jeudi 3 juin 2010

Qu'est-ce qui se passe à Montréal ?



Je suis parti il y a deux ans. Mais à travers le hublot de ma Cyberpresse quotidienne, Montréal me semble bien stagnante. Je la trouvais déjà un peu endormie avant mon départ. Depuis un moment.

Commençons par le début, sinon vous allez me crucifier. Montréal reste pour moi la plus belle ville du monde. L'endroit où on vit le mieux. Cosmopolite, pleine d'espaces verts, pas trop grosse, pas trop petite, jeune dans sa tête, colorée, avec une culture métissée, semi-américaine, semi-française, qui permet de conjuguer business efficace et beau cadre de vie. La rotation des saisons y est magique. Il y a des choses à faire, des choses à voir. Montréal est sexy.

Mais depuis quelques années, j'ai l'impression d'un bruit de fond. En fait, c'est un silence. Une sorte de vide. Comme si la ville manquait d'essence : elle roule encore, mais c'est seulement l'entropie, le temps de diffuser l'énergie emmagasinée.

J'ai l'impression que la ville a cessé de se renouveler. Et qu'elle s'use par petits bouts. Les gros projets plantent. Y'a des pans d'industrie qui prennent la route de Toronto. Y'a le Grand Prix en toujours en sursis, les festivals qui vieillissent (et qui se ramollissent). Je ne veux pas me lancer dans une énumération; ce n'est pas là où je veux aller aujourd'hui. Seulement, on dirait qu'il y a juste assez de "peinture" socio-culturo-financière pour couvrir l'échéancier montréalais : les événements se suivent sans se chevaucher, rien ne déborde. Si un truc disparaît, rien ne se précipite pour combler le trou. En gros, la ville n'a aucun des problèmes liés à la croissance.

J'ai aussi l'impression d'une ville qui se referme tranquillement sur sa petite popote. Moins curieuse, moins aventurière, préoccupée par ses petits politiciens, ses nids de poule, et les polémiques de Guy A.

Source photo : wikipedia.


Un feeling de fin de party, vers 4h a.m. Moins de monde sur la piste de danse, barman qui commence à bailler. Time to go home.

Mais ce n'est pas ça qui m'inquiète.

Cette semaine, une étude du Conseil canadien de l'apprentissage présente un palmarès des villes et de leur consommation culturelle. Surprise générale : Montréal, qui table beaucoup sur son côté "culturel", y est classée 17e sur 18. L'avant-dernière position ! Derrière Cap-Breton ! Derrière Moncton ! Derrière Québec, Winnipeg, Saskatoon !

Ce qui m'inquiète, c'est la réaction à cette étude : la défensive. Voir, par exemple, Nathalie Petrowski ou le maire Tremblay. On a critiqué l'étude. On l'a trouvée biaisée. On a "remis les pendules à l'heure" : Montréal est unique, Montréal a cette saveur que d'autres n'auront jamais, bla-bla-bla.

Moi je ne sais pas. Je n'ai pas lu l'étude. Mais depuis des années à Montréal, on roule sur certains clichés.
- On s'ennuie à Toronto.
- La nuit est longue à Winnipeg.
- Saskatoon est une ville de rednecks.

C'est peut-être encore vrai. Je me souviens de mon passage à Saskatoon et Winnipeg, et c'était morne en tabouère. Mais c'était il y a 15 ans ! Ces villes ont peut-être changé (alors qu'il ne se passait rien de nouveau chez-nous). Pendant qu'on répétait le même cliché, peut-être que ces villes sont devenues excitantes. C'est pas long. Dix ans suffisent. Amusez-vous à comparer le Montréal de 1960 à celui de 1970. En 1960, y'avait même pas la Place Ville-Marie au centre-ville. Et regardez d'où partait Bilbao avant de bâtir son Guggenheim, il y a seulement 13 ans.

