dimanche 26 septembre 2010

Bon app'

Ces jours-ci, je fais un horrible et ignoble régime. Vous devriez me voir, avec mon édulcorant Hermestas et mes yaourts sans gras. Faux bien compenser mes deux dernières années de gloutonnerie. Mais bon, ça va bien. J'ai perdu cinq kilos dans le dernier mois. Je souhaite en perdre 5 autres, question de me donner un peu de marge pour d'autres excès. Parce que je suis gourmand. Je voyage et je bouffe. En fait, je voyage presque pour la bouffe.

Cette semaine, je triais des photos et j'ai réalisé que j'ai mis bien peu de mes splendides repas sur pellicule. Probablement trop excité par les odeurs et les couleurs, j'oublie d'immortaliser. Et d'ensuite partager avec vous, via l'image.

En novembre, j'ai prévu quatre jours à Florence. Je promets de vous rapporter toutes les couleurs. En attendant, voici quand même une petite sélection, pour vous donner faim.

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Je suis un grand fan de street-food : ces en-cas roboratifs, peu chers, et vite consommés. Parce qu'en cinq minutes, c'est un morceau de l'histoire socio-agricole d'une région. Les produits sont généralement très locaux, typés. Ici, la soca, une magnifique galette à la farine de pois chiches. À la fois croustillante et mouillée, avec une texture un peu pudding. C'est à Nice qu'on la sert, avec beaucoup de poivre et un petit verre de blanc. Thereza, sur la place du marché dans le Vieux Nice, est une vraie mamma soca.



Passage obligé à Rome : les glaces. Un échantillon d'une à deux portions par jour, pendant cinq jours, me permet d'affirmer que chez les Romains, on tombe la plupart du temps sur du sublime.



Lors d'une virée en Bourgogne, on s'arrête sur le bord de la route pour une poignée de raisins. À l'approche de l'automne, ils sont gorgés de sucre. Et dans les soirées, on peut snobber un peu déclarant : « Je ne mange que du Pinot noir. »



Un autre gueuleton sympa, c'est la trdelnik, une brioche sucrée qu'on sert à Prague. Elle est cuite sur de drôles de tubes, au dessus d'un feu de bois, ce qui nous donne un beau cylindre doré et croustillant.



Encore à Prague, la nécessaire goulash. J'adore les viandes braisées. Mais la découverte culturelle, ce sont ces dumplings qu'on voit derrière. Une sorte de boule de mie de pain cuite à la vapeur. Bien qu'un peu fade, cette masse est une redoutable éponge à sauce. Elle témoigne d'un certain fonctionnalisme soviet : on ne laisse rien dans l'assiette.



La France est un paradis d'ostréiculture. On trouve des huîtres partout. On les mange sur leur lit de sel, à la belle table...



...ou plus simplement, bien assis sur un bloc de béton, au sommet du tas de coquilles de Cancale.



Restons en France, qui m'a offert avec l'Espagne quelques unes de mes plus belles bouffes marines. MissK vous a fait un bien beau compte-rendu de nos joyeux festins bulots-moules-frites dans le Cotentin. Sur le sable, à La Cale, en digestif y'a le coucher de soleil.



Et à Barfleur, où les moules hébergent des pinnothères, de minuscules petits crabes (sur la moule, à gauche). On les garde si on souhaite un peu de croustillance à travers le crémeux de la chair.



Les repas marins abaissent le niveau cholestérol (sauf quand c'est des moules à la crème). Revenu à Paris, on peut compenser avec des charcuteries corses bonnes à se damner. Vade retro, cardiologue !



Évidemment, j'entends les végétariens râler. Alors direction Rome, pour le plus simplissime des plats de pâte : le spaghetti sauce tomate. Mais quel spag ! Une pâte al dente parfaite, une sauce toute conne, mais au bouquet incroyable, riche, pas trop acide ni trop sucrée. Et bien sûr le basilic parfumé. Dans ma bouche, un niveau de plénitude jamais atteint. Et à six euros l'assiette, on peut dire que c'est démocratique comme orgasme gustatif.



Maintenant que les végétariens sont rassasiés, je m'occupe des dames. En rafale, des tartes aux fruits normandes...



...des macarons nantais...



...et des oeufs choco-pralinés, croquants et fondants. C'est toujours à Nantes, chez Larnicol.



On finit léger avec les pommes du jardin de mon ami Gilles, à Quiberville, près de Dieppe. Les bois de chez lui sont chargés de mûres sucrées et de prunes sauvages, délicates et suaves.



Et n'oublions pas le café. À Rome, près du Panthéon, y'a le Caffe Tazza d'Oro. L'endroit se vente de faire le meilleur café au monde. Je suis obligé d'acquiescer. La quintessence du ristretto, avec sa petite mousse compacte et luxueuse, un arôme puissant et complexe, et surtout aucun arrière-goût acide. Il s'avale en trois secondes, mais se savoure pendant toute une vie.



