mardi 9 juin 2009
Praha III : le complexe du pénis
Qu’on se le tienne pour dit, la grande majorité des hommes a le complexe du pénis. À moins d’être propriétaire d’un membre pathologiquement surdimensionné, un mec est rarement satisfait de ses mensurations. Même rassuré par la moyenne mondiale (environ 5.5 pouces ou 14 cm selon cette source http://en.wikipedia.org/wiki/Penis_size), même s’il découvre qu’il est un peu en haut de cette moyenne, et même en sachant que l’humain est le plus membré des primates (plus que le gorille!), monsieur aimerait bien en avoir un peu plus.
Ce sentiment d’insécurité est probablement similaire à celui que ressentent les femmes à propos de leur poitrine. Sentiment qui pousse certaines d’entre elles à se doter chirurgicalement d’absurdes et artificielles pastèques en silicone. Mais comme le pénis est une mécanique complexe à laquelle on demande de performer à tout moment et sur commande, la prise de risque, dont celle du bistouri, est rarement envisagée. Ces messieurs se contentent généralement de ce qu’ils ont. Un peu comme on se contente d’une voiture compacte… C’est pourquoi, si on veut être sympa, vaut mieux éviter les commentaires ou les allusions. Même quand le problème n’existe pas, la zone sensible est là.
Je suis dans un centre commercial de Prague, et soudain me prend l’envie de faire un peu de place. Mis à part son goût supérieur, la bière tchèque est semblable aux autres bières du monde. Alors je m’excuse et je vais à la salle des messieurs. Rien de plus normal, me direz-vous? Sauf que le lieu où doit se dérouler la banale opération ressemble à ceci :
C’est pas sympathique de mettre ce genre de photos au dessus des urinoirs. Une dame qui rigole, une autre avec son ruban à mesurer et un air déconfit, une autre qui ignore la tienne et regarde celle du mec à côté, etc. Pas sympa du tout.
Ce qui m’amène à autre sujet. Un ami français qui a vécu au Québec pendant quelques années m’a déjà dit : « Vous les mecs québécois, vous savez ce que vous devriez demander à Noël?
-Non, quoi?
-Des couilles! »
C’est vrai qu’au Québec, le mec a le dos large. En pub, s’il doit y avoir un con dans le couple, c’est généralement l’homme. Je me souviens d’une pub McDo qui ventait je ne sais plus quel trio deluxe santé aux grains bio (probablement « Best-of Light» en France). La pub voulait montrer que McDo faisait aussi de la bouffe pour adulte. Y’avait le mec et sa copine. La copine bouffait un burger à la sciure de bois alors que le mec cherchait un truc dans le sac, tout excité. Le mec cherche et cherche, et y’a sa copine qui tout à coup lui dit sur un ton maternant : « Mon amour, y’a pas de petit jouet avec ce trio là ». À la télé québécoise, le mâle est souvent dépeint comme un gamin, un attardé, ou un rustre. Et si on osait inverser les sexes dans certaines scènes, je vous jure que des gens seraient forcés de démissionnés devant le tollé.
Dans les années 80, y’a eu un mouvement qu’on a appelé « les hommes roses ». Conciliant de nature, le mec québécois voulait accompagner sa copine, la nouvelle femme libérée, dans son émancipation vers le statut de « wonderwoman ». Le Québécois a enterré son attitude macho, il est devenu gentil et compréhensif. Il est devenu la meilleure amie de sa copine. Il a mis ses couilles au placard. C’était le temps des chemises Polo et des chandails Lacoste proprets.
Évidemment, cette attitude, tout aussi contre-nature que certains des excès du féminisme, a fini par avoir ses effets. Départi de son rôle traditionnel, monsieur s’est mis à se chercher une nouvelle identité. De l’homme rose à l’übersexuel épilé, en passant par le métrosexuel parfumé, le mâle québécois a erré maladroitement, et erre encore, ne sachant trop à quel « sein » se vouer.
De leur côté, ces dames, ennuyée par l’homme rose qui bande trop gentiment (et avec raison), se sont mises à réclamer un nouveau « vrai » mâle. Un beau Che Guevara mal rasé, mais pas trop mal rasé. Un gladiateur luisant, mais de sueur qui sent bon. Un aventurier, mais casanier et qui paie ses comptes temps. Une rock star fidèle. Un dominant sensible. Un cow-boy qui aime les enfants. Un truc impossible à livrer, finalement. Et monsieur, à qui revient le rôle ingrat de séduire et de performer, s’est retrouvé dans une situation encore plus impossible, dans laquelle sa nouvelle incompétence saute aux yeux. C’est pas pour rien que le Québécois a l’air du con dans le couple : il est perdu. Plus de repères.
De son côté, la Québécoise de l’ère post-féministe a son propre projet de vie tout bien dessiné : université, carrière, middle-management, deux bébés vers 34 ans, super entraînement pour effacer les varices, MBA, retour au travail, vice-présidence, et bed and breakfast en Estrie pour relaxer vers la fin. Dans ce plan, le mec est facultatif. La Québécoise moderne saura très bien s’arranger sans homme si l’horaire est trop chargé. Un père biologique, connu ou non, c’est facile à trouver. La Québécoise montre à la face du monde qu’elle est capable toute seule, comme une grande. Si elle accepte de prendre un mec, c’est pour avoir une « présence masculine » à la maison. C’est pour les enfants. Avec un mec gentil et un chien, c’est parfait : les photos de familles sont vraiment réussies.
