’il faut pour combler tous vos fantasmes céréaliers inavoués. Dans la variété des céréales santé, il y a sans sucre, avec fruit, sans fruits, avec noix, sans noix, avec les deux, avec un petit peu de sucre, sucrée au miel, en flocon, en granola, en « cluster » de flocons et granola, produits bio, avoine, blé, orge, cinq-céréales, etc. Faites le produit cartésien de ce que je viens d’énumérer et vous aurez une idée de la section santé.

Passons maintenant à la section « kids ». Il y a toute la variété des céréales-bonbons : les Fruit Loops, les Frosted Flakes, les Honeycombs, les Alphabits, les Corn Pops, les Sugar Pops, ad nauseam (au sens propre). Ces produits ne sont pas réputés pour leur valeur nutritive, mais constituent une excellente dose de sucre et de colorants artificiels pour l’enfant un peu comateux. C’est l’équivalent matinal de la cocaïne pour un public préscolaire. Pour les parents un peu plus écolos, tous ces produits existent en version bio. Du sucre de canne bio, tout aussi excitant, mais bon pour l’environnement.

Pour les traditionnalistes, ceux qui bouffent « old-fashioned », il y a tous les classiques. Les précurseurs. Ces produits qui ont permis à l’humanité de dépasser le porridge et l’ignoble crème de blé. Les centenaires. Je parle ici des Corn Flakes, des Raisin Bran, des Bran Flakes, des Rice Krispies, des Special K. Ces céréales ont bien vieilli dans leur version originale. Mais elles ont aussi su se mettre au goût du jour. Vous les trouverez par exemple en variété « Cranberry » ou « Multi-grain ».

Après ces trois grandes catégories, vous aurez la chance de découvrir une pléthore de sous-groupes céréaliers. Votre vie trop active ne vous laisse pas le temps de verser du lait dans un bol? Pour vous, il y a le groupe des céréales en barre à croquer. Habituellement, toute céréale standard existe en version « barre », ce qui double l’offre.

Il y a aussi la section internationale, avec des produits comme les Weetabix, une étrangeté britannique qui se transforme en purée 8 millisecondes après son contact avec un liquide. Vous trouverez des trucs au quinoa, question de manger andin. Des choses au riz et gingembre, si vous avez envie de l’Asie.

Il y a même une section où les gens un peu plus politisés trouveront des céréales faites ici, par des gens d’ici, avec des produits d’ici (peu importe où vous vous trouvez en Amérique). Donc, si on le souhaite, on peut transformer son repas du matin en geste d’affirmation nationale. N’est-ce pas magnifique?

Enfin, il y a les emballages. Du grand art. Il y a le format familial, le format normal, le format célibataire. Il y a même le format « Fun Pack » : de petites boîtes de céréales individuelles et imperméables. Pas besoin de bol, on verse le lait directement dans la boîte. Pas pire, hein?

Je ne comprends pas pourquoi la France, qui fait de magnifiques dîners, néglige à ce point son petit déjeuner. Ici on sert les restes de baguettes de la veille. En Amérique, le p’tit-dèj est roi. Je vous ai uniquement parlé des céréales. Je n’ai rien dit des omelettes, des œufs miroirs, des œufs brouillés, du bacon, des saucisses, du jambon, des pancakes, des petites patates rôties, des French-Toasts (pourquoi ça s’appelle des « French-Toasts »?), des gaufres, des fruits frais, du cheez-whiz, des muffins, des bagels au Philadelphia, des bines, des cretons, de la graisse de rôti. Sans compter les croissants et autres pâtisseries que nous avons rapportés d’Europe. La prochaine fois, amis français, je vous parle du beurre de pinottes. Ça va changer votre vie.


jeudi 21 août 2008

L’herbe qui pousse



Source photo : wikipedia.


Depuis deux jours, je n’ai pas vraiment envie de livrer mes observations savantes sur la France. Je prends des notes, j’ai des sujets futurs, mais je n’ai pas le goût d’encore parler du même sujet, de poursuivre ma dissection sociale et culturelle. À un moment donné, la France, c’est juste un ostie de pays, non? Y’a des toilettes et des autos, des restos et des feuilles d’arbre, comme partout ailleurs.

Depuis quelques jours, un truc que j’avais oublié revient doucement. Certaines choses deviennent habituelles. Je sais à quelle heure le train passe. Je n’entends plus les ambulances. Je suis moins mélangé. J’ai de plus en plus de moments agréables et je suis moins stressé.

