C’est connu, Paris inspire les écrivains. Voici un extrait de mon premier manuscrit.
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Lors d’un de mes ménages du dimanche, je m’employais à frotter les murs de mon cabinet qui, comme me l’a déjà expliqué un de mes amis critique littéraire, finissent toujours par être maculés de gouttes de pipi si l’occupant des lieux a l’habitude de s’exécuter en position verticale, lorsque résonna le timbre de ma sonnette de porte. J’ouvris et me retrouvai face à une jeune dame aux mensurations et traits suédois, qui après s’être présentée sous la désignation « d’Anya vötre nouffelle voisine », m’expliqua non sans un certain malaise qu’elle était atteinte d’agoraphobie et souhaitait recourir à mon aide : la pauvre était sans provisions depuis deux jours, mais souffrait d’une peur panique à l’idée de descendre au supermarché du coin pour se procurer quelque substance comestible. Étant moi-même victime d’occasionnelles afflictions de l’âme, dont de légères crises de mythomanie, je ne pus que comprendre sa douleur et lui offrir mon aide.
Source photo : wikipedia.
À mon retour du supermarché, alors que j’allais déposer trois sacs de provisions dans ce qui était deux semaines plus tôt le vestibule de deux vieux amants si épris l’un de l’autre qu’ils choisirent de mourir simultanément dans leur sommeil, ma nouvelle voisine, mi-gazelle mi-fauve, se précipita sur moi sans mot dire et réduisit en confettis mes atours du week-end. Ainsi nu et sans défense, et surtout devant une telle vigueur, j’eus le bienheureux réflexe d’appliquer la tactique de la soumission passive, ce qui me sauva très certainement la vie. La bête assoiffée voulait visiblement ne rien laisser dans l’assiette. En ne résistant pas, j’allais m’épargner ce qui aurait pu ressembler à un démembrement à la mérovingienne.
Après trois heures d’intense labeur, et ayant tiré toute ma moelle, Anya sombra dans un sommeil qui m’apparut profond. J’attendis quelques moments avant de me lever, souhaitant avant de rentrer chez moi passer à l’église pour me confesser des quelques instants où, pendant mon supplice, mon esprit souffrant, en proie aux mécanismes d’auto-défense du cerveau humain, méprit séquestration et extase corporelle. Mais j’avais oublié que les Scandinaves du nord, soumis six mois par année à une nuit sans fin, et habitués aux projets de conquête des pays voisins, ne dorment jamais que d’un seul œil. Alors que j’allais poser ma main sur le loquet, résolu à circuler en habit d’Adam dans la cage d’escalier, et ce malgré le risque élevé de recevoir un avis d’expulsion de la part du directeur de la Coop d’habitation, Anya bondit du lit dans un élan digne d’un manga japonais pour venir s’interposer entre ma personne et l’issue du logement. Telle une furie, la vampiresse empoigna le pot de crème glacée Haagen-Dazs qui était resté à se liquéfier dans un des sacs de provisions et me l’expédia au visage. Aveuglé par les substances laitières, je ne sus réagir lorsque la démone blonde se jeta sur moi pour consommer avec avidité ses 3,50 euros de Dulce de Leche maintenant réduits à l’était liquide sur l’ensemble de la surface de ma peau.
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Bon, c’est un début. En principe, je devrais faire entrer en scène deux ou trois autres personnages féminins, avant de glisser graduellement vers une sorte de thriller politico-sociologique assez intense merci. La suite prochainement. Si tout se passe bien, je recevrai bientôt une avance de la prestigieuse maison Les Éditions de la Gare Montparnasse.