vendredi 9 décembre 2011

Pauvr-o-rama

S'il y a un cliché journalistique tenace, c'est bien celui du reporter français qui débarque au USA et, how shocking, tombe sur des pauvres. Le Monde nous sert une ennième portion réchauffée de ce classique des sujets cul-cul, photo-reportage en prime.

Petite info à l'attention de l'ensemble des médias français : il y a bel et bien des pauvres en Amérique. Et ce depuis un petit moment. À New-York, au début du XXe siècle, le Lower-East-Side était truffé de taudis qu'on appelait les 'tenements'. John Steinbeck a été nobélisé en bonne partie pour The Grapes of Wrath, une oeuvre sur les migrants de la Grande Dépression. Il y avait des pauvres dans les années 40, 50, 60. Dans les années 70 et 80, les villes industrielles du MidWest ont été dévastées par la délocalisation et la mondialisation. Michael Moore a consacré un film au sort de Flint, Michigan (30 000 licenciés dans une ville de 150 000 habitants).

Si d'autres journalistes souhaitent péter en Amérique leur petite bulle de naïveté bourgeoise, pourquoi ne pas visiter la Californie, où des pauvres Latinos cuisinent les frites des fast-food où s'alimentent les pauvres Américains ? Wow, superposition de pauvretés ! Trop cool !

Mais attendez un moment... Il me semble que Le Monde est un peu serré, côté fric, non ? Le journal pourrait économiser sur les notes de frais en envoyant ses journalistes dans le 20e arrondissement de Paris. Un billet de métro, c'est moins cher qu'un billet d'avion. Une maman qui habite dans le 18e m'a raconté que l'école primaire fréquentée par sa fille n'a même pas assez d'argent pour remplacer ses chiottes cassées. Sinon, la SNCF fait de bons prix vers Roubaix, Vaulx-en-Velin, ou Calais. Voir ici pour quelques bonnes adresses de bidonvilles, et ici pour les parcs de mobil-homes.


Source photo : wikipedia.


Quoique, c'est toujours plus agréable de faire du tourisme. Alors autant sortir de la France. Pourquoi pas une série sur le sujet ? On pourrait commencer avec les itinérants montréalais qui, pour se protéger de l'hiver, s'installent pour la nuit dans les bacs à ordures. Ensuite, en plein coeur de Tokyo, on pourrait aller voir les clochards du parc Ueno. Et les Jineteros cubains qui gravitent autour des Villages-Vacances pour Européens, et qui font guide au noir des lieux de perdition de Santiago. Je suis certain que si on cherche un peu, on trouvera même des pauvres à Monaco. À Aspen, au Colorado. À Marbella, en Espagne. À Beverly Hills. Trop génial ! Je sens déjà l'odeur du Pulitzer.

Si vous souhaitez d'autres bons sujets d'article, n'hésitez pas à m'inviter au bistrot du coin. Vous ferez d'une pierre deux coups, puisqu'on risque d'y trouver, affairé à préparer omelettes mixtes et harengs à l'huile, un bon vieux chef pakistanais payé 9 euros de l'heure. Dans une ville où on loge à 8000 euros le mètre carré.

P.S. - c'est normal pour tout jeune journaliste de jouer à Tintin. Mais n'ayez crainte, en vieillissant ils finissent par rentrer dans les rangs et accomplir leur vraie mission sociale : coucher avec les politiciens (exemples ici et ici).

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