dimanche 16 novembre 2008

Le petit hippopotame



Je suis passé au Louvre avec un ami en visite. Passage obligé dans l’aile Sully, pour voir les dizaines de personnes qui se font photographier avec la Joconde. Ce tableau me laisse tellement froid. On a trop vu la Joconde sur les boîtes de céréales, dans les pubs de crèmes antirides, sur les posters de glaces italiennes. Et je n’aime pas trop Leonardo. Trop flou. Trop de couleurs terreuses. Trop de brun. J’aime mieux Botticelli. Plus contrasté. Plus de pureté et d’intensité dans ses couleurs. Le rose des visages est d’une douceur magnifique. Et les bleus sont profonds comme le ciel.

Quand je visite un musée, ce qui m’étonne le plus des œuvres anciennes, c’est la force des couleurs malgré les siècles. À tous les jours, on voit par terre des emballages de Kit Kat bleuis par le soleil. Nos vieilles photos jaunissent ou s’estompent après quelques années. Nos t-shirts noirs deviennent verdâtres après cinq lavages. C’est vrai qu’on restaure les tableaux. Mais c’est toujours magique de presque sentir le jaune intense d’une étoffe royale peinte sur une toile il y a plus de 500 ans.

Je ne suis pas trop intéressé par l’Égypte ancienne, mais mon ami voulait visiter cette collection. Il a bien fait de m’y amener. Bien sûr, on y trouve les habituels sarcophages et hiéroglyphes. Il y en a tout un tas. La succession des salles me donnait l’impression de parcourir les planches de Tintin et les cigares du Pharaon. Je m’attendais à voir surgir Milou entre deux rangées de bas-reliefs.

Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est d’être ému par un petit hippopotame. La figurine est longue d’une vingtaine de centimètres. Elle est d’un bleu vif absolument fascinant. On dit qu’elle est faite en faïence silicieuse. Elle a 3500 ans, et pourtant, on croirait qu’elle vient d’être achetée chez Ikea.



Bon, je suis certain que l’évocation d’Ikea provoque un profond mépris chez les plus snobs d’entre vous. Mais avouez que le géant suédois a l’habitude de nous pondre à chaque saison un lot de petits bibelots absolument mignons qui se vendent très bien. De petits articles coquets, rigolos, rassurants, et qui réveillent un peu notre cœur d’enfant.

Le petit hippopotame a eu sur moi un effet Ikea. Mais ce qui m’a ému, c’est l’idée qu’il y a 3500 ans, un artisan s’est penché sur le petit objet. Il y a mis quelque chose de paisible. Une émotion humble, mais universelle. Un truc joli, sans prétention. Je suis certain que l’artisan n’avait pas de grande ambition pour son bibelot. Il est de la même facture que des centaines d’amulettes trouvées dans un tas de salles funéraires. Pourtant, l’émotion a traversé trois millénaires. J’avais l’impression que la figurine avait été faite hier. J’avais l’impression que j’aurais pu dîner avec l’artisan, et que nous aurions finit par rigoler, malgré nos 3500 de différences culturelles.

L’Égypte ancienne était pour moi un truc d’encyclopédie. Les pyramides, les statues énormes, le gigantisme. Quand on nous parle de l’Égypte, on nous parle de rois légendaires, de dieux, de civilisations, de palais, d’armées d’ouvriers. J’avais toujours trouvé ça un peu impersonnel. Des images panoramiques. Au Louvre, j’ai vu le petit hippopotame. J’ai vu des sculptures grosses comme ma main. Des chats momifiés très rigolos. Et un paquet de petits bibelots presque anodins. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a fait voir les choses à hauteur d’homme, en plan rapproché. C’est quand même bien, dans un musée où tout semble être mis en scène pour épater la galerie.

Pour ceux que ça intéresse, le petit hippopotame est ici.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Trop mignon! On voudrait tout de suite l'adopter cet hippo!

MissK a dit…

Moi c'est quand je suis allée voir l'expo Tintin au Pérou à Québec, que j'ai ressenti cette espèce de proximité d'émotion malgré les années et les différences culturelles. Les "petits bibelots rigolos" pullulaient, et je les aurais tous adoptés sur le champ malgré tout l'"époussettage" supplémentaire que suppose les bibelots!