Dans mes préoccupations quotidiennes, y’a moins de ministères, d’agences et de formulaires. Je règle mes petites affaires. J’essaie de comprendre mon cellulaire qui coupe mon premier appel si j’en reçois un deuxième, avec le répondeur qui ensuite m’appelle pour me dire que j’ai un nouveau message, en plus de m’expédier un rappel texto. J’essaie d’activer la fonctionnalité « calisse-moi-patience-je-suis-assez-grand-pour-prendre-mes-messages-tout-seul ». Ce genre de petite préoccupation pas très stressante. La petite vie plate, quoi.

C’est le fun, la petite vie plate. J’aime ça, moi. Ça a l’air con dit comme ça, mais je retrouve le plaisir des petites questions anodines comme « Quessé j’me ferais bien pour souper ? », ou « J’achète-tu une grosse pinte de lait, ou bien une petite? »

Depuis mon arrivée, c’était surtout « Je ne comprends pas bien, pourriez-vous m’expliquer? », « Le papier qui manque, je me le procure où? », ou bien « Est-ce que je dois prendre un rendez-vous? » En France, le seul papier facile à obtenir, c’est le papier-cul. Et encore.

Parlant de papier-cul, j’ai trouvé ma sorte. C’est important ce genre de petits détails dans une qualité de vie. Trouver la bonne heure pour prendre le métro. Trouver du vrai ketchup. Trouver un poste de radio qu’on aime. Connaître un lieu pas trop fashion où prendre quelques bières sans se ruiner. Connaître un quincailler qui a tout. Un beau parc pas trop loin.

Donc là, j’avance bien dans la reconstruction de ma petite vie. Ça commence à être confortable. Il manque encore de petits bouts, mais je sens que ça s’en vient. Ça brasse moins. Ça décante. C’est beau l’herbe qui pousse. Surtout quand tu peux la regarder en buvant un bon vin.


mardi 19 août 2008

D’où nous venons



Peu importe ce qu’on dira, les Québécois ne sont plus très Français. Nous sommes profondément anglo-saxons. Nos quelque 250 années sous la Couronne nous ont beaucoup façonnés.

Notre culture alimentaire, par exemple, n’a rien à voir avec la France. Je ne parle pas de recettes. Je parle de la manière dont nous mangeons. Quand je dis à mes collègues français qu’il nous arrive de dîner devant l’ordi au travail, ils me répondent : « Les Britanniques font ça ».

En France, un des plats du pauvre est le petit salé aux lentilles. Délicieux. Beaucoup de plats simples sont à base de féculents. Chez nous, les fèves n’ont pas vraiment la cote chez les pauvres. On penche plutôt vers la patate dans toutes ses déclinaisons, probablement un legs des immigrants irlandais. Et nos déjeuners… Œufs-bacon et bines: britannique. Gruau : certainement un descendant du porridge. Il paraît que les Corn Flakes originaux proviennent d’une crème de blé qu’on aurait laissée trop longtemps sur le feu. Les Français ne prennent pas leur petit déjeuner dans un bol.

Source photo : wikipedia.


Au travail, la différence est frappante. La gestion est différente. Les priorités ne sont pas les mêmes. Les relations entre collègues sont d’un tout autre ordre. La hiérarchie s’impose avec une autre approche. Agir en Québécois dans une job française, c’est un ticket vers les problèmes et l’isolement. Le seul conseil que je donnerais à un Canadien, c’est « shut up and listen ». Quand je compare Belle Province et Hexagone en matière de travail, mes collègues me disent encore une fois : « Ça ressemble à l’Angleterre. »

Et pourtant… Je suis passé en Normandie ce week-end et j’ai senti des choses qui me rappellent une fibre profonde, une sorte de sous-couche. La ville de Paris telle qu’on la connaît est une invention moderne où le Québécois est un étranger. Mais à Honfleur, il y a quelque chose qui est remonté, comme une impression floue sortie de l’enfance.

C’est difficile à expliquer. Quelque chose dans l’architecture. La forme des maisons, le choix des couleurs, l’utilisation du bois comme matériaux principal. Quelque chose dans l’air, comme un mince trait d’union entre le Vieux-Québec et la France. Je me sentais un petit peu plus chez moi qu’à Paname (Paris en slang).

Gilles, un collègue au travail, vient de Normandie. Le midi, il nous arrive de tirer des parallèles entre l’ancien patois du nord-ouest de la France et notre bon vieux joual. Le « moi » qui se dit « moé » chez nous et « moè » en Normandie. L’habitude de terminer les « eur » en « eux », comme « patenteux » et « bargaineux ».

Malgré tout ce que diront Louise Beaudoin et Jacques Parizeau, je crois qu’il est approprié de s’en tenir à l’expression « racines françaises ». Le Québec est aujourd’hui le fruit de nombreuses boutures. Et depuis 1759, la France a poussé dans une autre direction. (Pour votre culture personnelle, voyez ici comment on use une métaphore jusqu’à la corde.)

