jeudi 16 juillet 2009

Une colle, pour vous



Ça se passe il y a quelques mois. Je viens de sortir du RER. Entre le wagon et mon travail, je passe souvent chez MacDo pour attraper un café à l’américaine, c’est-à-dire très allongé. Un gars fait ce qu’il peut pour combattre la nostalgie. Et j’ai déjà parlé de ce que j’appelle « l’effet soupe » d’un grand café. Anyway.

En route vers MacDo, je passe devant la boutique Étam. C’est un détaillant français de lingerie. Un peu comme La Senza au Québec. C’est populaire, il y en a partout, ils doivent avoir un très gros budget publicitaire. Donc je passe devant la boutique, et dans le flou de ma vision périphérique je détecte à peu près ceci :



Disons que 90% des hommes sont génétiquement programmés pour répondre à ce type de stimuli. Ces mensurations, ces « proportions », sont burinées dans notre cerveau reptilien. Le réflexe est profond, primaire, et très clair. C’est du même niveau que « brocoli vs côtes levées BBQ ». Dans un duel honnête, les côtes levées l’emportent toujours. Nous sommes programmés pour détecter très rapidement le meilleur apport en énergie. Celui qui me dira « je préfère le brocoli » est un menteur. Il se ment à lui-même. À coup de slogans, de campagnes gouvernementales, de modes végétariennes, il a fini par s’auto-hypnotiser. Mais cinq jours sur une île déserte, sans manger, suffiraient amplement à rétablir l’ordre naturel des choses chez ce pauvre hurluberlu : il choisirait les côtes levées.

La silhouette d’une femme a un impact très puissant dans l’esprit d’un homme hétéro. Certaines croient à défaut que, devant une belle femme, l’homme se met à saliver comme un chien. Qu’il laisse aller son esprit aux pensées les plus lubriques. C’est faux. À tout le moins, ce n’est pas immédiatement vrai. Quand une femme traverse le regard d’un homme, et qu’elle lui plaît, le premier effet est un vide total. Toute pensée est effacée. Pendant quelques secondes, c’est le nirvana. Un état momentané de béatitude, dépourvu de toute réflexion consciente. On attrape parfois le regard d’un mec subjugué par une belle femme. Il a toujours l’air d’un grand con un peu attardé, sa bouche entrouverte esquissant un léger sourire idiot.

Parce que la vision d’une belle femme, dans les premières secondes, provoque un état de contentement similaire à celui donné par un coucher de soleil sur la mer, ou un paysage de montagne. C’est tout simplement « beau à couper le souffle », pour reprendre le cliché. Pendant deux secondes, le mâle perd conscience de sa propre existence. Il n’est plus que contemplation. C’est un peu plus tard que son existence le rattrape, peu importe la manière (bosse gênante dans le pantalon, coup d’œil fusillant de la copine attitrée, accident de voiture, etc.)

Donc je passe devant Étam, où on a tendu un piège à mon cerveau reptilien. C’est la vision périphérique qui sonne l’alarme. Je me retourne dans la milliseconde. Focus sur ceci :



Mon existence me rattrape avec un malaise. Un très gros malaise. D’un côté, il y a mon cerveau reptilien qui dit : « OH MY GODDD!!!! Thank you Jesus! Life is so fucking beautiful! ». Évidemment, mon cerveau reptilien ne parle pas anglais. En fait, son langage n’est pas sémantique, mais télépathique. Mais la télépathie s’écrit mal, alors il fallait bien que je lui donne une voix pour les besoins de ce texte.

De l’autre côté, il y a mon cerveau conscient qui dit : « Merde! Mais c’est ma nièce de 12 ans! » Dans ma tête flottent soudainement des concepts peu attrayants comme « traite des blanches », « pédophilie », « bordel à Bangkok ». Je n’aime pas. Mais pas du tout. Je suis même un peu en colère. Mais qui est cette fillette? Comment ose-t-on la faire poser ainsi? Pourquoi on me met ça sous les yeux? Pourquoi ça, et pas une femme clairement majeure?

