vendredi 5 octobre 2012

Presse fiction

J'adore quand le fil de presse me fait de la fiction. Une fiction accidentelle, due à son impartialité toute robotique dans l'alignement des titres. Le fil reçoit et diffuse, dans l'ordre où ça se présente. Et ça favorise les coïncidences.

Exemple. Ce matin je lis qu'un escargot japonais est capable de s'automutiler en cas de danger. Et puis, immédiatement après, j'apprends qu'un Japonais a été découpé et transformé en curry par trois de ses compatriotes.

Source photo : wikipedia.


C'est pas génial, ça ? Je lis ces deux trucs étranges, et me voilà mentalement plongé dans un manga sombre. Y'a un détective semi-retraité qui traîne dans Akihabara. Il enquête à propos d'un ordre secret, le Clan de l'Escargot.

À l'origine, il s'agissait d'un petit club fondé par quelques adeptes de l'automutilation. Des fêlés qui souhaitaient pousser un peu la perversion en se cuisinant leurs propres chairs. Une dizaine de potes se retrouvaient une fois par mois dans un appartement, et se partagaient un bouillon froid dans lequel nageaient quelques bouts de peau, ou un ongle arraché.

Ça c'était au début. Et c'était il y a longtemps.

Avec tout ce que compte Tokyo en matière de crime organisé, il est facile de trouver une bande à qui attribuer la disparition d'une pute ou d'un clochard. Et c'est comme ailleurs : si tout reste propre et discret, la police passe à autre chose. Mais depuis quelques mois, quelqu'un laisse sa signature. Le premier truc qu'on a retrouvé, c'est un doigt coupé. Il était dans le frigo d'un Seven-Eleven, à côté des Onigiri. On a pensé aux Yakuza. Mais après, il y a eu cette oreille laissée au MOS Burger de la station Suehirocho.

Mardi dernier, Ryutaro Hata s'est jeté devant le JR Yamanote. Hata, 39 ans, travaillait comme employé d'entretien à Akihabara depuis 1994, année de son arrivée à Tokyo. Originaire de la préfecture de Shimane, il avait grandi dans une famille ouvrière sans histoire. Il était considéré comme un collègue efficace, affable, et discret sur sa vie personnelle. Un mec tout à fait ordinaire.

Sauf que pendant son autopsie, on a relevé sur l'arrière de ses cuisses plusieurs cicatrices qui font penser à des prélèvements cutanés. Le genre de prélèvement fait maison, avec un cutter.

Avant de sauter sur les rails, Hata a ôté ses chaussures et les a posées sur un banc, à côté d'une boîte de bento. Dans la boîte, on a trouvé une main humaine enroulée dans du cellophane, ainsi que trois photos de Jonathan Clarkson, un backpacker néo-zélandais dont on était sans nouvelles depuis juillet.

Les photos montrent Clarkson en train de s'amputer la main gauche avec une scie à métaux. La table sur laquelle il s'appuie est couverte de sang. Pourtant, Clarkson ne paraît ni souffrant, ni contraint. Il est concentré, comme s'il sciait un bout de tuyau. Son regard est calme ; le sourcil trahit à peine ce qui ressemble à une sorte d'étonnement.

Et y'a encore un autre problème. La main du bento n'est pas celle du backpacker. C'est la main d'une femme.


Source photo : wikipedia.


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