L'urbanité que j'ai vue au Japon avait deux couleurs. Il y avait d'abord ce fantastique étalement de tours à la Blade Runner, qui va jusqu'à l'horizon. C'est le point de vue macro, le règne du gris bleuté, du béton et de l'acier.
La différence va jusque dans la morphologie de la ville. Le modèle urbain habituel propose généralement un centre dominant, comme un palais sur une colline, avec sa robe de quartiers périphériques. Mais à Tokyo ou Osaka, il n'y a plus de centre. On dirait plutôt un gigantesque troupeau d'immeubles. Comme si 1000 clans s'étaient réunis en un seul lieu, pour la saison des amours, un pèlerinage, ou une croisade. On distingue, ici et là à travers la nuée, les divers chefs de clan et leur cour. Mais avalés par la masse, ils peinent à imposer leur prestige.
Au soir, on a l'impression que quelqu'un a tartiné un arbre de Noël sur tout le champ visuel. Je sais, c'est un peu psychédélique comme comparaison, mais la vision est telle qu'elle sort des référentiels habituels.
La deuxième couleur urbaine, c'est au niveau de la rue. Le point de vue micro, celui de la fourmi humaine. On y est plongé dans un déferlement de couleurs. La foule, les néons publicitaires, les trains aériens qui défilent, le bruit, les odeurs de cuisson. C'est une expérience ultra sensorielle. Comme un cirque anarchique, qui loin de parler d'abrutissement, crie plutôt une liberté vitale, saturée d'humour et de parole.
Si jamais vous signez pour un boulot à Tokyo, et qu'on vous as promis un bureau avec vue, assurez-vous que ce n'est pas une vue sur l'arrière d'un panneau publicitaire.
Mais au fond peu importe, car votre paysage risque de ressembler à un tableau cubiste dont les perspectives ont été déconstruites.
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