lundi 30 janvier 2012

Vous m'énervez

Y'a l'humoriste américain Louis CK qui a un numéro très drôle sur notre comportement dans une file d'attente. En gros, ce qu'il dit, c'est qu'au bout de deux minutes d'attente, on devient automatiquement mesquin et présomptueux. Il croit que c'est pour tuer le temps. On pense du mal des gens devant nous, simplement pour se distraire. Exemples :

"Non mais t'as vu cette conne avec ses chaussures rouges. Encore une qui a un maladif besoin d'attirer l'attention. Y'a un truc que t'as pas encore réglé avec ton psy, toi ! Je parie qu'elle va nous faire chier. Quand son tour va arriver, elle va râler pendant 10 minutes."

"Bon, encore un vieux croulant devant. Il va payer par chèque, ça va prendre 10 heures. Il va chercher ses lunettes, il va chercher son chéquier, il va chercher son stylo, il va tout relire 5 fois avant de signer le putain de papier. Hé pépé, à ton âge on reste chez soi. On vient pas paralyser la société au complet pour acheter une boîte de couches et un sac de croquettes pour minet."



Queue de la Tour Eiffel, d'en haut, sur wikipedia.


C'est un peu vrai, ce que dit Louis CK. Enfin, c'est vrai pour moi. Quand je suis derrière vous dans la file d'attente, soyez-en certains, je m'occupe à vous maudire. Faut pas trop le prendre personnel ; c'est seulement pour me distraire.

Tout ça m'a donné envie de vous faire une petite liste.

Tu m'énerves si...
  • Tu paies par chèque un produit qui vaut moins cher que le temps perdu pour rédiger le chèque.
  • Tu commences à formuler la réponse avant même d'avoir entendu la question. Premièrement parce que tu me coupes la parole. Deuxièmement, parce que tu surévalues ton intelligence en croyant pouvoir comprendre sans écouter la fin.
  • Tu as les mains sales ou le museau humide.
  • Tu fais partie de l'équipe de première ligne d'un service à la clientèle. Parce que ta seule utilité est de diminuer le volume d'appels en donnant aux gens l'envie de se pendre.
  • Tu exerces ton droit de puer dans les transports publics.
  • T'invites tes potes à venir te rejoindre dans la queue, devant moi.
  • T'as un chien mais tu n'as jamais remarqué que les chiens font caca.
  • Tu bois dans mon verre alors qu'on n'a jamais couché ensemble.
  • Tu trouves normal de te fouiller dans le nez devant tout le monde, sortir un truc et l'observer un moment, avant de t'en débarrasser en le collant sur le mobilier public.
  • Tu es gérant de supermarché, mais comme nous l'indiquent les produits de ton rayon "viande", tu n'a jamais compris comment fonctionne un calendrier.
  • Tu gares ta voiture dans les stationnements réservés au Autolib.
  • Tu râles contre le système, mais tu t'autorises à prendre le métro gratuitement.
  • Tu trouves parfaitement normal, malgré ton salaire de ministre, d'occuper encore cet appart de 100 mètres carrés qu'on t'a loué pas cher, dans un HLM, quand t'étais étudiant, y'a 30 ans.
  • Tu fais une promotion aggressive de ta religion.
  • Tu vois Facebook comme un concours de beauté sociale.
  • Tu klaxonnes à répétition, comme si ce bruit magique pouvait faire disparaître les voitures devant.
  • Tu crois que quelqu'un lit ton blog.


vendredi 27 janvier 2012

Professions interchangeables

Karl Lagerfeld et Zahia Dehar... Pourquoi j'ai l'impression que ces deux artistes sont faits pour aller ensemble ?

Pour ceux qui, outre-Altantique, ne connaissent pas Zahia, c'est cette charmante dame qui a hérité d'une certaine célébrité lorsqu'ont été ébruitées des histoires de "rencontres tarifées" avec des joueurs-vedettes de l'Équipe française de foot. Hormis des atouts physiques évidents, la demoiselle jouissait aussi, au moment des faits, du statut de mineure (au sens de la loi). Scandale opportun, dans la foulée d'une Coupe du Monde décevante pour les Français. Et qui d'une certaine manière a porté l'artiste jusqu'au lancement de sa propre ligne de lingerie. Comme quoi les voies de la célébrité sont diversement pénétrables.

Je n'ai pas trop d'empathie pour le Lagerfeld public. Il me fait l'effet d'un croque-mort affecté, parfois un peu à la traîne. Mais mon regard manque de profondeur et s'appuie sur des impressions médiatiques. À son sujet, retenez plutôt l'avis des experts de la mode, qui sauront être plus justes. Et je n'ai rien à dire sur l'homme derrière les lunettes fumées.


Source photo : wikipedia.


Reste que dans l'association Zahia-Lagerfeld, au delà d'un premier réflexe marqué de cynisme, je dois m'arrêter un moment pour saluer la "vision" du couturier. Un pied dans le scandale, l'autre dans l'audace, il joue par cet acte son rôle d'artiste, soit celui de nous jeter à la gueule des clichés instantanés de notre temps.

Cette séance de photos est un trait, une poésie, un distillat. Pêle-mêle, elle nous balance en quelques images un commentaire sur la célébrité, le commerce, ce qui fait vendre, nos désirs et aspirations, l'ambition, la pertinence (et l'impertinence), la valeur (en baisse) de la durée.

À mes yeux, Lagerfeld (re)souligne l'obsolescence de la tradition, du mérite, de la constance, de la qualité, de l'effort. La fin des monarques indétrônables, des arrivés, lui-même inclus. Le designer s'inscrit dans son temps, notre temps, l'ère de l'événement. La communication. La publicité. L'instantanéité. L'investissement minimal pour un profit explosif, sans lendemain. La célébrité-guérilla. Les kamikazes du spectacle médiatique. L'absence de produit autre que le bruit. Paris Hilton. Lady Gaga. La comédie de suicide. La nouvelle couleur de l'ambition.

Le nouveau pouvoir réside dans cette capacité à garder les projecteurs sur soi, dans une époque où leurs faisceaux courent chaotiquement d'un fait-divers à l'autre. Le perdant d'aujourd'hui n'est pas un "vaincu", mais un "ignoré".

Le commentaire de Lagerfeld est contradictoire, en connaissance de son rôle dans une maison qui joue la tradition. Aussi, un aveu triste, dans cette tentative à bas prix de refaire sa cote d'insolence. De retarder un peu l'inévitable et impardonnable pathos associé au vieil âge.

Lagerfeld nous crache à la gueule. C'est ce que nous lui demandons. Depuis des années, mais encore plus aujourd'hui. Crache mou, mais crache encore.


Quelques citations attribuées à Lagerfeld
  • Ma curiosité est insatiable, je vampirise l’air du temps.
  • Être heureux ? Non, je ne suis pas si ambitieux.
  • Je suis comme une caricature de moi-même. C'est comme un masque. Pour moi le Carnaval de Venise, c'est toute l'année.
  • Je déteste avoir des conversations intellectuelles, seule ma propre opinion m'intéresse.

La dernière me rejoint...

jeudi 26 janvier 2012

Entre Molière et vipère

Parler "français" et parler "Français" sont deux choses différentes. Avec une minuscule, on fait référence à une langue d'origine latine parlée dans plusieurs pays du monde. Mais avec une majuscule, on désigne plutôt "la pratique du sport de combat vocal dont les Français sont champions mondiaux". En fait, on peut parler "Français" en anglais, si on le souhaite.

On ne parle pas Français pour faire de jolies démonstrations scientifiques ; on parle Français parce qu'un contexte particulier empêche l'utilisation d'outils moins élégants, comme des gants de boxe ou un couteau de cuisine. On parle Français pour humilier un adversaire devant une foule avide de sang. Espérer le fair-play est une erreur. Tous les coups sont permis, et celui qui s'en plaindra sera sujet de railleries. Bienvenue à Rome.

La première fois, vous allez prendre une râclée. La triche verbale est un art de haute-voltige. Devant vous, un Français qui pratique ce sport depuis l'âge de 2 ans. Oubiez les scénarios de "working-class hero" à la Rocky. Sans entraînement, vous êtes morts.


Source photo : wikipedia.


Je vous recommande, pour commencer, ces lectures publiques sur la dialectique éristique et les sophismes. Mais si vous préférez mon langage plus imagé, je vous livre quelques techniques d'attaque et de défense à répéter chez vous. Rappelez-vous cependant qu'elles ne sont qu'une base. Avec si peu, ne rêvez pas de victoire. Au mieux, elles vous éviteront le K.O.


L'appel à la terreur
Le but est d'empêcher l'adversaire de réfléchir tout en lui mettant la pression. C'est l'approche préférée des vendeurs de merdes.
  • Faites vite, cette offre ne durera pas.
  • Une décision tardive serait catastrophique !
Pour contrer, il faut garder son calme, et accuser l'adversaire de lâcheté. Ou d'avoir cédé à ses émotions.
  • Votre manque de confiance vous pousse vers des décisions hâtives et irréfléchies.
  • En propageant votre propre peur, vous faites le jeu des terroristes.

