mardi 19 août 2008

D’où nous venons



Peu importe ce qu’on dira, les Québécois ne sont plus très Français. Nous sommes profondément anglo-saxons. Nos quelque 250 années sous la Couronne nous ont beaucoup façonnés.

Notre culture alimentaire, par exemple, n’a rien à voir avec la France. Je ne parle pas de recettes. Je parle de la manière dont nous mangeons. Quand je dis à mes collègues français qu’il nous arrive de dîner devant l’ordi au travail, ils me répondent : « Les Britanniques font ça ».

En France, un des plats du pauvre est le petit salé aux lentilles. Délicieux. Beaucoup de plats simples sont à base de féculents. Chez nous, les fèves n’ont pas vraiment la cote chez les pauvres. On penche plutôt vers la patate dans toutes ses déclinaisons, probablement un legs des immigrants irlandais. Et nos déjeuners… Œufs-bacon et bines: britannique. Gruau : certainement un descendant du porridge. Il paraît que les Corn Flakes originaux proviennent d’une crème de blé qu’on aurait laissée trop longtemps sur le feu. Les Français ne prennent pas leur petit déjeuner dans un bol.

Source photo : wikipedia.


Au travail, la différence est frappante. La gestion est différente. Les priorités ne sont pas les mêmes. Les relations entre collègues sont d’un tout autre ordre. La hiérarchie s’impose avec une autre approche. Agir en Québécois dans une job française, c’est un ticket vers les problèmes et l’isolement. Le seul conseil que je donnerais à un Canadien, c’est « shut up and listen ». Quand je compare Belle Province et Hexagone en matière de travail, mes collègues me disent encore une fois : « Ça ressemble à l’Angleterre. »

Et pourtant… Je suis passé en Normandie ce week-end et j’ai senti des choses qui me rappellent une fibre profonde, une sorte de sous-couche. La ville de Paris telle qu’on la connaît est une invention moderne où le Québécois est un étranger. Mais à Honfleur, il y a quelque chose qui est remonté, comme une impression floue sortie de l’enfance.

C’est difficile à expliquer. Quelque chose dans l’architecture. La forme des maisons, le choix des couleurs, l’utilisation du bois comme matériaux principal. Quelque chose dans l’air, comme un mince trait d’union entre le Vieux-Québec et la France. Je me sentais un petit peu plus chez moi qu’à Paname (Paris en slang).

Gilles, un collègue au travail, vient de Normandie. Le midi, il nous arrive de tirer des parallèles entre l’ancien patois du nord-ouest de la France et notre bon vieux joual. Le « moi » qui se dit « moé » chez nous et « moè » en Normandie. L’habitude de terminer les « eur » en « eux », comme « patenteux » et « bargaineux ».

Malgré tout ce que diront Louise Beaudoin et Jacques Parizeau, je crois qu’il est approprié de s’en tenir à l’expression « racines françaises ». Le Québec est aujourd’hui le fruit de nombreuses boutures. Et depuis 1759, la France a poussé dans une autre direction. (Pour votre culture personnelle, voyez ici comment on use une métaphore jusqu’à la corde.)

En tout cas, les Québécois sont bien reçus ici. On entretient le cousinage. Le fait d’avoir joué dans la même équipe à un moment de l’histoire, ça présente quelques avantages.


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant comme observation. On veut tellement se dissocier des Américains qu'on se raccroche à nos racines françaises en oubliant qu'on a beau utiliser les mêmes mots (ou presque), on ne parle plus vraiment la même langue...

opaline a dit…

hello ! j'ai le plaisir de te lire depuis quelques semaines et j'aime beaucoup ce que tu fais.
Si tu en as l'occasion, je te conseillerai de lire "merde actually" de stephen clarke, un anglais qui se retrouve à paris et parle tout comme toi des différences de culture qu'il peut rencontrer. Il y a des moments très droles. Je ne sais pas s'il a été traduit en français mais à paris les librairies anglophones ne doivent pas manquer!
Tu me fais un peu penser à lui.
Je sais qu'il a sorti un autre bouquin accès sur la politique et l'administratif en france mais je ne l'ai pas encore lu.

Quand à tes comparaisons sur les français, elles me font beaucoup rire. Et je m'aperçois encore plus qu'ici dans le sud de la france, on est vraiment TRES différent des parisiens. Ils vivent un peu dans un monde à part. Tu devrais venir te ballader ici. La vie est beaucoup plus cool, peut etre parceque bon nombre de villes vivent souvent à l'heure espagnole.

Une derniere chose : je petit déjeune dans un bol ! et mes amis aussi...

bisous

Mon nom est Paul a dit…

Merci Opaline (et à tous les autres)

Je sais que Paris est un monde en soi, un espèce de vilain tourbillon dans lequel on perd parfois ses sens. Les gens sont stressés. Par réflexe de protection, ils cessent de réfléchir et de communiquer. Un inconnu, c'est un problème potentiel.

J'ai passé en Normandie récemment. Et il y a deux ans, j'ai fait du tourisme dans les magnifiques régions de Lyon et du Verdon. Je sais que Paris est un monde à part, et pas nécessairement le plus beau.

Il ne faut pas trop s'inquièter de mes généralisations et jugements à l'emporte-pièce. Ma vision des choses va se raffiner avec le temps. Je vais certainement changer un peu. Je suis avant tout une sorte de Candide. C'est le cas pour tous les expatriés.

Qu'est-ce que tu manges dans un bol? Si tu trempes de la baguette dans du café chaud, ça ne compte pas, car ce que tu manges n'est pas vraiment dans le bol.

C'est d'ailleurs un de mes futurs sujets: votre atrophie culturelle en matière de céréales froides. Dans les marchés américains, les céréales froides occupent un espace de premier plan.

Merci et salut!

opaline a dit…

Bon d'accord il est vrai que souvent je trempe dans mon bol de chocolat une chocolatine ou des tartines...
Mais la majorité du temps, j'y mets des choco pops avec du lait !
Cela fait-il de moi une americaine ? :-)
J'ai eu la chance de voyager un peu au canada, et mis a part la beauté des villes (et la grandeur de tout !) j'ai surtout été touchée par l'accueil des quebequois à montreal, et à la bonne humeur des gens. Je crois que vous etes des gens naturellement droles...Après ce ne sont que des apprioris!