En tout cas, les Québécois sont bien reçus ici. On entretient le cousinage. Le fait d’avoir joué dans la même équipe à un moment de l’histoire, ça présente quelques avantages.


lundi 18 août 2008

L’histoire des perdants



Ce ne sont pas les perdants qui écrivent l’histoire. Généralement, s’il reste des perdants, on leur donne le droit de se fermer la gueule pendant qu’on rit d’eux en les traitant d’arriérés rétrogrades. C’est l’impression que m’a laissée le Mémorial de Caen dans son traitement du communisme à la sauce « Bloc de l’Est » (date de décès : 9 novembre 1989). Non sans un certain bonheur, il faut le dire.

Le Mémorial de Caen est un superbe musée qui nous présente les diverses facettes de la 2e Guerre Mondiale. Politique, social, logistique, l’avant, le pendant, et l’après; tout est là et bien illustré. Un beau musée bien fait, et qui vaut la peine d’être vu.

J’ai trouvé « l’après » très intéressant. Une belle expo où on nous parle de la guerre froide et où les Russes en prennent pour leur rhume. Bon, c’est pas écrit en grosse lettres « Les communistes sont des cons ». C’est un peu plus subtil. Mais pas trop… Juste assez.

Source photo : wikipedia.


J’ai beaucoup aimé ces deux grandes boîtes vitrées dans lesquelles on oppose des symboles culturels états-uniens et russes. Côté américain : un ordinateur. Côté russe : un boulier. Côté américain : la photo d’un crooner en queue de pie. Côté russe : de vieilles bottes en feutre quasi préhistoriques. Cadillac vs Lada. Marylin vs une nageuse est-allemande. Absolument tordant.

Un peu plus loin, on se régale avec une photo de Fidel Castro attablé devant des mets chinois et un Coca-Cola. La propagande cubaine l’a échappée, celle-là. Fidel a l’air du beau-frère de Bud Spencer, celui qui fait honte à la famille. Il a l’air d’un ivrogne jovial.

Dans la pièce où on nous raconte la chute du mur de Berlin, les principaux dirigeants communistes de l’époque défilent sur un écran. Pour qu’on comprenne bien l’impact qu’a eu la chute du mur sur leurs carrières respectives, on affiche ces dirigeants avec un gros « X » dans la face. Le X est rouge, quel bel adon. Dans les airs, on voit deux pans du mur, comme les deux épitaphes d’un mauvais souvenir en route vers le ciel.

Pourquoi deux? Je ne sais pas. Peut-être qu’un d’eux est à l’attention du Parti Communiste Français. Le PCF est un des 13 partis représentés à l’Assemblée nationale français. (Et oui, vous avez bien lu : 13 partis REPRÉSENTÉS. Il y en a un tas d’autres.) Je ne suis pas certain que le PCF ait été présent lors des réunions de conception pour l’expo du Mémorial.

En tout cas, moi ça m’a fait rigoler. Je sais, le Mémorial n’est pas un endroit rigolo. Mais que voulez-vous, je suis ignoble. Et de toutes manières, je me suis repris le lendemain, au cimetière américain d’Omaha Beach. Là, je n’avais plus envie de rire.

mardi 12 août 2008

Repassage vertical : oui



Je pris l’article, passai à la caisse. Modèle de base, 49 euros, pas de fla-fla. Je ne le savais pas, mais sous son allure épurée, ce que je venais de me procurer était « ze big gun ». J’avais lu sur l’étiquette descriptive « Repassage vertical : oui ». C’était ce qui comptait.

Dans les jours qui suivirent, je mesurai avec étonnement l’efficacité redoutable de mon nouvel engin. Pas de gadget, que de la puissance. Une arme de destruction massive du faux-pli. Ce fer à repasser était tout ce dont j’avais rêvé sans oser me l’avouer.

L’appareil est ce qu’il y a de plus standard en matière de fer, du moins la partie qu’on manipule. La différence, c’est qu’il est relié par un long ombilic à une matrice de forme ovoïde : un réservoir dont la seule fonction est de produire de la vapeur. Un criss de tas de vapeur qui fesse dans le dash.

Je ne te parle du petit rot de vapeur diaphane qu’émet un fer standard, selon son gré, à intervalle plus ou moins régulier. Le genre de petite flatulence fantomatique qu’on obtient à peine même si on a mis le fer à « max », au risque de toaster ses vêtements. Je te parle d’un vrai jet de vapeur capable de plier du bois. Comme une machine à espresso commerciale. Godzilla qui vient de manger 24 ailes suicide. Genre que si ton doigt est dans le chemin, il ressemble à un cannelloni trop cuit en moins de 3 millisecondes.

Source photo : wikipedia.