La fillette en question, c’est Natalia Vodianova, une super-modèle d’origine russe. Elle a 27 ans. Elle est maman de trois enfants. Elle est mariée à un riche héritier britannique. Elle est engagée dans des œuvres philanthropiques. On l’a vue chez Gucci, Calvin Klein, Louis Vuitton, Versace, Chanel. La dame exploite son talent, son potentiel commercial. Elle a sa carrière en main, et des clients intéressés à ses services. En plus, son métier lui donne le temps d’élever une famille. Bien des femmes de carrière n’ont pas vraiment cette opportunité avant la trentaine. (Recherches gracieuseté de MissK, à qui j’avais parlé de la chose)

Donc, tout est légal. Tout est OK… Mais mon malaise reste. Voici d’autres photos des campagnes de pub Étam :







Et celles de Guerlain :





Natalia Vodianova a une gueule de fillette. À ses débuts, selon Wikipédia, on la surnommait « Baby-Romy », en raison de sa ressemblance avec Romy Schneider. On devine facilement la raison du préfixe « Baby ». Mais Vodianova peut aussi avoir l’air d’une femme un peu plus adulte. Elle peut faire au moins 23 ou 24 ans, au lieu de 14. Jeune adulte, au lieu de pubère. Bon, elle fait toujours jeune, mais disons qu'elle peut donner autre chose qu'un regard de "nymphette docile" :





Pourquoi ces choix photographiques pour les pubs? Pourquoi cette moue plutôt adolescente, ce regard mal-assuré? Pourquoi envoyer ce qui me semble une image non pas de « femme-enfant », mais plutôt « d’enfant-femme »? Moi, ça me perturbe. Plusieurs choix publicitaires des modistes français me perturbent. Comme en Amérique, on triche un peu. On adoucit les peaux. On allonge les jambes. Parfois, on joue la sexualité assez explicitement. Voici notamment une pub des Galeries Lafayette qu’on a placardée des toutes les stations de métro :



Mais il y a truc en France qui me dérange un peu. J’en vois plus souvent qu’en Amérique, de ces mannequins à la gueule d’enfants. Ça va, elles sont majeures. Mais Dieu qu’on les fait paraître jeunes. Et Dieu que ça me met mal à l’aise. Il me semble qu’on ne devrait pas faire ça. Peut-être que je suis trop vieux. Trop conservateur. D’un autre côté, je tiens à la liberté d’expression. Concept qui inclut la liberté d’apparence. Mais bon, disons que Natalia me permet de mesurer certaines de mes limites personnelles. Imaginez mon choc culturel lorsque j’irai au Japon…

C’est mon débat moral pour vous. Ma colle. N'oubliez pas: elle est majeure et maman...

3 commentaires:

Marie-Julie a dit…

Excellent billet. Ma question maintenant: est-elle méga-retouchée ou a-t-elle VRAIMENT l'air si jeune? Moi, ce qui me met mal à l'aise, ce n'est pas tant qu'elle ait l'air si jeune (j'aurais plus dit 14 que 12), mais qu'elle pose de manière si suggestive. Les deux ensemble: ouille...

noèse cogite a dit…

Je comprend ton malaise..les japonais jouent sur la même corde..les petites fillettes habillées en collégiennes...

Je crois que ,dans l'inconscient collectif masculin..dans ce petit cerveau reptilien. .il y a un message qui est envoyé...avec une jeune femme (très)..tu peux avoir une longue descendance,,tandis qu'avec une femme de 30..tu as moins de chance..Ce serait quelque chose à voir avec la base de la reproduction.

Tu vas me dire..il y a jeune et jeune!! Mais je crois que ce sont nos codes sociaux-moraux qui vous font mettre un stop sur ce désir.

Il faut dire que le concept ..jeune et ayant des droits existent depuis peu dans l'histoire de l'humanité.


C'est très clair que dans nos sociétés ,la pédophilie est interdite et punie. Mais cette femme qui lance un message sur sa puberté n'est pas non plus un enfant..elle ressemble à une femme!
On joue plus je crois ici .. sur la virginité qui semble être attrayante pour l'homme.

Intéressante ta réflexion.

Solostian a dit…

Ton blogue est super Paul. Je suis dans la même situation que toi et j'essaie également de tenir un blogue mais je n'ai AUCUNE capacité de persistance.
Où est-ce qu'un Québécois peux aller pour chasser le mal du pays à Paris?