lundi 21 février 2011

Guide du ginglard

On m'a beaucoup fait rêver avec la bouffe sicilienne avant mon départ pour Palerme. Je salivais de ces pâtes aux broccolis et aux pistaches, de cette assiette où se recontrent l'Italie et l'Orient. Et bien, déception totale. Je dois malheureusement vous informer qu'après ce billet, j'aurai la mafia sicilienne sur le dos. Ou peut-être une autre mafia : celle des guides touristiques. Visiblement, certains établissements paient fidèlement le pizzo...

C'est normal d'avoir un peu de malchance en voyage. On tombera toujours sur un resto nul, parfois deux. Mais pas trois jours d'affilée. Surtout un gourmand comme moi. Je prends mon temps, je tourne en rond. Ça doit sembler frais, rempli d'indigènes, hors des lieux trop touristiques, ouvert depuis un moment. Il y aura parfois un sticker de recommandation touristique sur la porte, mais ce n'est pas nécessaire.

En fait, je me méfie un peu de ces recommandations touristiques. Avec Lonely Planet, c'est pas toujours bon, mais généralement le cadre est sympathique, le personnel agréable. Mais y'a une petite plaque, en particulier, qui me fait déguerpir. Cette petite image, sur une porte, est à mes yeux l'incarnation de la terreur alimentaire.


Source photo : wikipedia.


Pourtant, à Palerme, j'ai encore fait l'erreur de donner une dernière chance au guide XXXX. De dehors, la trattoria avait l'air sympa, remplie de vieux habitués (généralement un bon signe). Voici mes impressions, notées en live ce soir là. Elles témoignent bien du côté bouffe de mon séjour à Palerme :

Un ostie de restaurant de has-been. Que des vieux. Pâtes trop cuites, nourriture molle pour rateliers mal ajustés. Pour un anniversaire, les convives se font servir des bouchées dans de ridicules paniers recouverts de papier d'aluminium. Est-ce qu'il existe encore une seule personne sur terre qui associe mentalement le papier d'aluminium aux grandes occasions ?

Dans un coin, une télé beugle une version italienne de 'Gagnez des millions'. À chaque quitte ou double, le réalisateur met en trame de fond la musique de 'Vendredi 13'. Le tout entrecoupé de pubs de lessive. C'est comme un deuxième degré de mauvais goût dans ce boui-boui momifié. Bonjour l'ambiance. Après des pâtes tièdes, accidentellement fondantes, et recouvertes d'une purée de broccoli beige, on me sert ma friture de poisson sur une dentelle en papier. Ça remonte à quand, la dernière fois que j'ai vu une dentelle comme ça, 1983 ? (Ndlr : on dit que le pouple perturbe le sommeil quand il n'est plus trop frais. J'ai fait des cauchemars horribles toute la nuit suivante.)

Merci, guide XXXX. Encore une fois, une belle recommandation. À moins qu'il existe un trafic de vos petites plaques, vous avez aimé cet endroit en 2005, 2006, 2007. Et ça ne pouvait pas être mieux lors de vos « visites », parce que la déco (et la bouffe, et le personnel, et la clientèle) datent de 1972.

Après avoir mangé médiocre à Nice, en Bretagne, au moins 10 fois à Paris, en Espagne, en Allemagne, je m'étais juré de ne plus jamais entrer dans lieu estampillé guide XXXX. C'était ma petite promesse à moi-même. Que je n'ai pas tenue, encore. Pourquoi je me trahis ainsi ? Pourquoi cette perversion ? Pourquoi cette propension à répéter mes erreurs ? Ça mériterait une psychanalyse.