Ok, je ne suis pas du style « plaisirs domestiques », mais là je dois avouer que la technologie française a trouvé un moyen de me combler. À mes yeux, c’est mieux que la tour Eiffel, la fusée Ariane et le TGV réunis. Je te jure, mes vestons défroissent tout-seuls à la simple vue de l’outil tellement ils ont la chienne. Un petit pouishe et hop, tout est flambant neuf.

Même chose pour les chemises. Parfois, quand je suis pressé, je ne sors même pas la planche à repasser. Direct sur le cintre. Je n’ai pas le joli petit pli qu’on fait par exprès le long de la manche. Mais sérieusement, on s’en crisse-tu un peu du petit pli? En 30 secondes, ma chemise est lisse comme les fesses de Cher après son rendez-vous annuel.

Quand je reviendrai, j’apporterai mon fer. Même si ça me coûte 100$ pour faire mettre une plogue 110 volts. Même si je dois laisser ici mon appareil photo et deux ou trois vestons parce que mes valises sont pleines. Et si un jour j’achète une maison, j’aurai déjà ma décapeuse. Watch out la vieille couche de « Taupe hollandais semi-lustré ».


dimanche 10 août 2008

Petite liste de choses « le fun »



J’ai l’air de chialer tout le temps. Mais est-ce que je vous apprendrais quelque chose si je vous disais que Notre-Dame est magnifique, que les pâtisseries sont de véritables bijouteries, que le café est toujours bon, que je pourrais manger du foie gras jusqu’à l’indigestion, qu’il y a ici une opulence rare?

Mais bon, puisqu’il faut être positif de temps en temps, voici une petite liste des choses positives des dernières 24 heures. Pour vous donner une idée du quotidien, du moins celui du week-end.

Ce matin je suis allé courir au parc Vincennes, tôt avant le lever des Parisiens. C’était frais et paisible. En revenant je me suis pris une brioche (pain aux raisins ici) pour déjeuner et c’était la meilleure de toute ma vie. T’as aucune idée la perfection. La pâte feuilletée craquante, tendre au centre, avec de petits morceaux d’orange confite. Paris se réveillait à peine. Au bistrot du coin j’ai complété avec un grand café-crème et les habitués me faisaient la conversation parce que je suis en train de devenir un habité moi aussi, canadien de surcroît, ce qui fait un sujet de discussion.

Hier je me suis rendu aux Catacombes mais il y avait un monde fou. Alors je suis allé marcher dans le 13e pour voir le quartier chinois. Je sais maintenant où me procurer mon lait de coco et mes nouilles soba. L’architecture du coin pourrait faire HLM, mais l’aménagement donne plutôt dans l’hommage assez réussi à Mies van der Rohe.

Au retour, je suis tombé sur l’église Notre-Dame de la Gare. C’était vide et tranquille. J’ai allumé un cierge pour ma mère. J’avais un billet de 5 euros et pas de monnaie, alors j’ai tout mis et j’ai allumé d’autres cierges pour à peu près tout le monde que je connais. J’espère qu’ils vous apporteront santé.

Dans une boutique de vin, j’ai pris un superbe Xeres par trop cher. J’en bois en ce moment. Faut aimer le Xeres. C’est un vin sec d’Andalousie, sans sucres, presque salé, qui rappelle la mer, les olives et le bois.

Source photo : wikipedia.


Le hasard m’a mené à un petit troquet basque pas cher où j’ai décidé de souper. En extra, le hasard m’a apporté un petit couple d’agents de bord d’Air Canada en escale. Nous avons jasé en canadien. L’un d’eux prend sa retraite bientôt et compte ouvrir un bed and breakfast à Phuket, en Thaïlande, où il possède un terrain. Ils m’ont payé une coupe de vin. Je leur ai payé une poire Williams. Une criss de bonne poire Williams qui sentait vraiment la poire et décoinçait l’estomac après le repas copieux.

En rentrant par la ligne M1, j’étais fasciné par les courbes et détours du métro de Paris. Chez-nous, tout est en ligne droite. Ici, le métro est une machine organique qui monte et descend, prend des courbes serrées, contourne je ne sais quelles fondations ou ouvrages historiques. À la station Bastille, on émerge sur une vue du Canal St-Martin et ses péniches, et c’est magnifique le soir venu.

Tout à l’heure, j’ai trouvé un FranPrix ouvert le dimanche pour sa clientèle juive. Après toutes les charcuteries de la semaine, un bon repas de légumes me fera du bien ce soir. J’ai trouvé de belles aubergines et une harissa yéménite aux piments verts. Avec un peu d’oignon, de l’huile d’olive et du sel, ce sera splendide. J’ai aussi trouvé des chips israéliennes au goût de fallafel. Je ne peux résister à ce genre de truc étrange. Ça goûte vraiment le fallafel.