Et puis un dernier aveu : ma perversion n'a pas de limites. J'adore aussi essayer la bouffe du working-man. Loin du Michelin, la majorités des restos du monde comblent les appétits à bas prix. Par avions pleins, on débarque en Espagne affamé de tapas, de pintxos, de paëlla, et d'imitations de Ferran Adria. Mais après tout ça, combien ont osé le vrai pub-grub local ? Ici un superbe plato combinado, avec frites, oeufs au plat, lomo (longe de porc), et des pimientos, de petits piments frits basques. Après la moutarde au jus de truffe, c'est bon un peu de ketchup. Et c'est beaucoup plus espagnol qu'on pourrait le croire.




dimanche 19 septembre 2010

Éparpillé

Le problème de mon cerveau, c'est qu'il s'égare. Je pense à trop de machins en même temps. Je me pose des questions, mais je ne cherche pas souvent les réponses. Voici quelques uns de ces égarements, survenus pendant la prise de mon café dominical.


Au pays des aveugles

Ici, les Français disent que mon anglais est parfait, sans accent. Mais moi je sais que je fais des erreurs. J'échappe le « ann » de Manhattan au lieu du « enn » de Steven. Je place la tonique sur la mauvaise syllabe. Je perds l'habitude de dire le 'r' correctement : je le fais rouler comme dans les langues latines, alors que la version anglaise n'est qu'une subtile constriction guturale. Je n'arrive plus à dire « horror » comme il faut. Mais les Français ne détectent pas ces subtilités.

Je pensais à cela, et je me disais que c'est peut-être la même chose pour l'appréciation du vin. Prenons pour hypothèse que j'ai toujours bu du bon vin, mais sans jamais verser dans le grand luxe. On me donne un grand cru. Ah, c'est magnifique ! C'est parfait ! Ensuite on me donne un très grand cru. Il coûte deux fois plus cher. Mais là, je suis comme un con. Je ne comprends pas trop. C'est vrai que c'est bon, mais pourquoi deux fois plus cher ? Je n'ai pas l'habitude de ces subtilités uniques qui font sa rareté, ou sa qualité. Je ne les détecte pas.

C'est non seulement une question de degré d'expertise, mais aussi de qui évalue cette expertise. Ainsi, on me déclare à Paris expert de l'anglais.


Source photo : wikipedia.


On se connaît ?

Y'a quelques années, on basculait de « the medium is the message » vers « the brand is the message ». Avec la démocratisation d'internet et l'apparition des réseaux sociaux, nous sommes maintenant dans une période « d'auto-branding ».

Les gens font des blogs, se construisent une identité publique sur Facebook ou LinkedIn. Cette identité fabriquée est évaluée, et prise au sérieux, par un nombre croissant d'employeurs. L'habit fait le moine. Je publicise, donc je suis. La personne est une marque. Pire, celui qui n'a pas sa page personnelle est jugé rétrograde, voire suspect. À tout le moins, on a un peu l'impression qu'il n'existe pas.

Puisque tout le monde souhaite être original, mais que tout le monde est sur Facebook, j'en déduis que le summum de la branchitude, dans les prochaines années, sera l'anonymat le plus complet. Le problème, toutefois, est que la branchitude n'existe que par la comparaison (agrémentée d'un peu de mépris, pour faire classe). Or, pour comparer, il faut communiquer. Un noeud gordien qu'on tranchera par l'utilisation d'agents. La prochaine branchitude ne sera pas de s'auto-publiciser, mais plutôt de publiciser son anonymat complet à travers une tierce personne.

Vous aurez atteint l'utime branchitude lorsqu'on dira de vous au café : « Je n'ai aucune nouvelle de Bob. Je ne sais même plus s'il a déjà existé. Trop cool ! » Mais pour profiter pleinement de votre plaisir narcissique, vous devrez vous munir d'espions qui vous rapporteront les propos sur votre absence.


Mon poétique cerveau

Paraît qu'on ne reconnaît pas chaque lettre d'un mot, mais plutôt sa forme globale. Ainsi, vuos n'avez aucn prolbème à comprndre cette phrase. Mais ce qui est génial, c'est que le cerveau fait parfois de petites erreurs absolument poétiques. Comme récemment, où pendant un paragraphe complet, j'ai lu « ordures » au lieu de « dorures ». J'ai adoré. Ça faisait plein de sens. Et c'était rigolo d'imaginer des gens appliquer des ordures sur les plâtres de Versailles.


