samedi 20 juin 2009
Histoire-fiction
Récemment, je lisais un bouquin d’histoire-fiction, ce genre à la mode où on réinvente l’histoire de l’humanité sous forme romanesque. Honnêtement, j’ai été déçu. Ils nous prennent vraiment pour des cons.
Ça se passe au milieu du 20e siècle. L’Allemagne, de toutes les nations possibles, vit sous la dictature d’un petit caporal laid comme un pou et sorti de nulle part. Dès le premier chapitre, et en quelques pages, le royaume germanique met l’Europe à genoux en envahissant pays après pays comme s’il s’agissait d’aller faire les courses. L’armée allemande prend la France en quelques semaines. La Russie est prise à partie. Seule l’Angleterre résiste tant bien que mal, isolée sur son île. Du grand n’importe quoi.
Question de nous la faire bien manichéenne, l’auteur nous dépeint un petit dictateur détestable, hystérique, mégalomane et narcissique. Et pour rendre son régime vraiment ignoble, le scribe lui attribue un plan sordide d’extermination des Juifs. Je lis ça et j’ai l’impression de revoir Star Wars en noir et blanc, avec Darth Vader et tout le tralala.
Après un premier chapitre où les événements se bousculent pêle-mêle, l’histoire enchaîne une suite de longueurs navrantes et répétitives. On tente de maintenir un petit suspense, avec une Amérique qui hésite à joindre le conflit pour équilibrer les forces; ira, ira pas…
Mais c’est la fin du livre qui nous laisse incrédule. L’Allemagne, présentée comme invincible tout au long du bouquin, s’écroule soudainement en quelques mois sous l’action conjuguée des Américains (finalement entrés dans le conflit), des Anglais, des Russes et d’autres nations. Les Russes et les Américains dans la même équipe? Non mais voyons… On dirait un scénario inspiré d’un comic book Marvel, dans lequel les super-héros meurtris s’unissent pour vaincre l’énorme monstre mécanique du Docteur Dark. Rocky qui soudainement se relève au douzième round.
Et là, chose étrange dans la structure narrative, au lieu de terminer le livre avec la chute de l’Allemagne, le centre du bouquin, l’auteur enchaîne sur un conflit secondaire entre les États-Unis et le Japon. Et il finit le tout à la sauvette, munissant tout-à-coup les Américains d’une « nouvelle arme » ultra-puissante. Deus ex machina. Incroyable.
À la fin, c’est le beau discours de l’Amérique triomphante et magnanime qui prend l’Europe sous son aile. Un Amérique tellement sympa qu’elle aide même ses ennemis d’hier, l’Allemagne et le Japon, à se relever. La seule ombre à ce beau Happy-Ending est une Russie un peu bourrue qui s’isole de manière suspecte, dans les derniers paragraphes. Comme si on voulait ouvrir la porte à un deuxième tome.
Sérieusement, j’ai trouvé ça gros. Les épisodes d’extermination des Juifs étaient superflus et dégueulasses. Les personnages étaient caricaturaux et trop nombreux. Pour tenter de donner de l’épaisseur à la mince ligne directrice, l’auteur a élaboré un paquet d’histoires secondaires sans lendemain, des conflits de personnalité entre les protagonistes du camp des « Alliés » (quel non bon enfant, soit dit en passant). Et ça déborde d’exagérations, de coups de chance. On enfile les centaines de milliers de morts à un rythme intenable. Pas réaliste du tout, quand on sait qu’avec des moyens modernes, la guerre en Irak a tout juste fait entre 100 000 et 150 000 morts (selon diverses sources). Autant croire au Père Noël… À trop donner dans la caricature, on perd toute trace de réalisme. Je suis désolé, mais l’humanité n’est pas comme ça.
(P.S. – Je fais du mauvais sarcasme. En réalité, je viens de finir le libre d’Antony Beevor « D-Day et la bataille de Normandie ». Perturbant. Parfois effrayant. Bien sûr, certaines icônes y sont dépouillées de leur vernis, ce qui est très à la mode dans le monde de « l’historical narrative ». Le déboulonnage est toujours vendeur. Mais surtout, cette impression que notre monde est une grande improvisation maladroite. Et que l’histoire est écrite, au prix de centaines de vies, par les mauvais calculs d’apprentis sorciers et les faux-mouvements de mécaniques gigantesques. Un rappel que demain, tout est possible. Même le pire dans sa version la plus absurde. Comme un Chaplin en noir et noir.)
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