L'appel à la popularité
Le but de créer la coercition par le poids du nombre. S'il s'y oppose mollement, l'adversaire risque de se mettre la majorité à dos, et de s'auto-catapulter dans la marge. Pour contrer, il faut railler l'adversaire d'être ignorant de sa propre marginalité.
  • Il fallait s'y attendre, vous confondez encore le gros bon sens et vos propres inepties.
Une approche plus audacieuse nous a été enseignée par Coluche : remettre la majorité en question.
  • C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison.
C'est risqué, mais l'auditoire appréciera l'audace. De plus, comme chaque spectateur s'estime moins con que son voisin, il risque de basculer vers vous, simplement pour le plaisir vaniteux de se distinguer du groupe. Ainsi, par une forme de flatterie, vous aurez récupéré la majorité.

Argument de la nouveauté
Si c'est nouveau, c'est nécessairement meilleur et amélioré. Utilisez ce préjugé lorsque vous voulez forcer le changement, ou souligner que l'adversaire défend un processus obsolète.
  • Parce que vous êtes réfractaire au changement, vous préférez persister dans l'erreur.
  • Le nouveau système sera nécessairement plus efficace, car il a appris du passé.
Pour contrer, jouez sur l'inexpérience, ou le risque du prototype.
  • Vous parlez d'efficacité à propos d'un système qui n'a jamais été vraiment testé en conditions réelles. Ça relève de la fabulation.
Ou utilisez l'appel à la popularité.
  • Si votre méthode était si efficace, elle serait déjà utilisée par la majorité.

Plurium interrogationum
Un attaque efficace est de glisser une fausseté dans une forme pseudo-interrogative. Ceci tend à lui donner le poids d'un fait avéré.
  • Est-ce que vous buvez toujours autant ?
  • Avec la quantité de problèmes auxquels vous faites face, il doit être difficile pour vous de vous concentrer sur les prochaines étapes.
Pour contrer, accusez l'adversaire de lâcheté, et de tentative de diversion. Ou banalisez en citant le classique proverbe.
  • Si vous avez quelque chose à dire, dites-le clairement. Vos sous-entendus malsains ne font qu'abaisser le débat ; ils n'occultent pas la faiblesse de vos propositions.
  • On accuse encore son chien d'avoir la rage... en fumisterie, vous ne pratiquez que l'entrée de gamme.

Renverser le fardeau de la preuve
C'est un moyen simple de placer l'adversaire devant une tâche impossible, donc dans une situation d'incompétence.
  • Prouvez-moi qu'il n'y a aucun risque.
  • Prouvez-moi que Dieu n'existe pas.
Pour contrer, faites comme au tennis et renvoyez la balle, que ça soit logique ou non.
  • Toutes les approches sont risquées, surtout la vôtre. La nôtre l'est beaucoup moins.
  • Ne nous demandez pas de faire votre boulot à votre place. Si vous voulez une peuve que Dieu n'existe pas, c'est que vous êtes incapables de prouver son existence.

L'approche manichéenne
Si votre position est plus grossière que celle de l'adversaire, vous pouvez simplifier le débat à deux choix qui excluent le compromis.
  • Si vous n'êtes pas de gauche, vous êtes forcément de droite.
  • Les choix sont clairs. Si vous compliquez inutilement le débat, c'est simplement pour gagner du temps.
Pour contrer, il faut attaquer directement la réputation de l'adversaire.
  • Votre manque de vision devant cette situation complexe a de quoi effrayer.
  • Vous réduisez encore une fois le débat à des simplifications risibles. Votre étroitesse d'esprit me fait peur.

Quelques autres exemples utiles :
  • Le proverbe donne à votre thèse l'autorité de la sagesse populaire : Une fois n'est pas coutume... - Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre...
  • Détruire la crédibilité de l'adversaire : Les lacunes évidentes dans vodtre parcours font que... - On vous voit mal donner des leçons quand on sait que vous avez été associé à l'extrême-droite...
  • Recourir à l'autorité scientifique : Tous les experts s'accordent là dessus... - Vous êtes le seul à ne pas savoir que...
  • Connoter péjorativement la thèse adverse, par exemple parler de "sécession" au lieu de "souveraineté", ou de "galère" au lieu de "chantier".
  • Utiliser les silences de l'adversaire : Si vous vous taisez sur ce sujet, c'est que vous ne connaissez rien du dossier... - Vous ne trouvez rien à dire pour défendre votre point de vue, parce qu'il est indéfendable...
  • Récupérer le petit peuple : Le citoyen d'en bas connaît la réalité. Il sait mieux que vous... - Si vous aviez un minimum d'expérience sur le terrain, vous sauriez que...
  • Opposer la vertu : Votre thèse est une atteinte aux droits fondamentaux...  - Ce que vous défendez, c'est la cupidité... - Vous êtes à la solde des riches...
  • Inventer des corrélations : L'apparition du désordre dans ce dossier coïncide avec votre arrivée...

En gros, la bonne pratique, c'est de toujours rester en attaque, dans l'affirmation accusatoire. Oubliez les questions ; si on vous en pose, c'est qu'elles sont biaisées. N'admettez rien, ne répondez à rien, n'expliquez rien, contentez-vous de mettre l'adversaire K.O. Une fois qu'il aura été éliminé, vous aurez raison, peu importe la thèse que vous défendez. Et si vous vous retrouvez dans un coin, sans contre-attaque solide, esquivez par un éclat de rire : Monsieur, soyez plus sérieux... - À défaut d'autres qualités, vous êtes au moins distrayant avec vos accusations saugrenues...

Voilà, vous savez maintenant comment parler Français. Mais notez que la documentation la plus complète est en anglais...

mercredi 25 janvier 2012

Politique fiction

Contrairement aux couilles molles qui n'osent pas se prononcer, je lance mes prédictions pour la présidence française.

Scénario le plus probable :

Le Parti Socialiste se montrera un peu plus combatif, et fera peur avec "Le Pen au deuxième tour". Il tassera Mélenchon et arrivera à fédérer le vote de gauche. Mais le PS n'a pas réussi à se dégager un avance assez confortable, même si Sarkozy n'a toujours pas officiellement lancé sa campagne. L'écart entre l'UMP et le PS devrait se reserrer quand l'UMP commencera à lancer ses premiers vrais boulets. À l'interne, le PS sera incapable de présenter un front uni, comme d'habitude. (D'ailleurs, la campagne ne fait que commencer, mais Hollande a déjà dû réagir aux critiques de son propre porte-parole !) Au deuxième tour, c'est Hollande vs Sarkozy, ce dernier récupère les voix de Le Pen, et c'est rebelote.


J'ai aussi envisagé quelques scénarios suprises...

Surprise numéro 1 (envisageable) :

Telle n'est pas son habitude, mais le PS réussit à maintenir un front uni et trouve un vrai élan de campagne. De son côté, le temps de Sarkozy est monopolisé par les dossiers de la Zone Euro. Le Président tente de se porter en "sauveur de l'économie", mais le rôle ne séduit pas. Au deuxième tour, c'est le PS contre une UMP affaiblie. Les deux partis se partagent les voix du Front National : les vieux xénophobes votent pour Sarko, et les ouvriers reviennent à gauche, encouragés par les syndicats et un Mélenchon qui s'est rallié. Dans la dernière semaine, crise de confiance à l'UMP, ce qui empiète sur son score. Le PS maintient son avance et Hollande l'emporte.


Suprise numéro 2 (peu probable) :

Le PS cède gravement à sa manie des déchirements publics, et la gauche se morcelle. Le Pen et Sarkozy volent au second tour. Nicolas rides again.


Suprise numéro 3 (très peu probable) :

L'UMP continue son étrange campagne de l'absence. J'ai sous-estimé la rancoeur des Français à l'endroit de Sarkozy, et quelques mauvais sondages sèment la panique au sein du parti, ce qui fait gueuler les fortes têtes. Débâcle marketing pour l'UMP. Situation surréaliste avec Hollande et Le Pen au deuxième tour, avec évidemment Hollande comme gagnant.


Organigramme des institutions de la Cinquième République : wikipedia.


DERNIÈRE HEURE :

J'ai écrit ce billet la semaine dernière, avant la messe socialiste au Bourget. Depuis, les choses ont changé. Hollande a fait un tabac avec son discours du week-end, suscitant un regain de confiance dans le PS. De son côté, certaines rumeurs de couloir indiquent que l'actuel Président place maintenant la défaite dans le domaine des possibilités.

Au vu de ces dernières infos, je downgrade Sarkozy de "Scénario le plus probable" à "Suprise numéro 1". En contrepartie, Hollande est promu à la meilleure cote.

Mais le chef du PS reste sous observation. Sa campagne sera longue, et il est difficile de garder la foule enthousiaste pendant 3 mois. Donc il y a toujours un potentiel de revirement.