Là, vous vous dites: « il fait juste manger le cochon! » Vous ne pouvez pas comprendre. Ce n’est pas comme en Amérique. Ici, la vie tourne autour de la bouffe. C’est une religion. Gilles, un collègue au bureau, a hâte à ses vacances pour cuisiner. Il compte passer le tiers de ses vacances au marché et dans sa cuisine. Pour lui, la vraie vie se déroule autour d’une table.

samedi 9 août 2008

Jamais du premier coup (suite et fin)



Mon but n’est pas de recenser la totalité des petits chemins de croix administratifs que doit longer un expatrié. C’est pourquoi j’essaierai dans les prochains mois de garder pour moi mes réflexions sur le service à la clientèle, cette ressource naturelle précieuse qui n’est pas répartie également sur tous les continents. Je ferme donc le chapitre « doing business in France » avec une dernière anecdote.

Je dois rentrer au Canada prochainement pour obtenir certains papiers. Je réserve un billet d’avion en ligne lundi soir. La compagnie française qui me vend mon billet sur Air Transat prend toutes mes données de carte de crédit, incluant les trois petits chiffres de sécurité qu’on ne devrait jamais donner. J’appuie sur le bouton. J’attends un petit moment, environ le temps que met un site pour valider une VISA et effectuer le prélèvement. Trente secondes plus tard, j’ai un numéro de confirmation et on me dit qu’on m’enverra sous peu mon billet électronique. Tout va pour le mieux.

Le lendemain, je reçois un courriel qui semble provenir du département de comptabilité de la compagnie. « Bonjour monsieur, pour obtenir vos billets, vous devrez faire un virement de 574 euros sur notre compte bancaire dont voici les informations. Vous devrez également nous envoyer par fax le tampon officiel de votre banque pour nous confirmer le paiement. Vous pouvez aussi payer personne à notre agence de la rue Blablabla ». Aucune ligne du message n’indique si la transaction sur ma carte de crédit a échoué ou non.

Disons que je fais ce qu’on me dit. Disons que j’ignore le fait que ce courriel, dans sa teneur, à l’allure peu rassurante du hameçonnage classique à la sauce nigérienne. Disons que je présume qu’aucune somme n’a été prélevée sur ma VISA. Alors je dois m’absenter de mon travail (encore une fois), traverser Paris pour aller à ma banque, faire un virement avec tout ce que ça implique, obtenir le tampon et le faxer.

Source photo : wikipedia.


Écoute monsieur le vendeur, est-ce qu’on t’a expliqué à quoi ça sert un site internet transactionnel? La seule raison pour laquelle je suis allé sur ton site, c’est parce que t’étais 50$ moins cher qu’ailleurs. Là tu sembles refuser une carte de crédit que tout le monde accepte. Tu me demandes de perdre un temps fou à me promener dans Paris, tout ça pour un petit 50$ qui ne vaudra probablement plus rien une fois que ma carte de crédit aura pris sa « cut » pour le taux de change.

Monsieur le vendeur, on va fonctionner autrement. Je vais appeler ma carte de crédit au Canada pour voir si vous ne m’avez pas déjà facturé. Je vais leur demander de bloquer tout prélèvement de votre part. Toi, tu vas annuler sans frais ma réservation. Même si ton site dit qu’il y a des frais pour une annulation. Moi je vais aller directement sur le site d’Air Transat, comme je fais d’habitude, et je vais avoir mon billet en 5 minutes. Tout ça bien assis sur mon gros steak dans le confort de mon appart. That’s the way we do business in America.

Selon ce qu’on m’a déjà expliqué, ça prend 5 minutes pour boucler une transaction de 200 millions U.S. sur la bourse de New York. C’est une trader du NYSE qui le dit. Elle ajoute que la même transaction, faite en EURO avec une contrepartie européenne, prend 5 jours. C’est pourquoi selon elle l’EURO ne deviendra jamais l’étalon monétaire international. Ce n’est pas une question de force : la livre sterling a toujours été plus forte que le dollar américain. C’est une question de liquidité, une question de FACILITÉ DE PAIEMENT.

jeudi 7 août 2008

Jamais du premier coup (partie 1)



On m’avait averti : les formalités administratives sont pénibles en France. J’ai pris l’avertissement au sérieux, mais je n’en ai pas pris la vraie mesure. On aurait dû insister, faire le silence autour de moi, me regarder dans les yeux, et me dire lentement en insistant sur chaque mot : « LES FORMALITÉS… SONT… PÉNIBLES… EN FRANCE ».

Source photo : wikipedia.