Mon 110 %

Y'a cette bonne vieille métaphore du « 110 % ». Je donne mon 110 %, je donne un peu plus, je m'investis. Mais récemment dans une pub, j'entendais un vendeur d'auto dire qu'il donnait « son 110 %, son 120 %, et même son 150 % » pour satisfaire sa clientèle. J'avais envie de lui demander pourquoi il ne donnait pas son 183,77 %, tant qu'à faire. Et comment mesure-t-on la différence entre quelqu'un qui est motivé à 110 %, et un autre qui l'est à 130 % ?

Pourrions-nous faire une pause dans l'inflation, un moment ? Personne ne donne son 110 % parce que c'est impossible. Même si tu travailles 60 heures par semaines, tu donnes juste ton 36 %. Parce que tu perds pas mal de temps à dormir, à te nettoyer l'aisselle, et à réchauffer ton Fleury Michon (Swanson, au Canada). Je comprends le sens de la métaphore, mais à partir de 111 %, elle est constituée à 150 % de connerie.


Mon dialisation

Arrive un point où la mondialisation déconne complètement. Récemment, j'achète un t-shirt blanc, le genre sous-vêtement. Un « marcel », comme ils disent ici. Évidemment, il est pas cher, de qualité médiocre, une sorte de papier-cul vestimentaire. Il a été fabriqué en Inde. Désolé, je n'achète pas mes t-shirts chez Lacrosse. C'est le même truc indien, étoffe vaguement plus épaisse, avec un petit reptile sur le téton gauche. Mais dix fois plus cher. Y'a déjà l'Indien qu'on exploite, faudrait quand même pas que j'y passe aussi...

Donc, Communauté européenne oblige, le t-shirt est fait pour être vendu un peu partout, sans altération, sous diverses appellations. Suffit de le brander aux couleurs de la boutique ou de la marque. On peut faire ça avec avec un autocollant. Ou un sachet funky. En épinglant un gros ruban fashion du genre « Lionel's super raw coton original wear 150% extreme normality ». Ou en le glissant dans une boîte family-pack de 25 t-shirts.

Bien sûr, en prévision de sa grande distribution, on a cousu au collet de mon t-shirt une liasse d'étiquettes réglementaires dans 97 langues et dialectes. « 100 % cotton / coton / algodon / cottone / baumwolle / katoen / algodao / bawelna / pamut / bumbac / bavlna / bomull / pamuk / etc., etc. » Y'a même des kanjis, deux versions cyrilliques, et ce que je crois être du persan.

Comme je n'aime pas trimballer le tome 17 de l'encyclopédie Grolier sur ma nuque, j'entreprends de retirer les étiquettes. Évidemment, je détruis complètement le collet. Trois euros à la poubelle.

Morale de cette histoire : mieux vaut acheter son t-shirt Made in India chez Lacrosse, où des ouvriers hautement spécialisés (d'où le prix de vente) brodent un petit reptile sur le téton, et peuvent ainsi légalement remplacer la liasse par une jolie étiquette Made in France en nylon imitation satin.


P.S. - pourquoi on ne fait pas des étiquettes qui fondent au premier lavage ? En amidon de maïs, ou un truc du genre ?

samedi 18 septembre 2010

Le véritable authentique

Il y a quelques semaines, je bouffais un club sandwich au Café Bonal. La spécialité des cafés français, maintenant, c'est les burgers, les clubs, et les mojitos. À côté de moi, un groupe de jeunes Français mangeaient des hambourgeois. L'un d'eux secouait la bouteille de ketchup Heinz dans l'espoir d'arroser ses frites d'un peu de la célèbre sauce tomate. Il gesticulait, mais rien ne sortait. La classique bouteille Heinz en verre : une vraie tête de mule. Ça fait partie de son charme, disons.

Au bout d'un moment, bien évidemment, le Français se met à râler : « Putain d'Américains ! Font que des machins qui fonctionnent pas ! Non mais t'as vu ce truc de merde ? »

J'ai eu envie de lui répondre : « Tu sais, vous êtes le dernier peuple sur la planète qui n'utilise pas encore la bouteille squeezable. Faut se décider dans la vie : ou bien c'est le fonctionnalisme, ou bien c'est l'esthétisme. Visiblement, vous avez choisi l'esthétisme. »

Mais au fond, je n'avais pas réellement envie de lui répondre ça. Parce que ça aurait été trop français de me mêler des affaires des autres. Et parce que ça aurait été tout aussi con : une généralisation à la « ils sont fous ces Romains ». J'en fais trop souvent dans ce blogue.

Ici on me demande souvent pourquoi les Américains imaginent toujours les Français avec un béret, un pull rayé, et une baguette sous l'aisselle. Je leur dis que je ne sais pas. Mais je leur rappelle qu'à Paris, on me parle des bûcherons canadiens au moins une fois par semaine.