(Eh oui, je devrais envoyer mon CV à une agence de notation.)

mardi 24 janvier 2012

Dans la gueule

Si vous rencontrez un Français, foutez-lui une baffe. Il adorera.

On savait déjà que les Français aiment le débat. Ils aiment nous prendre la tête, nous harceler, discuter jusqu'à plus soif. Et c'est pas pour avoir raison, dans le sens de "atteindre la vérité". J'en ai déjà parlé (ici et ici), les Français se foutent bien de la vérité ; ce qu'ils veulent c'est gagner. Vous clouer le bec. Peu importe le moyen.

Ce qu'on sait moins, c'est que les Français aiment aussi la bagarre. La vraie bagarre physique, avec des nez qui saigent et des yeux au beurre noir. Vous pensiez que les Français étaient des mauviettes qui fuient à l'approche du combat ? Que la France avait perdu toutes ses guerres depuis Napoléon ? Que l'armée française était une implémentation de la bêtise institutionnalisée ? Eh bien, comme moi, votre regard sur l'Histoire a été victime des mauvaises langues britanniques.


Source photo : wikipedia.


Si vous avez envie de corriger quelques unes de vos fausses idées, notamment celle que les Français sont nuls à la guerre, je vous recommande la lecture de The Second Book of General Ignorance, de John Lloyd et John Mitchinson, chez Faber & Faber.

Vous apprendrez que la France reste la puissance militaire la plus efficace de l'Histoire européenne. L'historien Niall Ferguson a répertorié 125 conflits majeurs sur le théâtre européen depuis 1495. La France a pris part à 50 de ceux-ci, soit plus que l'Autriche (47) et l'Angleterre (43). Et en plus de chercher la bagarre, la France en sort majoritairement gagnante. Selon le livre, de ses 168 dernières batailles, la France en a gagné 109, soit un taux de réussite de 65%. À titre de comparaison, c'est le même taux de victoires que celui des Canucks de Vancouver, l'équipe la mieux classée au terme de la saison régulière 2010-2011 de la Ligue Nationale de Hockey.

Pour confirmer l'expertise militaire française, le bouquin nous rappelle la quantité de mots qui sont passés directement (ou presque) dans le langage militaire courant, autant en Angleterre qu'aux USA. Les mots suivants proviennent tous du jargon français : general, captain, corporal, lieutenant, lance, mine, bayonnet, volunteer, regiment, soldier, army, camouflage, combat, esprit de corps, reconnaissance...

À mes yeux, tout ça fait partie du paradoxe français : un peuple qui fait la promotion de l'insubordination, mais qui adore la hiérarchie. Rien de surprenant, pour une nation qui aligne les contradictions jusque dans sa devise. N'importe quel Philosophie politique pour les nuls aura tôt fait d'expliquer que dans un système étatique, "l'égalité" absolue se construit aux dépens de la "liberté" absolue.

lundi 23 janvier 2012

Jours sombres

Pour accompagner votre café noir, un peu d'humour noir. Tellement noir que c'est même plus de l'humour.


Vaincre la crise

Bon, c'est la crise. Depuis des années, en Espagne, les jeunes n'arrivent pas à intégrer le marché de l'emploi. Ils vont de stage en stage, sont sous-payés, et vivent la précarité. J'ai peut-être la solution. Comme le dit cet article, il y a une profession qui ouvre toutes grandes ses portes à la jeunesse. On y lit : "Selon les estimations internationales, entre 40 et 42 millions de personnes se prostituent dans le monde, et 75 % d'entre elles ont entre 13 et 25 ans."


Source photo : wikipedia.


En bon économiste, je dirais qu'un afflux de main d'oeuvre dans cette profession serait profitable à tout le monde, car elle ferait baisser les prix, rendant ce service accessible à tous. Et quant à ceux qui dénoncent une discrimination en faveur des femmes dans l'embauche, il faut se rappeler que la prostitution a son pendant majoritairement masculin : la politique. Toutefois, l'article ne dit pas si les statistiques rapportée incluent votre député.


La Corée du Nord démonisée

J'espère de tout mon coeur que la Corée du Nord est victime d'une campagne de salissage orchestrée par l'Ouest. J'espère qu'on me raconte des bobards en vue de me convaincre de la nécessité d'une intervention militaire. Parce que selon ceci et ceci, des citoyens de l'honorable dictature sont en ce moment envoyés aux travaux forcés parce qu'ils n'ont pas pleuré assez vigoureusement lors du décès du sauveur de la nation, Kim Jong Il. J'espère que ce sont des mensonges.


Encore une fois, mort aux Vieux

Selon cet article, les vieux se plaignent de la génération "Y". Les jeunes d'aujourd'hui sont jugés ambitieux et individualistes. Ok, tout le monde, choc total dans l'histoire de l'humanité, pour la première fois depuis la Création, l'ancienne génération se plaint de la nouvelle.

C'est vrai que c'est pas normal. Je suis complètement indigné. Pas moyen de rester installé, peinard dans mon fauteuil, à profiter un peu de ma BMW. Pour arriver jusqu'ici, j'ai marché sur mon orgueuil, j'ai fermé ma gueule, j'ai foncé dans la tempête, j'ai défendu mon territoire. Je me suis battu. J'en ai léché des culs. J'en ai léché un tas. Alors tous ces petits cons, qui veulent ma place sans l'haleine qui va avec, je les emmerde. Non mais, pour qui ils se prennent... petits insolents ! S'ils veulent ma place, ils devront me marcher sur le corps. En attendant, j'ai mes fesses qui sèchent au vent, et j'aurais bien besoin d'un petit coup de langue pour me les hydrater.


Et mort aux scientifiques

Ah le Stradivarius, joyau inimitable de la lutherie, encore une fois attaqué par une désolante étude scientifique. On aurait démontré que la qualité du Fagot de Crémone (mon appellation) réside d'abord dans l'esprit du musicien. Lors d'un test à l'aveugle, une majorité a choisi l'instrument d'un luthier moderne, plutôt que la bonne vieille planche.

Honteux. On devrait abattre les scientifiques. Ils nuisent à l'économie. Ou va le monde, si on ne peut plus profiter du snobisme des uns pour leur refourguer de vieux machins à des prix scandaleux ? Je tiens à rappeler que la productivité se mesure d'abord par la marge de profit. Ce qui nous permet de vendre de la camelote européenne cinq fois plus cher que la chinoise, c'est le nom, la tradition, la réputation de la maison. Nous avons devant nous un milliard de Chinois qui rêvent d'accéder au snobisme, qui veulent le vrai sac Vuitton, la vraie veste Chanel.

J'appelle ces cons de scientifiques à fermer leur gueule. Si on persiste à rappeler que tout n'est que poudre aux yeux, les Chinois vont arrêter de nous rétro-inonder avec notre ancien fric, et ce sera la crise, et y'aura plus d'argent pour financer des études scientifiques inutiles. Pfff...

vendredi 20 janvier 2012

Le Club CC

Est-ce qu'il y a un "Club CC" qui permet d'accumuler des points quand on met des gens en CC dans ses emails professionnels ?

Je me pose la question, comme ça, parce qu'au boulot, je reçois un paquet d'emails provenant d'inconnus, sur des sujets qui ne me touchent pas vraiment. Ces emails traitent de détails spécifiques à des situations bien précises. Mais ils sont adressés à 76 personnes et groupes, incluant des collaborateurs qui ont quitté la boîte en 1998 pour aller élever des chèvres en Dordogne.

Exemple typique :
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SUBJECT : Modification du backup pour l'application NickTammer.
FROM : roger.moquette@maFirme.asia.com
TO : toutes.les.equipes.de.dev@maFirme.mondeEntier.com, napoleon.bonaparte@france.fr, tous.les.patrons@maFirme.com
CC : tous.les.chefs@maFirme.com, tous.les.sous.chefs@maFirme.com, tous.les.assisants@maFirme.com, le.mec.qui.nettoie.les.chiottes@maFirme.com, le.mec.qui.répare.la.machine.à.café@maFirme.com, les.autres@maFirme.com, (etc...)

Bonjour,

La procédure de backup de l'environnement de développement X839 de l'application NickTammer se déroulait auparavant dans cet ordre :

  1. on lance le backup et on le regarde tourner.
  2. on va prendre un café.
  3. on rentre à la maison.

À compter du 16 septembre 2018, elle se déroulera dans cet ordre :

  1. on va prendre un café.
  2. on lance le backup et on le regarde tourner.
  3. on rentre à la maison.

Cordialement,

Roger Moquette
Vice-président exécutif
Équipe FIRM/TECH/VivlaGlande**

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Source photo : wikipedia.


Donc, je me demandais, est-ce que je manque une bonne affaire ? Est-ce qu'il y a un "Club CC" qui permet d'accumuler des points ?

Genre :
  • 5 personnes en CC = 500 points.
  • 10 personnes en CC = 1000 points.
  • 3 personnes + un groupe en CC = 3000 points.

