lundi 26 décembre 2011

Japon fantasme




Un truc qui m'a fasciné au Japon, c'est le désir de vivre le fantasme. Dans la nourriture, les boutiques, les produits de consommation, on retrouve souvent un souhait de perfection, d'idéal.

La même chose existe en Occident, mais avec une différence. À l'ouest, j'ai l'impression qu'on souhaite transformer, maîtriser, inventer, domestiquer. L'intervention humaine est évidente. D'ailleurs, on la célèbre. On préfèrera cette grande maison (et son logo) pour ses traditions et son savoir-faire. On aimera le plat longuement cuisiné, la technique secrète qui métamorphose l'aliment. L'Ouest aime le complexe, l'horlogerie, l'ordonné, les mathématiques savantes du Jardin de Versailles.

Au Japon, j'ai senti que le fantasme tend plutôt vers une sorte de pûreté ultime, une simplification. Au lieu de casser et de reconstruire, on choisira de polir, de poncer. Si le brin dépasse mais qu'il est beau, on adoucira son entourage, pour le mettre en valeur. Pour que le brin continue à dépasser, mais parfaitement. On reproduira l'accident naturel, mais en favorisant une sorte d'inégalité harmonieuse.

C'est dans les parcs que j'ai le plus ressenti cette aspiration. Une sorte de nature parfaite, où l'homme semble s'effacer. Quelque chose qui s'éloigne de la domestication, pour aller vers la cohabitation.













Au premier regard, le subterfuge fonctionne. On a l'impression d'un accidentel magnifique. Mais après un moment, je me suis rappelé que la nature est chaotique et pas du tout gentille. Que le forêts de ma Côte-Nord natale sont tout sauf accueillantes et bucoliques.

C'est alors que j'ai commencé à remarquer la manucure obsessive. La pierre artificiellement posée dans l'étang. Le tapis de mousse probablement greffé. La courbe savamment orchestrée. La cicatrice sur le tronc, la branche qui perturbait l'équilibre et qu'on aura coupée.







C'est pourquoi je parle de fantasme, aussi irréel et étrange que les haies carrées du Jardin du Luxembourg.



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