samedi 19 mars 2011

Belle folie

Quiconque vit quotidiennement les transports du matin, à Paris, a fait l'expérience d'un flirt avec la folie. Les retards, la cohue, la saturation, les gens qui courent, les gens qui poussent, la petitesse. Assez rapidement, t'as envie de frapper quelqu'un. N'importe qui.

Moi, j'aime démarrer lentement. Alors au cours de mes premiers mois ici, je vivais mal cette injection d'agressivité, si tôt après ma sortie du lit. Il a fallu que je trouve des moyens pour me protéger le mental matinal.

Ma première adaptation a été de ralentir. De laisser courir les gens, au lieu de les suivre stupidement. Dans les couloirs du RER, les Parisiens se mettent à courir sans trop savoir pourquoi. Comme tout le monde, ils veulent attraper le prochain train. Mais le matin, il y a un train à toutes les trois minutes, alors moi je ne cours plus.

Autre adaptation : je laisse passer les gens. Vous êtes pressé monsieur ? Vous aimez tellement votre super boulot que vous voulez arriver au moins 13 secondes avant tout le monde à la machine à café ? Passez.
Et vous madame, qui me poussez dans le dos avec votre sac à main, vous la voulez à ce point, cette marche dans l'escalier roulant ? Je vous en prie, allez-y, elle est à vous.




Jusqu'à récemment, je faisais mon trajet penché sur mon BlackBerry, à lire emails et nouvelles. Mais le 8 mars dernier, j'ai trouvé une nouvelle activité pour me détendre : je regarde les femmes. C'est magique. Une caresse sur ma zénitude. Un verre d'eau fraîche par une chaude journée d'été.

Je me demande bien pourquoi je n'y ai pas pensé avant. Y'a-t-il plus beau au monde qu'une femme ? Dans un RER bondé, y'a toujours un paquet de femmes magnifiques. Celle-là a 20 ans de plus que moi, mais quelle élégance, quelle détermination sur ses lèvres ; on dirait qu'elle s'en va conquérir un continent. Et cette Africaine qui écoute de la musique ; elle porte de gros écouteurs or et noirs qui s'agencent bien au charmant contraste de ses quelques mèches blondes. Tiens, une jeune BCBG : lunettes en écaille, cheveux lissés, joue satinée, un visage à craquer. Ici et là les cils infinis, les yeux noisettes, les sourires timides, les faussettes, les franges raffinées, les lobes délicats, les grains de beauté heureux, les beaux grands nez droits et les petits nez fouineurs, les doux angles de mâchoire, les nuques somptueuses, les ovales parfaits, les coiffures brillantes, les rubans coquets.

Et les lèvres ! Les lèvres rouge orage, rose comète, sycomore, bois des îles, sari doré, patchouli, folie de grenat, fabulous rouge, pêche frivole, rêve d'or, pushy pink, orange fashionista, prune glitter rescue, rouge enflammé, abricot soyeux, tulipe noire, violine sucrée, vanilla truffle, cherry passion, les impudiques lèvres nues. Des dizaines de bouches exquises, fragiles ou charnues, sur lesquelles se pencheront des milliers d'yeux, et bien sûr quelques visages privilégiés.

Je vous entends me juger, bigots que vous êtes : « Ah le cochon ! Ah le reluqueur éhonté ! » Sachez que dans le RER, on ne voit que les têtes. On est trop les uns sur les autres pour voir autre chose. Et puis j'ai le regard naïf de celui qui aime la beauté pour la beauté. C'est beau, une femme. C'est comme un arbre. Ou la mer. Mais en plus beau.

Dans la grisaille quotidienne des tunnels, s'il n'y avait que les hommes avec leurs uniformes et ridicules complets-gris-cravate-bleue, on aurait envie de se pendre. Merci mesdames d'éclairer un peu mes matins. Vous me transportez beaucoup plus que le RER.


(Je vous ai écrit ce mot le soir du 8 mars. C'était ma manière de souligner votre Journée internationale. Désolé pour la mise en ligne tardive. Mais comme on dit, faut se laisser désirer.)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut,
J'aurrai pu écrire ce texte si j'étais encore a Paris. :)
A l'époque, j'observai aussi les belles femmes plutôt que d'avoir mon nez colle dans un livre/magazine ou un casque colle aux oreilles.

Ce qui m'a surpris dans le métro a Montreal quand je suis arrive, c'est que les femmes soutenaient mon regard alors les parisiennes l'ignoraient generalement.

Bon courage!

Paul

Etolane a dit…

J'adore tout simplement! En tant qu'hybride franco d'origine française vivant au Québec depuis 23 ans, je souris. Merci...

Mon nom est Paul a dit…

Merci Etolane!

Et Espritlogique, les parisiennes n'ignorent pas ton regard, elle ne font que te renvoyer un mépris profond. Ça fait partie des "codes" de la drague, ici.

Anonyme a dit…

Oh! Je n'avais pas lu ce bel hommage aux femmes, adorable Paul. Merci!