Et est-ce que ces points peuvent être échangés contre des cadeaux auprès des Ressources Humaines ?
  • Avec 50 000 points, t'as droit à un jour de congé.
  • Et 100 000 points donnent droit au remboursement d'un dîner d'équipe.
  • 500 000 points te permettent de choisir deux personnes à virer lors du prochain plan social.

Y'a certainement une raison de mettre toute la planète en copie sur des mails insignifiants qui ne sont lus par personne. Fabriquer du spam de manière artisanale, ça prend beaucoup de temps. C'est très chiant de mettre toutes ces adresses dans un mail. Et en plus, on court le risque de se faire détester. Ça serait carrément imbécile, limite crétin, de faire tous ces efforts gratuitement, sans bénéficier en bout de ligne d'une petite forme de rétribution. Un moyen pour payer moins d'impôts ? Des chèques-cadeaux chez Sephora ? Bière gratuite le vendredi midi à la cantine ? Échantillons gratuits de Spam ?

Alors please, dites-moi tout ! Moi aussi je veux profiter de l'offre !

(** 37 chefs de projets qui se partagent un développeur à mi-temps en Inde.)

jeudi 19 janvier 2012

I am a communist

Bon, ben à ma grande surprise, je suis communiste...

Dans une centaine de jours, la France se choisira un Président. Certains espèrent qu'il s'agira d'un nouveau Président. Tout ça pour dire que les campagnes sont lancées, et une horde d'ambitieux crient "moi ! moi ! moi !"

Je ne suis pas Français, alors je n'ai pas le droit de voter. Mais jusqu'à date, celui qui m'a le plus intéressé s'appelle Jean-Luc Mélenchon. On le trouve un peu brouillon, un peu gueulard. Certains diront qu'il manque cruellement de diplomatie. Et un peu démagogue, mais quel politicien ne l'est pas ? Peu importe, j'ai trouvé rafraîchissant de voir un politique foncer sans hésiter dans des dossiers économiques, sans crainte des chiffres, sans simplification. Il m'a paru informé. Et surtout convaincu.


Source photo : wikipedia.


Je suis comme tout le monde : j'en ai marre des politiciens qui ménagent la chèvre et le chou, à coup de phrases creuses, de formules timorées, et de poésie. Je ne veux pas de populisme. Je veux du technique. Du compliqué. De vrais projets, détaillés, avec tout ce que ça a de rébarbatif.

Bon, Mélenchon est très à gauche et à même traîné du côté des communistes... On s'entend que le "communisme" français n'a rien à voir avec version connotée péjorative en Amérique. C'est pas Staline et les goulags. C'est plutôt une sorte de socialisme concentré, moins diffus. Mélenchon souhaite notamment serrer la vis aux marchés financiers. Mais pas question de les étouffer. Juste les empêcher de déconner. Ça fait du bien, face à des banques qui pour le moment affichent bien peu de contrition, malgré le krach et la crise.

(En passant, si vous voulez comprendre pourquoi j'en ai marre de la finance actuelle, allez lire cet article sur les procès-verbaux de la Réserve fédérale américaine. Les documents ont été rendus publics récemment. En 2006, ces experts se moquaient de la bulle immobilière et n'y voyaient pas grande menace. Ce sont les mêmes copains qui aujourd'hui décotent la France, font pression sur la zone Euro, et forcent les dirigeants à enterrer tout autre dossier que l'économie !)

Mais revenons à nos moutons...

Du côté de la gauche traditionnelle, le poétique Parti Socialiste, on semble encore vouloir faire rêver. Mais sans trop de combativité. François Hollande se présente comme "le candidat de l'espérance lucide"...

Mais qu'est-ce que ça veut dire, ce baratin ? Qu'est-ce que j'en ai à faire de "l'espérance lucide" ? Pourquoi pas "la jouissance placide" ? Ou "l'avenir sapide" ? Trouvez pas que ça fait seventies, ce genre d'approche ? Quarante ans de discours flower power. Au début, c'est agréable. Mais là, ça commence à goûter comme la choucroute de la veille.


Source photo : wikipedia.


Faut dire que contrairement au Parti Socialiste, Mélenchon a peu de chance de faire le deuxième tour. Alors il peut se permettre de foncer dans le tas, sans ménager personne. S'il veut conserver son option sur le pouvoir, Hollande n'a pas assez de marge pour commencer à se faire des ennemis.

À droite, Marine Le Pen emploie aussi la tactique de la parole ferme, avec un certain succès. La droite, avec ses discours de peur et son projet qui sent la xénophobie, ça ne m'intéresse pas vraiment. Mais y'en a beaucoup à qui ça plaît d'entendre cet autre "poing sur la table".


Source photo : wikipedia.


En fait, la campagne la plus étrange, c'est celle du Président, Monsieur Sarkozy. C'est une technique inédite, celle du "fantôme". À 100 jours des élections, on nous annonce que le Chef devrait nous parler vers la fin du mois. Il n'a pas encore présenté officiellement sa candidature. Il se tient loin des débats. Lui qui en temps normal monopolise l'antenne au point de nous rendre nauséeux, le voilà quasi absent des bulletins de nouvelles. Au mieux, on nous le montre en déplacement, dans les reportages qui touchent à l'économie : images de Sarko qui monte dans l'avion, qui descend d'une limousine, qui arpente une usine, qui serre la main de Merkel... De temps en temps, une petite citation allusive, un peu vague, du genre "l'heure n'est pas à la partisanerie primaire".

Je ne connais pas encore cette technique de "la présence par l'absence". Ça doit être une nouvelle mode en Public Relations. Arcane de marketing. On verra bien ce que ça donnera... Faut dire qu'il y a un certain effet : les autres candidats sont là, à manger des petits-fours sans pouvoir entamer le gigot. Mais pour le moment, je n'arrive pas à voir si ce vide joue en faveur du Président.

Reste la dizaine d'autres petits candidats, qui grapillent 1 ou 2 pour cent des voix. Dans le lot, je choisirais De Villepin. Pour sa belle nostalgie, et son bon goût décoratif. En plus, un vote pour De Villepin, c'est un truc rare. Comme disent les Français, c'est un vote "collector".


Source photo : wikipedia.


mercredi 18 janvier 2012

Métro porno

Parfois, on s'ennuie un peu dans le métro de Paris. Quand on attend sur un quai désert. Ou quand on stationne à cause d'un malheureux qui a choisi de disparaître par aplatissement.

Pour combattre la langueur, j'ai un petit jeu que je partage avec quelques amis (et amours). Il s'agit de trouver des calembours pour les noms des stations. Mais attention ! Ces calembours doivent être complètement nuls. Préférablement, ils sont salaces. Ou font référence à la plus basse ivrognerie.


Source photo : wikipedia.


Moi ça me détend. Dire des cochoncetés, briser le tabou, ça finit toujours par provoquer la rigolade. Surtout avec des Français, qui se contentent habituellement d'allusions. Je vous mets quelques exemples...

Étienne me harcèle (Étienne Marcel)
Max, mords-moi (Marx Dormoy)
Raie au mur, sébaste au pôle (Réaumur Sébastopol)
Chatte au dos (Château d'Eau)
Chatte au rouge (Château Rouge)
Mon père masse bien menu (Montparnasse Bienvenüe)
Chatte et lait (Châtelet)
Mini remontant (Ménilmontant)
Marc a des poils au nez (Marcadet Poissonniers)
Sein supplice (Saint Sulpice)
Sein flaccide (Saint Placide)
Rase paille (Raspail)
Coca zéro (Trocadero)
Corps bizarre - Corbillard (Corvisart)
Dentier au menton (Censier Daubenton)
Ramène-la (Ranelagh)
Marcel s'en bat (Marcel Sembat)
Bourricot (Boucicaut)
Lèvres se courbent (Sèvres Lecourbe)
Allez Isa ! (Alésia)
Seins gèrent mains de près (Saint-Germain des prés)
Juteux (Jussieu)
Cuni, la soeur bonne (Cluny La Sorbonne)
Raie publique (République)

Une fois qu'on a un truc bien cul, un autre plaisir est d'essayer de le placer dans une conversation sérieuse, au bureau. Il faut le dire assez rapidement pour que votre interlocuteur croit à une hallucination auditive. Vous le verrez sourciller, puis se dire mentalement : "Non, il n'aurait pas osé. J'ai dû mal entendre."

Les plus coincés d'entre vous voudront se priver de ce délice totalement régressif. Mais essayez, ça fait du bien. Commencez avec la station Vavin, c'est la plus facile. Et si le coeur vous en dit, envoyez-moi vos plus belles réussites (c'est-à-dire les plus médiocres).

Et pour ceux que ça intéresse, Pierre Perret a fait une chanson qui reprend un tas de nom de stations. Ça s'appelle "Bercy Madeleine". C'est bien fait, mais moi je trouve ça un peu trop propret. Y'a les paroles sur ce site gratuit, mais attention aux nombreux popups de publicité.

mardi 17 janvier 2012

Tous psychopathes

Ce matin, j'étais dans le RER à la mauvaise heure. Ça m'a rappelé qu'entre 9h00 et 10h00 le matin, ce moyen de transport est rempli d'un gaz neurotoxique qui rend les gens psychopathes.