J’ai payé mon loyer en retard. Selon ce qu’on m’avait dit, l’agence allait prendre mon RIB et celui du proprio, et organiser le prélèvement automatique. Je ne me suis pas posé de question. Il y a tellement de détails lors de la signature d’un bail. J’ai signé au moins 17 papiers. Mais je n’ai jamais signé d’autorisation de prélèvement.

Donc, le premier août passe, le loyer n’est pas payé, et il faut organiser le prélèvement. Lundi, je me rends à mon agence (succursale bancaire). Ça me bouffe mon midi, mais semble-t-il, impossible de faire les choses par téléphone. J’ai le bail, avec les infos bancaires de mon proprio. Tout devrait se régler rapidement.

Erreur. Sur le bail, les données bancaires ont mal été retranscrites par l’agence immobilière (agence que j’ai quand même payée 2000$ pour remplir des petites cases dans un template MsWord de 7 pages). Il manque un petit chiffre sur le RIB.

Qu’est-ce que c’est un RIB? C’est un relevé d’identité bancaire. Ici, les prélèvements automatisés sont très populaires, et le RIB est la petite clé standardisée permettant ces échanges de capitaux. Un RIB, ça va comme suit :
Identifiant de banque, 5 chiffres : 11111
Identifiant de succursale, 5 chiffres : 22222
Identifiant du compte, 11 chiffres : 33333333333
Validateur d’algorithme, 2 chiffres : 44

Au RIB s’ajoute le IBAN, International Bank Account Number. Un IBAN, c’est pas compliqué. C’est un code de pays (FR76 pour la France), suivi de tous les petits chiffres mentionnés plus haut, dans l’ordre. Ainsi, pour l’exemple donné plus haut, le IBAN est :
FR7611111222223333333333344

Ça ne prend pas la tête à Papineau pour déduire ce genre de truc. Tu vois les chiffres se répéter. Pattern recognition ONE-O-ONE. J’ai fait la découverte dans le métro, 5 minutes après avoir quitté bredouille ma succursale bancaire. On n’a pas pu faire mon prélèvement de loyer parce qu’il manquait le dernier chiffre de l’identifiant de succursale de mon proprio. Mais le petit chiffre, il était là dans le IBAN et il nous criait : « Hé! Ho! Allo! Je suis ici! Ici! Allo! »

J’ai perdu 1 heure pour rien. Mais ce qui me consterne le plus, c’est que l’employé de la banque, qui voit des RIB et des IBAN à tous les jours, n’a pas encore réalisé le truc que j’ai pris 30 secondes à déduire.

Deuxième essai le lendemain, mardi. Paraît qu’on peut faire les virements via le site internet. Je suis comblé de joie. Je ne suis jamais mieux servi que par moi-même. Sauf peut-être au lit. Je me log dans mon compte, je fais le virement, et je regarde satisfait le petit sablier du bonheur qui bientôt sera remplacé par un beau message de confirmation.

Pas vraiment. Le message dit : « Pour des raisons de sécurité, votre premier virement ne pourra être effectué qu’après la réception d’un code de sécurité. » Je me dis : « Ok, il est où ton ostie de code? Donne-moi le criss de code qu’on en finisse. » Je lis la suite du message : « Votre code de sécurité vous sera acheminé par courrier d’ici 48 à 72 heures. »

Mercredi, je ne peux pas aller à ma banque. Réunions toute la journée. Mon proprio me laisse des messages sur mon cellulaire. Moi, je laisse des messages de supplication sur tous les répondeurs de ma succursale bancaire. J’envoie des courriels. Aucun signe de vie. Vers 16 heures, je tombe enfin sur un humain qui m’assure qu’un message sera transmis à mon conseiller. Ce dernier pourrait (on insiste sur « pourrait ») accéder à ma demande, mais d’habitude faut signer en personne sur les lieux. À 20 heures, je n’ai toujours pas de nouvelles de mon conseiller. La banque est fermée.

Ce matin, je quitte mon appartement, résigné à encore perdre mon heure de dîner dans le métro. Je suis aussi résolu à me coucher par terre à la banque et à ne plus bouger jusqu’à ce que le criss de virement soit dans l’ordinateur. Ça commence mal une journée quand tu pars comme ça. Vers 9 heures 15, courriel de mon conseiller : le virement est fait.

Ô jouissance! Ô bonheur profond! Ô libération de mon âme affligée! Je lis le courriel tout haut, et ce n’est pas ma voix que j’entends, c’est la Suite pour orchestre numéro 3 en ré mineur de Handel.

Le seul aspect positif de toute formalité administrative en France, c’est l’intense joie qu’on ressent quand on arrive au bout. On se sent comme un nouveau paralytique qui réussit le premier pas de sa nouvelle vie. On se sent comme un alpiniste qui plante un drapeau au sommet : épuisé mais heureux. Quand ça fonctionne du premier coup, c’est simplement un jour de chance exceptionnelle.

