lundi 30 juin 2008

Le paradoxe de la file


Source photo : wikipedia.


Je suis devant un verre de Saumur qui me fixe de son rubis intense… J’aime le mot « rubis » parce qu’il ressemble à « pubis », et j’aime les pubis. Surtout les féminins, pour leur dépouillement et leurs lignes épurées. Je possède une sorte de pragmatisme immature.

Ce matin, j’ai vu une boutique qui s’appelle « Desqueues » ou « Desverges » et j’ai rigolé. On m’a dit que j’allais rencontrer un monsieur Bergerat et je l’ai tout de suite imaginé avec des dents et des moustaches. Demain je vois monsieur Pasbeau. Imaginez le délire dans ma tête quand on m’a dit son nom. Ça doit le faire chier quand il pleut. Et si à son travail, il y a un gros con qui pense les mêmes trucs que moi mais qui les dit tout-haut? Quel karma de merde.

C’est bien que je puisse m’occuper l’esprit avec peu, car les files d’attente françaises sont interminables. 20 minutes à la caisse au supermarché. 30 minutes dans une boutique de cellulaires. La file pour la carte orange traversait tout le hall de la station. La file pour les tickets de métro payés cash : 30 minutes.

Mais ça vaut la peine d’attendre. Quand c’est ton tour, c’est ton tour pour vrai. Le vendeur t’explique tout, dans le détail, il te demande si tu as des questions, il pense avec toi, il pense pour toi, il va te reconduire et il te donne deux becs.

Le vendeur français n’est pas intimidé par une longue file de gens qui soupirent en regardant en l’air. Il prend soin de son client actuel, peu importe le temps que ça prend, avec une courtoisie un peu froide, mais bon. Au Québec, le vendeur se crispe lorsqu’il voit deux personnes derrière toi. T’as maximum trois questions, et après il te pousse dans le cul.

L’attitude des vendeurs français vient peut-être de deux traits qui semblent se dégager des habitants de l’Hexagone, soit une croyance que tout autrui est un con, et un besoin irrépressible de faire la preuve de son savoir par un cours magistral. En te donnant beaucoup d’explications pendant longtemps, un vendeur finit par bien te renseigner.

Pour ce qui est des caissières d’épicerie, elles sont simplement un peu plus lentes qu’au Québec. Peut-être que leur syndicat leur impose un maximum de 3 articles par minute.

Le paradoxe, c’est que tout ce temps à faire la file est perdu pour tout le monde. Le commerçant a le client à son entière disposition pendant 30 minutes et il ne fait absolument rien pour en profiter. Rien du tout. Pas de pub. Pas de gadget de dernière minute à acheter. Après 30 minutes, les gens seraient contents d’acheter un journal, un hot-dog ou un gros Coke, juste pour passer le temps. Ils achèteraient des yo-yo pour les enfants. Des massages sur chaise. Les commerçants devraient donner des numéros aux gens et les inviter à passer au bar en attendant leur tour. Si un commerçant me dit: « Cher client, le temps d’attente est de 30 minutes. Désirez-vous passer à notre lounge pour écouter des reprises de Seinfeld en buvant une bière? », je dis oui sur le champ. Une vraie mine d’or.

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(Note ajoutée le 3 juillet -- M. Pasbeau est vraiment sympathique. C'est un grand bonhomme qui a tout du bon-vivant. Dans l'intimité, je le soupçonne d'être un rieur qui aime les blagues des copains et les grandes tablées qui finissent tard. Il a le regard cordial et le sourire rassurant. Les enfants doivent l'aimer.)


dimanche 29 juin 2008

Ailes impossibles


Source photo : wikipedia.


En guise d'accueil, la République m'a offert un superbe concert de chant choral à la Madeleine. Haydn et compagnie. La magnifique réverbération des voix dans la voûte baladait mon esprit dans cet état suave propre au manque de sommeil.

Sur l'autel de cette église, derrière le combo crucifix + six cierges, on trouve une énorme Vierge Marie béate qui nous présente son ventre immaculément engrossé dans une posture rappelant un concours de limbo. La Vierge de La Madeleine est debout dans une sorte de corbeille à pain géante. La corbeille est portée par trois anges.

Quand s'y arrête un peu, notre représentation des anges est un peu absurde. Prenons pour acquis que les anges existent (je tiendrai ce débat une autre fois). Donc, voilà une bête à laquelle on a planté dans le dos deux énormes ailes, à angle droit, sans aucune armature.

Pour mouvoir ses deux maigres ailes atrophiées, un poulet utilise une poitrine dont la musculature fait au moins 2 centimètre d'épaisseur. Dans un petit poulet BBQ, la poitrine vaut pour au moins la moitié du poids en viande. Et c'est la même chose pour tous les volatiles du règne animal. Les anges eux, ô miracle, ont la poitrine "flat" comme une crêpe bretonne. Aucune viande blanche. Il y a plus de pectoraux dans le premier sauna du village que dans toute la chrétienté.

Et en plus, les anges n'ont aucun support lombaire (ou abdominal) pour deux membres pesant au moins 80 livres. Allez demander à une femme enceinte si c'est réaliste, porter un tel poids sans maux de dos.

Troisième point: la soutane. Les anges portent toujours une soutane qu'il est physiquement impossible d'enfiler si on a deux ailes. Et en plus, faudrait passer les ailes dans les bons trous, comme si c'était pas déjà assez d'avoir des manches. J'imagine l'ange qui s'habille le matin: "woyon... woyon... ostie ksé tannant... ha tabarnak j'ai les deux ailes dans le même trou... pis pourquoi qu'ils mettent un élastique? Maudit ksa m'irrite le tsou-d'aile!"