Voyons la définition selon wikipedia :
La psychopathie est un trouble de la personnalité caractérisé par un manque d'empathie et de remords, des émotions peu profondes, de l'égocentrisme et d'impostures. Les psychopathes (patients atteints de psychopathie) adoptent un comportement antisocial, des traitements abusifs envers les autres, et agissent violemment dans certaines situations. Bien qu'ils manquent d'empathie et d'émotions, ces individus réussissent à mentir sur ce qu'ils ressentent et sur ce qu'ils vivent.

Ça ressemble effectivement à l'état du passager moyen dans le RER. On tente de monter avant de laisser les gens descendre. On s'arroge le droit de donner des coups de coude, des coups de sac à main. On se précipite sur le premier siège disponible. On n'hésitera pas à piétiner quelqu'un si nécessaire. On s'enferme dans sa bulle. On feindra d'ignorer femmes enceintes, enfants et vieillards. Et si quelqu'un nous reproche quoi que ce soit, on répondra avec un maximum de mauvaise foi, présumant (souvent avec raison) que ce reproche origine lui-même d'un calcul intéressé.




Je dis "psychopathe", mais je devrais plutôt dire "sociopathe". Encore wikipedia :
La personnalité antisociale est un trouble de la personnalité caractérisé par une tendance générale à l'indifférence vis-à-vis des normes sociales, des émotions et droits d'autrui ainsi que par un comportement impulsif. (...) La différence entre psychopathie et sociopathie peut s'expliquer par l'origine du trouble. La sociopathie s'explique par l'environnement social alors que la psychopathie s'explique par un mélange de facteurs psychologiques, biologiques, génétiques et environnementaux.

Je sais très bien que les Parisiens ne sont pas naturellement méchants. Que leur sale caractère n'est pas une tare génétique, mais plutôt une condition temporaire induite par le stress (ou un gaz expérimental testé par l'armée). Enfin, j'ose espérer...

Je ne suis pas le seul à souffir, comme le rapporte cet article. Un sondage Ipsos a demandé à 1000 personnes : "Dans votre vie personnelle, quel sujet vous cause le plus de difficultés ou de stress ?" Parmi les réponses proposées, il y avait "l'argent", "le manque de temps", "le bruit". Mais la réponse la plus retenue, avec pas moins de 60% des voix, a été : "le manque de savoir-vivre, l'agressivité des gens."

Récemment, la RATP organisait une campagne afin de promouvoir la politesse dans les transports. Parmi les moyens utilisés, il y avait le site participatif CherVoisinDeTransport.fr, qui invitait les passagers à s'exprimer avec humour sur les incivilités. J'y ai surtout trouvé des témoignages de ce genre :

Ma chère voisine de transport, Ce fut un plaisir de vous bousculer à ma sortie de rame pour vous montrer à quel point c'est ennuyant d'avoir des gens qui veulent monter avant d'avoir laissé les autres sortir. En espérant que vous aurez compris le message.

J'ai vu beaucoup de témoignages qui tentaient de justifier une sorte de "vengeance préventive" : je voyais bien que t'allais être impoli, alors j'ai été impoli en premier, et j'ai trouvé ça jouissif. En gros, c'est comme dans le film Minority Report... ou comme la politique étrangère de George W. Bush.

Tous psychopathes ?

lundi 16 janvier 2012

Retards en France

Si j'en juge par mon vécu, et ce qu'on m'a raconté, les Français adorent les retards et le stress. Parfois, on dirait qu'ils font tout pour tout remettre à la toute dernière minute. C'est souvent visible en milieu professionnel, où pour obtenir une validation de document dans les temps, il faudra cinq appels téléphoniques, sept rappels par mail, et trois réunions.

On peut noter, en passant, qu'une situation de panique est le meilleur moment pour se porter en héros sans que personne n'ait le temps de valider la pertinence de l'intervention. Donc, dans une optique d'avancement professionnel, il est peut-être profitable de générer la confusion si on souhaite ensuite proposer son leadership. Mais là n'est pas le propos de ce billet.

Soucieux d'aider les Français à approvisionner leur dépendance à l'urgence, donc leur bonheur, je souhaite leur offrir ces petites suggestions de mon cru.
  • Rester au lit jusqu'à 9h50, pour ensuite tenter d'attraper le train de 9h55, afin d'arriver au boulot avant 10h00.
  • Au cours de la maternité, attendre le dixième mois avant d'accoucher.
  • Sur une plaque de cuisson, faire bouillir du lait à haute température.
  • Fermer les yeux, craquer une allumette, et la tenir jusqu'à ce que soit perceptible une odeur similaire à celle du bacon brûlé.
  • Mettre une douzaine d'oeufs frais au micro-onde, choisir "haute intensité" et appuyer sur "start". Tenter de faire 50 pompes avant que les oeufs explosent.
  • Attendre le 13 juillet avant de réserver ses vacances d'été.
  • Inviter sa fiancée à un concert de Bon Jovi. Attendre que le spectacle soit commencé avant d'acheter les billets.


Source photo : wikipedia.


Évidemment, pour un Français, ce ne sont que là que des suggestions de "soft stress". Alors en voici quelques autres pour les addictions les plus sévères. Je garantis la petite poussée d'adrénaline.
  • En descendant un escalier, attendre que le corps ait atteint un angle d'au moins 55 degrés vers le bas avant de poser le pied sur la prochaine marche.
  • Asperger le sofa d'essence. Se faire attacher solidement pieds et mains avec une corde de bonne qualité. Avec les dents, craquer une allumette et la jeter sur le sofa.
  • Se placer sous un arbre où nichent des pigeons. Lorsque tombe une fiente en direction du visage, attendre qu'elle couvre 50% du champ visuel avant de tenter de l'éviter.
  • À la station de RER, mettre des gants de boxe. Lorsque le train est sur le point d'entrer en gare, sauter sur les rails et tenter de ramasser 25 mégots de cigarettes avant de remonter sur le quai.
  • Brancher un blender disposant d'un interrupteur "on/off" (la position initiale doit être "off"). Placer la main droite dans le blender et tenir les lames fermement. Fermer les yeux. Avec la main gauche, lancer des balles de golf en direction de l'intérrupteur.

Bon stress.

vendredi 13 janvier 2012

Vive le vendredi

C'est vendredi, et le vendredi on n'a pas trop envie de bosser. Alors je vous envoie dans le désordre quelques petits sujets, sur lesquels vous vous ferez votre propre idée.

Comme à Rome

Ceux qui sont allés à Rome connaissent les pizzas "al taglio". En France on dirait "à la découpe". Ce sont de belles grandes pizzas rectangulaires fraîchement sorties du four, qu'on vend au poids où à la pièce. Les garnitures sont au goût du chef, on prend ce qu'il y a sur le moment. Et c'est simple, mais toujours spectaculairement délicieux.


Source photo : wikipedia.


J'ai le grand bonheur d'avoir dans mon quartier un jeune couple d'Italiens qui font exactement ça. Un peu bobos, très slow-food, ils proposent de splendides ingrédients sur une pâte toujours craquante. Sourire en prime. Rien de mieux pour se recomposer après un panne catastrophique du RER qui vous a bouffé une partie de votre soirée. Et c'est pas cher : pour environ 10 euros, vous aurez deux belles parts de pizza et un Pelegrino. Lundi soir j'ai pris une part radicchio-gorgonzola-noix, et une part margherita. Pizza et fichi, pas loin de la station Des Boulets.


Canada Update

Le gouvernement canadien s'acharne à piétiner votre fantasme de beau grand pays de nature et d'environnement. Cette semaine, dans le dossier du pipeline Northern Gateway, le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a fait une sortie virulente contre les groupes écologistes. Ils les a accusés d'être des "radicaux" à la solde de "groupes d'intérêts spéciaux étrangers". Une sortie si violente qu'elle a embarrassé les industriels eux-mêmes. Eh oui, l'actuel gouvernement canadien est encore moins écolo que la grande industrie...

En ce qui concerne Montréal, considérez dorénavant que la métropole comme "out". Le nouveau buzz, le nouvel exotisme nordique, c'est Toronto. C'est Madame Figaro qui nous le dit. Et le plus triste, c'est que je la crois.


Petite bouffe sympa

Du côté de la France, une autre affaire du genre "toilette en or massif". Mini scandale autour de l'homme politique Christian Estrosi qui, justifiant son train de vie, explique sur l’antenne de RFI que le Fouquet's a tout d’une bonne "brasserie populaire". David Caviglioli, du NouvelObs, signe une satire absolument délicieuse sur le sujet. À lire, c'est du vrai "one line, one punch".


La vie secrète des riches

Si vous avez plutôt envie de vous étouffer avec votre café, lisez ce papier du Monde, sobrement intitulé "Pourquoi faut-il que les Etats payent 600 fois plus que les banques ?"