Chose certaine, et ça plus personne n'en doute, on ne s'ennuie plus à Toronto. La métropole du Canada n'est plus une triste escale business pour banquiers. Je voyage pas mal depuis que je suis à Paris. Dans les aéroports, je jette toujours un oeil aux vols en partance pour l'Amérique. Toronto revient plus souvent que Montréal. Et dans ces publicités de sociétés qui essaient de communiquer une "présence internationale" à leurs clients européens, à travers les stock-images de New-York, Londres, Hong-Kong, je vois plus souvent passer la Tour du CN que le Stade Olympique. Ça me paraît un indicateur intéressant.

Alors selon une étude, on n'est plus aussi "hot" qu'on voudrait le croire. Et quelle est notre réaction ? On pourfend l'étude : "Ils ne connaissent rien, ils se sont trompés, ce sont des idiots, on ne change rien, on est les meilleurs."

Mais c'est pas la première étude qui nous rentre dans le lard, depuis quelques années. Alors au lieu de protester, de nier en bloc, on devrait peut-être recommencer à regarder autour. Si Saskatoon est maintenant "plus culturelle" que Montréal, pourquoi ne pas aller voir comment ils en sont arrivés là ? On trouverait peut-être de quoi se renouveler un peu plus.

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Et pour ceux qui me traiteront de Parisien snob, sachez je vois ici ce qui attend peut-être Montréal. Paris me donne souvent l'impression d'une vieille primadonna sclérosée, convaincue d'être le centre du monde, même si sa dernière idée neuve date de 1947. Quand on arrête de se mettre au défi, on s'encrasse dans ses habitudes. La différence entre Paris et Montréal, c'est que la première peut s'asseoir un peu plus longtemps sur ses lauriers avant de tomber définitivement en deuxième ligue. Luxe que Montréal n'a pas.

En tout cas, il y a peut-être beaucoup de sang neuf à Montréal. Mais depuis quelques années, il a de la difficulté à se trouver une veine.

(Ben oui, je sais, la dernière métaphore est ultra-poche. Mais au moins j'ai essayé de faire du nouveau avec "sang neuf". C'est au moins ça. Faut essayer. Parfois ça donne des choses intéressantes. Comme "Qui n'a rien ne risque rien". Ça met un peu de poésie dans la Crise, mettons...

Bon, je la ferme.)


2 commentaires:

Sebastien a dit…

Tu dis tout haut ce que les bornés cachent tout bas... on s'asseoit sur ses lauriers. Les immigrants n'aiment plus la ville... ils quittent pour Toronto... ou toute autre ville canadienne. Pas seulement pour des questions culturelles, mais pour un acharnement des gens aux horizons étroits. Cette ville me fait de la peine. Elle n'est plus aussi hétérogène qu'avant. Les gens s'arrêtent bien souvent aux différences culturelles et refusent d'accepter bien des choses... alors qu'ils en acceptent d'autres trop facilement. Question de point de vue me diras-tu... Peut-être, mais c'est bien souvent l'excuse pour bien des gens de garder le statut quo. Ils critiquent la critique. Ils chiâlent (râler, c'est pour les français). Ils refusent d'admettre la réalité. Ceux qui étaient les marginaux d'hier sont les snobs d'aujourd'hui... et ils croient encore être les marginaux. Ils deviennent une caricature d'eux-même. Ils me font penser à un Elvis bien gras. C'est peut-être ça la décadence. C'est bien dommage...

Paul Napoli a dit…

Je pense que le Quebec traverse une période délicate avec des politiciens moyens et un maire de Montréal qui doit gerer une fusion délicate avec des allegations de corruption et conflit d'interet.

La Marois et le Charest ne donne pas le gout de venir au Quebec, a voir comment ils se disputent à l'assemblée.

Alors ailleurs c'est pas mieux quand je pense a Sarkozyzy. C'est qui me réconforte d'ailleurs de ne pas être en France avec ce gugus.