De son côté, le Québécois ne sait pas trop. Il essaie d’avoir l’air cool, sans trop de succès. En cachette, il fouille les revues de sa copine à la recherche de réponses. Il a un peu peur de s’engager, surtout avec une femme qui a le pouvoir de lui dire : « Mon coco, je n’ai plus besoin de toi, les enfants sont à l’université maintenant ». Il glande avec ses copains et boit des bières devant la télé, où on lui montre son portrait en abruti… Couille molle… Pauv’ type.
Les féministes ont gagné la bataille.
La société n’a plus besoin des hommes.
Je suis devant un urinoir pragois, avec mon complexe du pénis, mes couilles atrophiées (ça c’est une métaphore), et la photo d’une femme qui rigole en me regardant pisser. C’est un coup bas…
Mais si la guerre n’était pas finie… Si les hommes ripostaient? Si nous en finissions de ce qui nous reste de galanterie? Si les mecs arrêtaient d’être sympa avec les femmes, sauf quand c’est le temps de les conduire au lit? Les femmes revendiquent l’égalité, non? Alors pourquoi ne pas leur donner : œil pour œil, et dent pour dent.
« Équité salariale automatique pour compétences égales? Fuck you madame! Apprends à négocier ton salaire. Je connais un tas de mecs qui ont des salaires inégaux pour le même boulot. Au plus fort la poche, comme on dit.
Les années paires, c’est toi qui paie le resto à la Saint-Valentin. Et si tu n’as pas envie de baiser après, je vais aux danseuses avec mes amis.
Tu veux un diamant? Économise.
Tu veux massage? Ça tombe bien, moi aussi, mais pas dans le cou.
Tu veux que je te respecte? Réussis à tenir un mois sans pleurer.
La première fois que tu es entrée chez moi, le couvercle de la toilette, il était levé : alors laisse les choses comme tu les as trouvées.
Tu dis que mes vêtements sont moches? C’est vrai, mais moi au moins, il me reste assez d’argent pour me payer la moto de mes rêves.
Et en passant, oui t’as grossi. »
Le vrai salop. Le vrai Che Guevara. Pas le rebelle sexy de la photo de Korda, mais celui qui est resté aux côtés de Fidel, lorsqu’il faisait exécuter ses anciens frères d’arme dans les premiers mois du régime castriste. La vraie guerre sans pitié, comme dans les vrais sports d’hommes. C’est ça l’égalité.
Sur le mur des toilettes, y’a cette femme qui fait mine d’ignorer ce qu’on lui montre, avec un petit air las. Elle est magnifique. Une superbe brunette comme je les aime, avec un look un peu « fille d’à côté », pas trop coiffée, pas trop artificielle. Et elle a vraiment un beau regard :
En temps normal, je serais super sympa avec une femme comme ça. Mais là, c’est la guerre. Je lui parle : « Désolé chérie, mais c’est une question de survie. Je dois sauver ma race. T’es vraiment jolie, et je suis triste d’avoir à faire ça, mais je n’ai pas le choix. Toi et tes copines vous rigolez des mecs qui viennent ici se soulager. Tu rigoles de mon pénis, même s’il est dans la moyenne, et même un peu au dessus, je tiens à le souligner à ta copine avec son ruban à mesurer. Tu te permets de m’attaquer publiquement dans ma vulnérabilité.
Mais tu t’es regardée, toi? Ils sont où tes seins? Parce que je ne les vois pas, moi. J’ai beau me forcer, cligner des yeux, mais je ne vois vraiment rien. Sérieusement, y’a rien du tout. C’est plat comme la Saskatchewan! C’est pas ‘Alerte à Malibu’, mais plutôt ‘Alerte, on a volé mes boules’! Tu pourrais même pas allaiter un moustique! Tu dois savoir ça toi : dans l’alphabet, c’est quoi la lettre avant A? Et s’ils t’ont coupée à la taille, s’ils t’ont caché le cul, il doit bien y avoir une raison. »
À la guerre comme à la guerre…
À moins qu’on arrête un peu de la faire, la guerre des sexes?
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3 commentaires:
Je ne voulais pas laisser de commentaire..mais c'est plus fort que moi..j'ai mordu...:)
Le problème..et je le reconnais , avec les femmes québécoises..c'est je crois le matriarcat.
Nous sommes une société matriarcale qui s'ignore.
Notre histoire nous montre que les hommes étaient très absents des foyers..et la femme a pris toute la place dans l'éducation..et par la suite a pris SA place dans la société..cette place étant occupée par les hommes...ils ne s'en sont pas encore remis..je compatis.
Mais je crois sincèrement Paul..que la femme française est très différente..tu devrais en faire un billet..pas sur sa façon d'aborder l'homme mais de vivre avec.
On grimpe quand même en Corse ?! :)
Pfff! Tu sauras que mon «moustique» a été fort bien nourri pendant près de deux ans avec mon 34A!
(P.S.: J'adore le concept des photos!)
@Marie-Julie: Héhé... C'est rigolo parce que je me doutais que tu réagirais sur ce point! Quand j'ai lu le billet, j'ai pensé l'extrait où MamaCool veut s'acheter un maillot de bain à Paris (lu à Christiane Charette). :-)))
Pour les toilettes des filles, le concept est plus «ordinaire». Ce sont des filles qui font la file. Tout simplement... En fait, honnêtement, j'ai pas trop compris quand j'ai vu les photos la première fois. Puis quand Paul m'a décrit le concept dans les toilettes des hommes, j'y suis allée par déduction... J'aurais pourtant plein d'idées de concepts à proposer à l'artiste qui a fait les photos (Zuzana Panská) :-))
Vous pouvez voir les concepts en page 5 de ce document
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