Sympathique

Toujours dans le domaine du business, la 1000e étude confirmant que l'Avenue des Champs Élysées est la capitale mondiale du service médiocre et du personnel hautain. Venez pas dire que personne ne vous avait averti.


Noyer sa peine
Si votre petit coeur a été blessé par un irascible serveur des Champs Élysées, vous pourrez dorénavant vous soigner avec des bières de qualité. Selon cet article, Paris serait sur le point de pondre son premier brasseur artisal, Thierry Roche. Il ouvrira bientôt une petite boutique nommée "Les bières de la Goutte d'Or". Les Parisiens en auraient-ils enfin marre de leur traditionnel pipi industriel ? Espoir.


Mort aux vieux

Le magazine Rolling Stone sortait récemment sa compilation des 100 meilleurs guitaristes de tous les temps. Évidemment, c'est Jimi Hendrix qui gagne, suivi de près par Eric Clapton et Jimmy Page. C'est moi, où le Rolling Stone commence à sonner aussi vieillot que l'Osservatore Romano ? Hé ho, le monde ne s'est pas arrêté en 1971... Parfois j'ai l'impression que les grands médias ont décidé de zapper les 40 dernières années de l'humanité. Je répète, ce sont quand même les 40 dernières. Alors faudrait un peu marquer le coup...

jeudi 12 janvier 2012

Dire du mal des Français

Les Français adorent la mauvaise foi. Ils adorent quand on dit du mal d'eux. Ils ont un petit côté masochiste. J'ai même des statistiques pour le prouver.

En deuxième position des billets les plus consultés sur ce blogue, il y a les billets qui vannent les Français, juste derrière ceux truffés d'allusions sexuelles gratuites. La catégorie "French-bashing" score presque aussi bien que la catégorie "sexe". Et ces deux catégories constituent presque 80% des pages vues, les autres récoltant un maigre 20% du lectorat. Ce qui est fascinant, c'est que les billets où je frappe sans vergogne sur la France sont lus en majorité par des Français. Et ils semblent apprécier !

Il faut donc conclure qu'à la différence de certains peuples, les Français ont de l'humour, sont ouverts à la critique, et savent rire d'eux-mêmes. Des ingrédients essentiels, selon moi, pour cultiver la liberté d'expression. En gros, si vous aimez parler, en mal ou en bien, vous serez mieux reçu en France qu'en Corée du Nord.

Bien évidemment, tout ça me ravit. Y'a-t-il chose de plus agréable que la médisance ? Comme on dit à l'UMP, c'est une situation "win-win" : je me vautre dans la mauvaise foi, et les Français en redemandent.

Merci à la France et à son goût pour la tolérance.


Source photo : wikipedia.


Bon, ces politesses évacuées, je redeviens "l'anthropologue mesquin" afin de vous livrer rapidos trois petites observations.

Premièrement, j'ai remarqué que la chrétienté marche bien en France. Je connais un tas de jeunes qui fréquentent les églises, ce qui me paraît étrange pour un pays qui se dit laïc depuis 1789. Ici, la messe est beaucoup plus populaire qu'au Québec. Je crois avoir compris pourquoi. C'est que chaque Français se reconnaît en Jésus : il se croit porteur d'un grand message pour l'humanité, mais victime d'un système pourri.

Autre truc : dans Le Monde, très intéressant entretien avec une généraliste. Son constat est que les Français sont plus stressés qu'avant. J'ai déjà parlé d'un numéro spécial du Point, intitulé "Les Français". On y apprenait qu'ils picolent deux fois moins qu'en 1980. Ils ont amélioré leur productivité. Ils font plus de sport, ils mangent plus sainement (mais moins terroir), ils meurent plus tard, ils font moins la grève, ils adoptent rapidement les nouvelles technos.

Mon conseil aux Français : si vous êtes stressés, c'est parce que vous essayez d'imiter les Américains, et que c'est contre votre nature. Redevenez les alcolos-glandeurs-râleurs-gourmands-baiseurs que vous étiez. C'est comme ça que la planète vous aimait. Si vous ne régressez pas, vous allez devenir insipides.

Et pour finir, au moment d'écrire ces lignes, j'ai trouvé dans wikipedia une page en anglais pour "Criticism", une page en Catalan pour "Critic", une page en espagnol pour "Critica", et une page en polonais pour "Krytyka". Mais ces articles ne pointent vers aucune page en Français. Et quand on cherche "critique", on tombe sur une page d'homonymie. J'en tire cette conclusion bien personnelle : chez les Français, l'art de la critique est si développé qu'on a dû le segmenter en de multiples sous-spécialisations.

mercredi 11 janvier 2012

Travailler en France

Grand prophète que je suis, j'ai décidé de vous parler du travail en France à travers une parabole de mon cru. Bonne lecture.

Le jeune homme et la bergerie

Il y a longtemps en Galilée, un père dit à son fils : "Mon fils, ce soir vers 17h, les bergers descendront de la montagne avec leurs troupeaux. Tu devras ouvrir les portes de la bergerie, les faire entrer, puis fermer les portes derrière eux. Je ne l'ai jamais fait, mais aie confiance, c'est super simple, tu ne peux pas te gourrer."

Le fils répondit : "Trop facile. T'inquiète, ce sera fait."

Le jour passa, mais à 17h, un seul berger apparut. Il venait seul, sans ses moutons. Puis, un peu plus tard, quelques moutons descendirent de la montagne. Mais persone ne sut à qui ils appartenaient car ils n'étaient pas marqués.

Vers 18h, le fils alla dans la montagne pour tenter de rassembler moutons et bergers. Lorsqu'il arriva à la hauteur des pâturages, il vit que plusieurs des bergers dormaient. Les troupeaux paissaient ça et là, et s'entremêlaient. Personne ne savait à quel berger revenaient quelles bêtes. Au moins le quart des moutons avaient disparu. Deux ou trois bergers ne savaient même pas qu'ils étaient bergers. D'autres buvaient du thé avec quelques conseillers municipaux ; personne ne savait ce que des conseillers municipaux faisaient là, à cette heure de la soirée.

Alors qu'on tentait de trier les moutons, les conseillers prirent part à la discussion sans y avoir été invités, ce qui fit monter le ton. Trois conseillers commencèrent à se battre et durent être séparés. Cet esclandre effraya quelques moutons, qui alors voulurent fuir et tombèrent dans un ravin. Certains bergers ne cessaient d'utiliser le mot "vache", et personne ne comprenait de quoi ils parlaient, ce qui créa de la confusion. On mit aussi du temps à convaincre ceux qui refusaient de descendre au village pour la nuit. Un quinzaine de moutons, qui étaient coincés depuis des heures dans une vieille clôture, durent être libérés ; comme il y avait urgence, il fallut scier quelques pattes. Un âne errait à travers le groupe, mais personne n'avait le temps de s'occuper de ce problème. Dans le ciel, la nuit tombait rapidement.

Un peu après minuit, bergers et moutons étaient enfin réunis et prêts à descendre au village. Le troupeau comptait même quelques bêtes additionnelles, volées sous le couvert de la noirceur au cheptel d'un village voisin. Il faillit y avoir une nouvelle bagarre lorsqu'on tenta de séparer le butin, mais les choses finirent par se calmer. La descente progressa lentement, parce que des bergers tentèrent d'emprunter des raccourcis qui n'en étaient pas. Du début à la fin, un conseiller municipal, qui avait marché dans du crottin, râla à propos de ses chaussures salies. Furieux, il ne cessait de crier : "C'est scandaleux ! C'est insupportable ! C'est inacceptable !" Ce qui finit par irriter tout le monde.


Source photo : wikipedia.


Quand ils atteignirent les dernières pentes, près du fond de la vallée, la lumière de l'aube commençait à poindre sur les sommets. Le spectacle était magnifique, avec les jaunes et oranges glissant sur les dernières étoiles de la nuit. L'air était frais et humide, rempli des odeurs de la terre grasse. Un monde idéal pour élever des moutons.

Le groupe aurait pu s'arrêter un moment pour admirer la grandeur de cette création. Mais au centre du village, une gigantesque fantasmagorie rougeoyante capta leurs regards : la bergerie était en feu. C'est que la bergerie, depuis les 17 dernières années, servait aussi de forge temporaire. Or ce soir là, un tison malencontreux avait mis le feu à la paille.

Ainsi, à cause de l'incompétence des uns, et l'ingérence des autres, les moutons furent sauvés.

Les conseillers municipaux, fins politiques, revendiquèrent la sauvegarde in extremis du cheptel, en se déclarant auteurs des délais les plus cruciaux. Un grand banquet fut organisé en leur honneur, au cours duquel on décida de leur verser une rente annuelle puisée à même les recettes de la foire ovine du printemps.

Parce qu'il avait tenté de ramener moutons et bergers avant la nuit, ce qui les aurait exposés à une mort certaine, on statua que le jeune homme méritait châtiment. Les tables de la loi ne faisant aucune mention de ce genre de situation, on y inscrit un nouveau crime, qu'on nomma "Tentative d'avoir voulu trop cuire la viande". Et en guise de peine, le jeune homme fut banni du village. On ordonna aussi de lui crever les yeux, afin qu'il ne puisse plus jamais travailler comme berger (N.B. - embrouillés par cette succession d'événements, les juges oublièrent que le jeune homme n'avait jamais vraiment exercé cette profession).