Mais en attendant, j'ai compris que mon humble rôle dans la vie, si je ne dois en avoir qu'un seul, c'est de livrer à l'humanité cet avertissement : le guide XXXX, c'est trop souvent la garantie d'un repas moche et d'un hébergement passable. La dernière fois que XXXX a réévalué ses recommandations, c'était probablement sous Hérode. D'ailleurs, c'est peut-être à cause d'eux que le Christ est né dans une étable : « B&B de l'Étoile. Établissement coquet en retrait de la ville, qui malgré son côté rustique, est autant fréquenté par le jet-set oriental que par les gens du coin. Confort à l'ancienne, comme on aime, avec joli cadre naturel. La suite de l'Âne et du Boeuf (30 deniers/pers./nuit) offre une large vue sur les collines. »

(Ndlr 2 : comme c'est risqué d'avoir une opinion aujourd'hui, j'identifierai XXXX uniquement auprès des amis qui m'en feront la demande. Si vous êtes avocat, oubliez ça.)

Petite note en terminant. À Palerme, en cas de doute, restez-en au café (toujours incroyable), aux cannoli (les meilleurs de ma vie), au gelato à la pistache (un vrai goût de pistache, pas de colorant vert), et aux olives (croquantes et toniques). Ou louez une chambre avec cuisinette et profitez des splendides marchés de quartier.

Et en passant, de retour à Paris, cet article du Figaro confirme mon impression de Palerme : « Ne pensez pas trouver une canonnade de restaurants formidables, une pincée suffit après tout. » Suivi de quatre petites recommandations qui m'apparaissent plutôt tièdes. Habituellement, le style d'écriture magazine se livre à des débordements d'enthousiasme un peu plus baroques.

5 commentaires:

Pif a dit…

Dément, Paul. Je ne peux pas croire que tu as visité Palerme avec le "Guide du [bip!!]" en poche! Après tout ce que tu m'as dit?!... T'es complètement masochiste. Mais console-toi: ça fait de la bonne littérature. Continue, pour notre plaisir, à voyager à la gauloise.

Cynthia a dit…

Ha zut, si c'est le guide "du" ils révisent effectivement leurs guides à chaque 20 ans et il y a eu un scandale comme quoi ils se faisaient payer ajouter des commerces, sans jamais les avoir visités, bien sûr!

Unknown a dit…

Moi je veux bien savoir c'est quoi le fameux guide!

Mon nom est Paul a dit…

Ça serait risqué pour moi d'avancer un nom; je n'ai pas une horde d'avocats à mon service.

Cela dit, je recommande habituellement le Let's Go et le Lonely Planet. Les cartes sont bonnes, les infos relativement récentes, et en les confrontant, on a une bonne idée de ce qui nous attend.

En Français, il y a le Petit Futé qui est pas mal pour les restos. Mais ça laisse à désirer au niveau des cartes et de la facilité d'utilisation (ceux que j'ai classent les endroits par ordre alphabétique, au lieu de par région).

Mais quand je vois un sticker Petit Futé sur une porte de resto, c'est habituellement rassurant : beau bon pas cher.

Anonyme a dit…

Pour info, le Lonely Planet vient d'être racheté par la BBC: http://news.bbc.co.uk/2/hi/7021791.stm
Ça risque donc d'impacter le produit à moyen terme.

J'aime les guides à la fois pour leurs aspects «traîner le pays/la ville dans ma poche» et «j'ai confiance en CE jugement qui me rejoint» (quand on a trouvé le guide qui rejoint nos goûts) ou «Bullllllllshit» (quand on a trouvé le guide qui NE rejoint PAS nos goûts). Et aussi, comme Monsieur-mon-nom-est-Paul le sait, j'aime les guides Voir/Eyewitness avant de partir. Pour les images, les vues d'ensemble et pour les «itinéraires à pieds».

Mais j'avoue que depuis quelques années, j'aime aussi beaucoup faire des recherches en ligne. Lire les commentaires des gens sur les sites comme Tripadvisor, trouver de charmants endroits que les guides n'ont pas vus en lisant des blogues, en faisant parler mon ami Google, avoir accès aux toutes dernières nouvelles sur les destinations (faut pas se cacher que le temps de relire/corriger/imprimer les guides, il peut se passer des trucs!)...