Pourquoi « (partie 1) » dans le titre? Parce que j’ai vécu des expériences similaires avec mon assurance pour le dégât d’eau, avec ma carte de métro, avec mon téléphone cellulaire, avec une réservation d’avion, avec mon abonnement internet. Tout ça en quatre petites semaines. Je vous écrirai les parties 2, 3, 4, 5 (etc.) à un autre moment.

En attendant, pour rester sain d’esprit, je me fixe comme objectif « Une formalité par jour, peut-être ». Et je songe à downgrader à « Une formalité par semaine. »

lundi 4 août 2008

Paris le week-end



Il y a au moins deux Paris : celui de la semaine et celui du week-end. J’ai déjà passé du temps à Madrid, Barcelone, Londres, New York, et quelques autres grosses villes. Aucune n’offre un tel contraste entre les jours ouvrés et les jours fériés. À New York et à Londres, on travaille sept jours sur sept. À Madrid, il y a ambiance de fête pratiquement tous les jours. À Barcelone, l’intensité touristique ne connaît pas de creux.

Le Parisien de la semaine est en mission. Il est obsédé par sa montre, il brûle les feux rouges, il se lance dans l’Étoile comme un commando suicide. Il te pousse dans le RER, il bouffe debout au bar, il porte un veston. Il dit « putain », il évite les vélos, il fait la file en tapant du pied.

Le Paris du week-end, c’est celui des cartes postales. Celui du film américain ou la blonde et le beau mec font du vélo et boivent des cafés pendant 90 minutes avant de finalement s’embrasser. Les serveurs sourient un peu plus, les ivrognes sont sympathiques, la cadence est à slow.

Source photo : wikipedia.


Le Paris du week-end relaxe, satisfait, comme après un orgasme. Lentement il fume une cloppe et regarde monter les volutes en silence. Il a tout son temps, il traîne au lit. La madame est contente, le monsieur aussi. Avant 10 heures, personne à la boulangerie, sinon un petit vieux matinal qui profite du moment pour faire la conversation.

Le vendredi soir, Paris sent Mexico. Il faut trop chaud, le gazole enfume l’air et les klaxons râlent. Le samedi matin, ça sent presque le gazon. L’air est frais, la rue déserte. À Paris on n’a même pas le blues du dimanche (en tout cas pas moi); on est tellement loin du lundi qu’on l’oublie.

Mais le lundi ne nous oublie pas. Le chrono redémarre. À 7 heures 30 les vestons-cravates convergent à grands pas vers la bouche du RER, la mallette dans une main et le cellulaire dans l’autre. C’est la fin de la mi-temps.


dimanche 3 août 2008

Promenade plantée


Source photo : wikipedia.


Ce matin j’ai fait mon beau jogging dominical pour me déculpabiliser de toutes les pâtisseries et le vin que je m’envoie ici. J’ai fait Cours de Vincennes jusqu’aux Périf, la Promenade plantée jusqu’à Bastille, et Faubourg Saint-Antoine pour revenir. Un beau 50 minutes, si tu inclus les 10 minutes de tournage en rond pour trouver le début de la Promenade plantée.

La Promenade plantée, c’est un joli parc longiligne, suspendu à 20 pieds dans les airs. Une ancienne voie de chemin de fer qu’on a aménagée, une belle ligne de verdure qui traverse le douzième. C’est un peu l’autoroute du jogging, mais ça va. On reste dans le quartier sans devoir se taper les intersections. Ça sent bon les fleurs et la verdure.

De retour sur Faubourg Saint-Antoine, ça sentait plutôt l’espèce de fumet vinaigré du jus des poubelles (c’est la journée des vidanges) et l’exhaust de vieille Fiat. J’ai donc été heureux pendant trois secondes d’avoir une whiff de lavande fraîche. À cause de cette vieille madame qui vendait des bouquets de Provence sur une petite table à un coin de rue.

Une madame que j’ai moins aimée, c’est la grosse Algérienne qui m’a vendu mes gâteaux. Sur Faubourg Saint-Antoine, il y a une pâtisserie algérienne que j’avais spottée lors de mes promenades. On y offre des gâteaux de semoule, colorés et variés, présentés en belles petites montagnes sur des plateaux argentés. Le lieu est coquet et tout à l’air bon.

Je m’arrange pour finir ma course près de l’endroit, j’ai 10 euros sur moi, tout est prévu. J’entre dans la boutique. La première madame ne semble pas comprendre le français. Oui j’ai un accent, mais « Bonjour », tout le monde comprend ça à Paris même quand c’est moi qui le dis. Elle me fait une face de tu-me-fais-chier-toi-ce-matin et cours chercher sa sœur obèse dans le backstore. La sœur arrive, et sans plus de formalités, elle me lance : « Quess-t-y veux toi? Combien t’y en veux des gâteaux?»