Alors qu'il quittait le lieu de sa naissance, sous les insultes et les cris de haine, le fils entendit la voix de son père : "Mon fils ! Mon fils ! Pourquoi ne t'es-tu pas méfié de moi ?"

mardi 10 janvier 2012

Culte du Cargo

Un ami m'a transmis ce lien wikipedia vers un article très intéressant. Il traite d'un phénomène rigolo, et désigné par l'expression "Culte du Cargo". Il s'agit de rites observés chez des aborigènes d'Océanie, en réaction à la colonisation et à la présence militaire. Ça dit ceci :

Des indigènes, ayant constaté que les radio-opérateurs des troupes au sol semblaient obtenir l’arrivée de navires ou le parachutage de vivres et de médicaments simplement en les demandant dans leur poste radio-émetteur, eurent l’idée de les imiter et construisirent, de leur mieux, de fausses cabines d’opérateur-radio (avec des postes fictifs) dans lesquels ils demandaient eux-aussi (dans de faux micros) l’envoi de vivres, médicaments et autres équipements dont ils pouvaient avoir besoin. Plus tard, ils construiront même de fausses pistes d'atterrissage en attendant que des avions viennent y décharger leur cargaison.

Ah ah ah ! J'imagine bien Bouboukala, avec son pagne en peau de tapir, son collier de coquillages, et son micro en tiges de bambou. Comme un con, il demande aux dieux l'envoi d'une cargaison de noix de coco, pour la fête du ragoût sacré. Qu'ils sont amusants ces bronzés. Heureusement qu'on n'est pas comme ça, en Occident.

Source photo : wikipedia.


Dans certaines boîtes, la grande tendance est d'adopter la Méthode Scrum. Il s'agit d'une approche de la gestion de projet dans le monde du développement informatique. Son objectif est d'améliorer la productivité des équipes auparavant ralenties par des méthodologies plus lourdes.

Scrum, c'est Ze truc à la mode. Quand t'es chef de projet, tu dois absolument avoir ça dans ton CV. C'est américain, c'est nouveau, c'est l'avant-garde, ça rend tout le reste obsolète. Si tu ne pratiques pas Scrum, t'es ringard.

Alors on fait Scrum...

Dans Scrum, y'a des stand-up meetings quotidiens. Ce sont de courtes réunions informelles, pour orienter la journée et coordonner les affaires courantes. On les fait debout pour ôter l'envie de s'éterniser. La méthode recommande aussi de fréquents allers-retours vers le client, afin de rapidement rectifier le cap en cas de dérive. Et y'a des outils de suivi simples, qui évitent de s'embourber dans les détails administratifs. En fait, c'est juste une nouvelle mouture des diverses petites règles du bon sens, déjà exprimées par Kent Beck en 1999 dans Extreme Programming Explained.

Scrum, c'est comme le papier-cul : c'est très utile quand on a compris à quoi ça sert, et surtout comment s'en servir. En revanche, ça ne sert pas à grand chose si on dépose le rouleau sur un joli petit autel mural, avec quelques bâtons d'encens, et qu'on continue à s'essuyer le postérieur avec ses doigts.

Dans certaines boîtes, y'a des chefs de projet qui sont d'ardents défenseurs de Scrum (suite à une consigne de la direction). Ils en parlent avec enthousiasme, usant copieusement des cinq mots-clés qu'ils ont réussi à retenir lors de leur après-midi d'auto-formation. Ils font des stand-up meeting de 70 minutes, dans lesquels ils brainstorment tous-seuls devant 15 personnes à propos de sujets prévus pour l'an 2134. Ils rencontrent les clients une fois à tous les quatre mois. Pour ces rencontres, le chantier est lissé, les problèmes sont esquivés, et les lenteurs sont gardées secrètes ; ça aurait l'air con d'avouer qu'on a toujours les soucis que Scrum est censé corriger.

En fin de mois, ces chefs de projet se souviennent de compléter la paperasse qui doit aider au suivi quotidien. Ils font le tour de l'équipe : "Remplissez vos Burndown Charts pour que ça arrive à zéro." Alors au lieu d'avoir des graphiques qui permettent d'évaluer au fil de l'eau si l'équipe prend du retard, ils ont des graphiques qui indiquent a posteriori que tout le boulot a été fait le dernier jour du mois...

En résumé, grâce à une version de Scrum adaptée aux pratiques habituelles des organisations sclérosées, le client reçoit en retard et pour deux fois plus cher des machins qu'il n'a jamais demandés. C'est comme avant, mais au moins c'est Scrum.

Heureusement qu'on est pas comme Bouboukala, en Occident...

lundi 9 janvier 2012

Oligarchie égalitaire

C'est connu, la devise de la République Française est "Liberté, Égalité, Fraternité". Soit dit en passant, c'est aussi la devise de la République d'Haïti.

Au sujet du deuxième item de cette devise, "Égalité", disons qu'il y a un gros tabou en France. Il y a ce qu'on souhaite, et il y a une autre réalité bien apparente. Tellement apparente qu'on la remarque jusqu'au sommet de l'État. On peut prendre pour exemple ce jeune homme, élu "conseiller général des Hauts-de-Seine pour le canton de Neuilly-sur-Seine-Sud" à l'âge tendre de 21 ans, après un parcours académique constitué de cours de comédie, et de deux échecs à la Fac de Droit.

Pour ceux qui ont besoin de rafraîchir leur géographie, Neuilly-sur-Seine est une commune limitrophe de Paris, et compte parmi celles où la richesse moyenne par habitant est l'une des plus élevées en France. Disons que c'est un endroit plutôt "cosy" où il fait bon habiter, si on souhaite un voisinage de grands PDG et de politiques influents.

Cet exemple en fait rager certains, qui diront que la France d'antan avait plus de principes. Mais bon, rappelons que Henri Giscard d'Estaing, fils du président du même nom, a été élu conseiller général du Loir-et-Cher à l'âge vénérable de 22 ans.

Source photo : wikipedia.


En gros, on a souvent l'impression que la France croit beaucoup dans "la lignée", "la force du sang". Ici, on estime que le talent est héréditaire. Loin de moi l'idée d'insinuer que les "fils et filles de" sont dénués des qualités de leurs géniteurs. Comme n'importe qui, un fils-à-papa peu devenir très compétent après quelques années de terrain.

Seulement, on a parfois le sentiment que certains n'ont pas eu à se taper les obstacles habituels du cheminement de carrière. Que leurs projets sont parsemés de portes ouvertes et de parachutes.

C'est dans le show-business que cette tradition est la plus apparente. Nous connaissons tous Charlotte Gainsbourg, fille de Serge et Jane. Mais connaissez-vous son frère Lulu ? On vient de lui faire une belle place dans les shows-télé, pour sa première galette. Et puis y'a tous les autres :

Guillaume Depardieu et Julie Depardieu (qui à ma connaissance n'ont jamais fait pipi dans l'avion).
Lou Doillon, fille de Jane Birkin.
Thomas Dutronc, fils de Jacques.
Marilou Berry, fille de Josiane Balasko et nièce de Richard Berry.
Aurore Auteuil, fille de Daniel.
Marie Drucker, nièce de Michel et fille de Jean (ancien président-fondateur de la chaîne de télé M6).
Anthony Delon, fils d'Alain.
Chris Stills, fils de Véronique Sanson.
Davy Sardou, fils de Michel.
Marius Colucci, fils de Coluche.
Christian Vadim, le fils de Catherine Deneuve.
Victoria Monfort, fille de Nelson.
Aurélie Cabrel, fille de Francis.
Pierre Souchon, fils d'Alain.
Salomé Lelouch, fille de Claude, et sa soeur Sarah, présentatrice de "Fort Boyard" (de qui on dit sans se cacher qu'elle est plus remarquée pour son lien de parenté que pour sa présence télégénique).

Ce qui est bien, avec la deuxième génération, c'est qu'elle sait tout faire. Maman n'était que chanteuse, mais la fille sait aussi danser, jouer la comédie, animer à la télé, défiler pour Lagerfeld, s'asperger de parfum dans une pub, faire la météo, et passer au téléthon. Elle fait tout moyennement, mais elle fait tout !

Les Français se sont prononcés de manière plutôt cynique sur "le piston du fiston". Cet article rapporte les données. L'Express nous montre ici que la tradition est aussi bien vivante en politique. Et il y a le Figaro, qui loin de s'en faire, semble trouver ça tout-à-fait normal.

Vous me direz que le modèle n'est pas que Français, et c'est vrai. Suffit de penser à George W. Bush ou Kim Jong Un. Mais bon, le piston me semblait généralement plus discret à l'époque où je vivais en Amérique. D'ailleurs, il est rigolo de comparer sur wikipedia les premières lignes des articles consacrés à "l'égalité des chances".