Pour finir, les ailes sont trop grandes. Elles traînent par terre. Si l'ange marchait, il serait obligé de se pencher par en avant. Bonjour le lumbago. Mais l'ange vole, il ne marche pas. Alors pourquoi lui avoir donné des jambes? Le Vatican aurait-il un préjugé latent envers les culs-de-jattes? Une hypothèse à vérifier.


Pour ne pas parler des choses difficiles


Source photo : wikipedia.


Je marchais sur Ste-Catherine avec Karine avant mon départ. En fait, je me frayais un chemin. Pourquoi les gens ne s'arrêtent jamais dans un coin? Les gens préfèrent s'arrêter au beau milieu. Peu importe où, tant que c'est un beau milieu. Préférablement un beau milieu où il y a beaucoup de circulation.

À proximité des beaux milieux, il y a toujours des coins paisibles où personne ne circule. Où il ferait bon griller une cigarette, écrire un texto, ou décider bien tranquillement quelle direction on prendra. Mais les gens semblent préférer l'effervescence des beaux milieux. Ils aiment s'agglutiner, s'embouteiller, être dans le chemin.

Il y a aussi les moments d'indécision en haut de l'escalier roulant. Quel endroit génial pour soudainement se rappeler qu'on va quelque part, qu'il y a une direction à prendre, et que ça mérite réflexion. Et c'est toujours sympathique de sentir dans son dos le bouchon qui se crée, et la petite panique.

Avec l'arrivée de nouvelles sources de distractions piétonnière, IPod et cellulaires, c'est encore mieux. Les gens s'inventent de nouveaux beaux milieux. Pour nuire à la circulation, plus besoin d'un pas de porte, ou d'un trottoir devant l'entrée. On s'arrête brusquement là où l'on est, peu importe la direction du courant.

C'est le début de l'ère du beau milieu virtuel.

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Je jet-lague en attendant ma chambre à l'hôtel. Tout le monde a un accent français. C'est dimanche à Paris. Tout est fermé. Je me demande où vont les parisiens le dimanche. En tout cas, pas au beau milieu.


jeudi 26 juin 2008

Un aigle (ou un faucon)



Source photo : wikipedia.


Aujourd'hui j'ai vu un aigle dans le ciel au dessus de chez moi. C'était la première fois que j'en voyais un dans le ciel de Montréal, mais au fond, ça doit être assez commun comme vision. Il planait au dessus de volées de pigeons, cherchant un repas.

Un aigle ou un faucon.

Il était beau, empreint de calme et de noblesse. Il a volé un peu à gauche, mais il s'est ravisé. Dans un grand arc ascendant, il est disparu vers la droite.

J'étais soulagé.

Je suis superstitieux, je dois me l'avouer. Je n'ouvre pas de parapluie à l'intérieur et je touche souvent du bois. N'importe quoi fait l'affaire. Un plancher en bois franc verni, un cadre de porte. Je ne monterais jamais à bord d'une fusée à moins d'avoir sur moi deux ou trois cure-dents.

Je touche du bois pour que les avions volent, pour que les chirurgiens soient attentifs, pour que mes amis obtiennent ce qu'ils souhaitent. Pour que les choses arrivent à l'heure prévue, pour que les chèques passent après le dépôt, pour que l'orage tombe avant le matin. Je touche du bois après un premier rendez-vous.

Je touche les poutres qui portent la voute du ciel.

Si j'arrêtais, tout s'effondrerait. Et je recevrais l'aigle en pleine face.


mercredi 25 juin 2008

Bienvenue dans mon nombril


Source photo : wikipedia.


Je pars bientôt.

Mes amis, vous m'avez demandé d'écrire un blog.

Je hais le blogs. Un exercice de nombrilisme profond: "Ce matin pendant ma toilette, je me suis arraché un poil dans la narine droite. Quelle douleur les amis! J'ai failli perdre conscience."

C'est vrai que ça fait mal, un poil de narine. Mais ce n'est pas nécessairement intéressant.

Je ne sais même pas comment ça marche un blog. Qui lit ça au juste? Pourquoi? Ce sont des questions fondamentales pour quiconque souhaite s'acquitter d'un telle mission.

Mais j'ai pas trop envie de chercher des réponses aujourd'hui. Je vais vous écrire ce qui me passe par la tête et vous vous en contenterez, ok? Et quand je verrai que j'ai eu 3 visiteurs en 7 ans, j'arrêterai. Deal?

Et cette offre est sans garantie aucune.

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Aujourd'hui c'est long. Je numérise mes CD, et j'en ai fait environ le tiers en 5 heures. ITunes me télécharge des titres de chansons brésiliennes pour un disque de RadioHead. Pour ce sale con de Bob Dylan, c'est "piste 1, piste 2, piste 3, etc." Bob est un asocial qui refuse toute requête d'information sur ses titres, aussi poliment formulée soit-elle.

"Au large les barges se gondolent dans le roulis... Ici on cuit..."

Il me reste une dizaine de petits trucs à faire avant de partir. J'ai le temps. Je relaxe. Pendant le chargement des chansons, je fais des sudokus. Je m'ouvre une bière. Il fait beau dehors... Palpitant mon blog, hein?

De temps en temps j'ai 3 secondes d'angoisse. Je pense à vous. Vous allez me beaucoup me manquer.