Je me demande de quoi aurait l'air le monde sans les clichés culturels. Parce qu'au fond, on les adore ces clichés. Quand on rêve d'exotisme, c'est eux qu'on voit. Quand je vais en Allemagne, je veux un biergarten et une saucisse moutarde, préférablement servis par une blonde en jupette bavaroise. Quand le Français débarque au Québec, il veut voir des traîneaux à chiens, des cabanes en rondins, et des Indiens (même si c'est le village Huron de l'Ancienne-Lorette, avec ses Indiens roux à moustaches). Et quand un Américain débarque à Paris, il court au Café de Flore à Saint-Germain des Prés. Les gondoles à Venise, les sushis à Tokyo, la corrida à Séville.

Est-ce condamnable ? Je ne sais pas trop. Sur certains rivages très volcaniques de Hawaii, j'ai été un peu déçu par l'absence de palmiers. Ma photo aurait été plus jolie. Un resto chinois sans lanterne de papier, on dirait que ça manque un peu d'authencité, vous trouvez pas ?

Non mais sérieusement, c'est quoi cette fameuse authenticité ? C'est quoi cet exotisme dont nous sommes avides ?


Source photo : wikipedia.


Là, vous allez me dire que l'authentique, c'est ce qui n'est pas formaté. Alors prenons le cas de la paëlla en Espagne. Elle est où la vraie paëlla ? La majorité des paëllas d'Espagne sont surgelées et servies à des touristes. On pourrait dire que c'est elle, la vraie paëlla. La plus connue. La plus répandue.

Mais bon, tu prends ton Lonely Planet et tu te trouves un resto qui te fait une vraie paëlla. Mais qu'est-ce qu'elle a de plus vrai ? T'es seulement dans un resto qui fabrique de l'authencité pour des touristes moins pressés. Mais une paëlla, c'est le truc que tu fais lentement dans le jardin en buvant quelques bières avec les copains. Comme un BBQ. C'est pas une recette, c'est une cérémonie.

Donc tu te trouves des copains espagnols qui ont un jardin, et tu finis par les convaincre de t'inviter pour une paëlla. Mais cette paëlla, ils te l'ont faite parce que tu l'as demandée. Si t'avais été du coin, vous auriez probablement mangé des burgers ou une pizza. Donc, c'est où l'authencité ? Ça commence quand ? C'est où les vrais sushis au Japon ? Y'a-t-il une vraie gondole à Venise ?

Disons qu'on enlève tous les clichés, partout. Qu'est-ce qui reste sinon une sorte d'uniformité mondiale ? La vie ordinaire. Des gens qui dorment, qui travaillent, qui mangent, qui baisent, et qui font caca. Des gens qui vont chez McDo, the Gap, Virgin Megastore. Et des riches qui vont chez Chanel, Vuitton, Versace. C'est comme ça à Madrid, Singapour, New York ou Buenos Aires.

Oui, si on reste un moment, on découvre des trucs locaux. Ce sont généralement des choses qui ne se monnayent pas. Une manière de parler (ou de râler). Les subtilités d'un rythme de vie. Une vision de l'avenir. Des orientations philosophiques, morales, politiques. Des habitudes. Des breuvages, mais surtout la manière de les boire.

Mais tout ça prend un temps que la majorité d'entre nous n'avons pas. Nous passons pour une semaine, question de faire les photos nécessaires. Pas le temps d'attendre une paëlla spontanée. Alors y'a une industrie qui nous facilite la vie. Qui nous formate les trucs locaux en clichés accessibles, bien rodés, collés à nos fantasmes. Et ça nous plaît. C'est pratique. Ça s'achète.

Peut-être que même chez soi, on est un peu touriste. Suffit de penser au Temps des sucres, au Québec. (Pour les amis français, c'est la période où les érables coulent et où on fait le sirop.) Les entreprises montréalaises organisent des sorties de groupe dans les méga-cabanes-à-sucre de l'Estrie. Trois cents personnes dans une grosse cantine qui se tapent un menu fixe en écoutant un CD de rigodon. Et les cerisiers en fleur, au Japon ; j'avais lu quelque part que les grands hôtels aménagent des jardins privés avec des arbres importés d'Hokkaido, pour des soirées corporatives. Et le vin nouveau, à Paris. Les dindes pré-farcies vendues pour le thanksgiving américain...

Finalement, peut-être que l'authenticité n'est qu'une vue de l'esprit. Que tout est cliché. Donc que rien ne l'est.

J'en étais à ces réflexions lorsque le Français de la table à côté est parti. Il s'est tiré avec la bouteille de ketchup. Paraît que c'est une tradition ici ;-)


P.S. - D'après vous, qui trône au sommet du palmarès des sites et monuments les plus visités de France selon l'OMT (Organisation mondiale du Tourisme, sous-organisme de l'ONU) ? C'est Disneyland Paris. Pour chasser le petit malaise, plusieurs communications trafiquent le palmarès en éliminant tout ce qui n'est pas considéré comme « monument culturel ». Cette fois, Notre-Dame arrive en tête...