Version anglaise :
"Equal opportunity is a stipulation that all people should be treated similarly, unhampered by artificial barriers or prejudices or preferences, except when particular distinctions can be explicitly justified."

Version française :
"En tant que valeur sociale, l’égalité des chances est une notion compliquée à définir. Le terme égalité est, en effet, polysémique, et donc sujet à polémique. L’objectivité dans la définition donnée dans cet article sera donc relative. Notons également l’ambiguïté du terme chance, mis au pluriel dans cette expression."

Disons que la version française laisse plus de place à l'interprétation...

Si vous avez envie de plonger dans le tabou, vous pouvez commencez par cet article très intéressant du Point.fr.

L'article mentionne aussi des lectures :
L'oligarchie des incapables - Sophie Coignard et Romain Gubert (Albin Michel 2012).
L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie - Hervé Kempf (Seuil, 2011).
La République du copinage - Vincent Nouzille (Fayard, 2011).
Le règne des oligarchies - Alain Cotta (Plon, 2011).


jeudi 5 janvier 2012

2012 : Sex and Love

C'est 2012, et comme tout le monde, vous avez décidé de maigrir ou de cesser de fumer. Sympathique, mais un peu cliché. Une résolution originale serait de commencer à utiliser votre cerveau en lisant des trucs plus pertinents que mon blog. Mais bon, difficile d'abandonner ses plaisirs coupables...

Pour aider votre déculpabilisation, je vous propose quelques thèmes de réflexion philosophique. Ça me permettra d'adjoindre un minimum de nutriments cérébraux aux calories vides de mes écrits, et d'ainsi alimenter un peu vos esprits. Choisissez un des thèmes suivants et faites-moi une dissertation de 10 pages :


Et les politiciens, eux ? Peuvent-ils nous faire confiance ?


Le talent se mesure à la capacité de s'attribuer le travail des autres.
(D'ailleurs, cet article nous le rappelle bien. Il revient sur les plus beaux cas de plagiat de 2011, en France.)


Lorsqu'on parle de ce qui descend du ciel, on ne mentionne pas assez la crotte de pigeon.


La vraie révolution serait le compromis.


L'amitié favorise l'endettement.


Comme l'a dit Marshall McLuhan, qu'importe l'ivresse, pourvu qu'on ait le flacon.


"C'était délicieux", "tu n'as pas grossi", "votre bébé est mignon"... La vie n'est qu'illusion.


La véritable perfection, c'est d'avoir les bons défauts.


L'égoïsme est le moyen le plus simple de donner un sens à sa vie.



Bon, ça suffit. Pour le reste de 2012, je reviendrai à ma vacuité habituelle. En attendant la suite, si vous préférez l'action à la réflexion, je vous suggère cet article selon lequel la pratique d'une activité sexuelle diminue les comportements d'agressivité. Comme quoi les hippies avaient peut-être raison.

Hippies. Source photo : wikipedia.


Petite note en terminant. Vous avez peut-être remarqué dans ce blog une récente multiplication des références salaces et l'inclusion un peu gratuite de contenu à caractère sexuel. Il s'agit d'une expérience auto-destructrice ayant pour but d'éliminer mes dernières illusions sur l'âme humaine et sa grandeur. J'ai remarqué que mes statistiques explosent lorsque je parle des fesses. D'ailleurs, ce billet scato est mon plus grand succès à vie, et récolte depuis 2 ans la majorité des visites quotidiennes sur ce blog. Mais sachez que je ne cherche en rien à entamer la haute estime que vous pourriez avoir de vos divertissements intellectuels... Bande d'obsédés !

mercredi 4 janvier 2012

On nous ment?

J'ai une amie qui m'envoie ce lien vers un texte de Libé. On y rapporte qu'un mec à poil se promène dans l'arrière-plan d'une photo du catalogue de La Redoute, un grand distributeur français. Buzz immédiat. La nouvelle est aussi sur l'Express et le NouvelObs, qui ajoute en plus un billet. Y'a aussi France 24 et Rtl. Sur Twitter commencent à apparaître ces versions photoshopées dans lesquelles l'inconnu nudiste est remplacé par un autre personnage. Et aussi l'inverse : le nudiste photoshopé sur des photos célèbres, un peu comme on avait fait pour ce petit écureuil en 2009.

Capture d'écran du site de la Redoute, selon l'Express.


Moi, j'ai comme un doute... Traitez-moi de parano, mais je trouve que ça sent le marketing.

Les grandes sociétés dépensent beaucoup de fric pour apparaître un peu aléatoirement sur les sites que vous visitez. La pub montrée 5000 ou 10000 fois génèrera un ou deux clics. Mais grâce à ce buzz gratuit, le site de la Redoute risque d'avoir beaucoup plus de visites qu'à l'habitude. Les marketeurs comprennent maintenant l'incroyable potentiel publicitaire d'un buzz internet. Dams le cas de notre nudiste, on parle d'une visibilité énorme au prix d'un très léger risque pour l'image corporative. Qui ne sourira pas devant cet "incident" rigolo, à part deux ou trois mégères bigotes ?

Ça sent le marketing, parce que la photo est restée ligne un bon moment. Alors même que La Redoute faisait ses communications d'excuse, la photo restait accessible. L'info disant que "la photo restait accessible" était répétée partout. Même si ça me prend 15 seconde pour modifier une photo sur mon blogue, même alors que les versions humoristiques photoshopés du buzz étaient propagées, la Redoute n'avait pas encore réussi à changer la photo sur son site. Lenteur suspecte...

Sur la photo, le nudiste est clairement visible. On ne parle pas de 8 pixels à l'horizon. Il est assez gros pour qu'on remarque son petit machin qui pend. En plus, le mec revient vers le rivage. Donc il est passé une première fois dans la champ du shooting, en se rendant à l'eau. Mais personne ne l'a vu, semble-t-il.

J'ai déjà été témoin d'un shooting de sac à main, en extérieur. En plus du photographe, il y avait deux stylistes et un quatrième mec qui gérait l'éclairage. Quatre personnes pour un sac à main. Ici, on parle d'un shooting avec quatre gamins, dont les parents ou nounous devaient être sur les lieux. Sur une plage, loin du studio, pour toute une collection de fringues. Il devait y avoir au moins 8 personnes sur place lors de ce shooting. Mais aucun pour remarquer un nudiste émergeant d'une baie vide et lisse. Lors des retouches, essentielles en publicité, personne n'a vu le nudiste. Lors de la mise en ligne, personne... Dans tout le processus de publication, dans un pays plutôt obsédé par l'image, personne n'a rien vu ?

Possible. Mais d'un autre côté, ça ne serait pas le premier "fake buzz" orchestré par une boîte de comm. Et ça marche tellement bien que je m'attends à éventuellement voir ce genre de truc lors d'une prochaine campagne pour la présidentielle.

mardi 3 janvier 2012

Japanoodle

Un dernier billet sur mes aventures japonaises. Si vous aimez les nouilles, particulièrement les ramens, vous devez absolument visiter le Shiyokohama Ramen Museum, ainsi que le Cup Noodles Museum. Ces deux institutions gastronomiques sont situées à Yokohama, en banlieue de Tokyo. Yokohama est une jolie bourgade de 3,6 millions d'habitants, mais les transports sont bien organisés et permettent de rallier rapidement les deux musées.

Le Shiyokohama Ramen Museum recrée un décor du Japon d'après guerre, dans lequel sont regroupés plusieurs petits restos. Ils offrent toute la variété des ramens de l'archipel nippon, dans de beaux bols fumants et délicieux. Ramens au porc, au bouillon miso ou soja, aux oeufs, algues, croquettes, fruits de mer, légumes, tout y est. C'est pas cher, c'est rigolo, et ça garnit l'estomac pour le reste de l'après-midi.

Mais le vrai délire, c'est au Cup Noodles Museum que vous le trouverez. Prétextant être dédié à la "créativité", ce musée s'avère surtout une vitrine publicitaire amusante pour les célèbres nouilles instantannées de Nissin Food Products, et pour son créateur, le sympathique Momofuku Ando. Je ne crois pas que l'endroit changera votre vie, mais il vous fera passer 90 minutes agréables et colorées. À commencer par cette pièce qui joue sur les perspectives pour vous transformer de nain à géant en trois pas.







Le musée décline toutes les variétés de ramen imaginables, sous l'oeil ravis des fans (généralement des adolescents, et occasionnellement quelque occidental un peu taré).







Le ramen instantanné y est observé de 1000 manières, entre autres par des artistes contemporains.



Les plus grands pourront préparer leur propre gobelet personnalisé. Et les plus petits pourront même participer à un atelier de confection de nouilles.



En gros, un visite plutôt sympa. Et en passant, si le traditionnel bol de Cup Noodles vous semble familier, c'est qu'il a trôné en version géante à Times Square, de 1996 à 2006. Sans le savoir, vous l'avez vu dans un tas de films à saveur new-yorkaise.