Eille grosse madame, t’as aucune idée du gourmand que tu viens de perdre. T’as devant toi le gars qui fait du sport trois fois par semaine minimum et qui a quand même une bedaine. Tchèque ma bedaine, madame. Tu vois pas dans cette petite couche de gras tout le cash que tu pourrais faire au bout d’un an?

Si mon orgueil était plus gros que ma gourmandise, j’aurais crissé mon camp. J’ai pris six gâteaux. Prix: 9.50 euros. Les gâteaux de semoule, habituellement on vend ça au poids ou à prix fixe, mettons 2 piasses du gâteau. Le commerce n’a pas de balance, ni de caisse. La grosse madame n’a pas pesé mon achat, donc elle vend à prix fixe. Et 9.50 euros, ça ne se divise pas par six. Je la soupçonne de s’être pris un 50 centimes de pourboire. Un pourboire pour l’extra gros-air-bête.

Grosse madame, j’ai bouffé un de tes gâteaux sur le chemin du retour, et il était ordinaire. Même si les autres sont bons à se damner, je n’y retournerai plus dans ta boutique. Comme ça, tu pourras économiser sur tes airs bêtes. C’est dommage, parce qu’avec le petit profit récurrent que je t’aurais apporté, t’aurais pu t’acheter des rasoirs pour ta moustache.


samedi 2 août 2008

L’effet soupe



Ici le café est une religion. Peut-être pas autant qu’en Italie, à ce qu’on me dit, mais c’est du sérieux. Le café est un vecteur social; si tu ne prends pas le p’tit caf avec les collègues au travail, ton chien est mort. En deux semaines, t’auras ton étiquette de « loner » et on te traitera avec suspicion.

Le café est bon. Je l’ai déjà dit, même dans la machine à 30 centimes d’euros, il vaut l’espresso qu’on paie 3 dollars à Montréal (en sachant très bien qu’on se fait fourrer par un système de prix fixés). C’est un café dense, fort et bien tassé. À la limite, sirupeux. Un coup de fouet qui s’avale en deux gorgées.

Depuis mon arrivée, je m’envoyais deux cafés en arrivant au bureau le matin. Après j’avais 10 minutes de palpitations cardiaques et je m’essuyais les narines compulsivement (va savoir pourquoi). Et je me suis posé la question : pourquoi deux?

Source photo : wikipedia.


La réponse, je l’ai trouvée quelques jours plus tard au MaqueDo (l’équivalent du MèqueDo au Québec). En France, et ça commence au Canada je crois, il y a des McCafés. C’est le genre café-gourmet et pâtisseries, un peu comme Starbucks ou Second Cup. Ils font un grand café 300ml à l’américaine. C’est un allongé très allongé, mais avec suffisamment de café pour que ça soit un vrai café qui sent le café, goûte le café, et donne un peu de bonheur. C’est pas le truc verdâtre et acide qui dort dans le silex depuis quarante minutes, vous savez, celui qui avait une mauvaise réputation très méritée.

Mon premier café McDo 300ml m’a tellement fait de bien. Il venait combler quelque chose que l’espresso français n’arrivait pas à satisfaire. J’ai alors compris. Sans que je me rende compte, je m’ennuyais de l’effet « soupe ».

Un matin de semaine dans n’importe quelle ville américaine (je parle du continent, Canada inclus), à peu près une personne sur deux se promène avec un grand gobelet en carton. Les plus gros frisent le 700ml. Les Français nous voient dans les films et ne comprennent rien pantoute à cette manie. Dans l’Hexagone, le café se boit à coup de petites tasses d’environ 60ml.

D’après moi, en France le café est perçu comme une ligne de coke légale, un truc qui doit être intense et rapide. Allez hop, cul-sec. Chez nous, en plus de ses vertus de stimulant, le café joue un rôle de boisson chaude. Quelque chose de réconfortant qu’on peut prendre à deux mains, de la même famille qu’un bouillon ou une soupe. C’est pas pour rien qu’il y a du bouillon de poulet dans nos machines à café, chose qu’on ne voit jamais ici.

Peut-être que c’est l’hiver qui a modelé notre culture du café. Le besoin de se réchauffer. Et comme le café ne reste pas chaud longtemps en format 60ml, on a adopté une autre approche. Plus je passe temps ici, plus je me rends compte que nous, les Québécois, sommes beaucoup plus Américains qu’on veut bien le penser. Que ça déplaise ou non aux souverainistes.