lundi 8 juin 2009
Praha II : the miracle!
En 1628, le petit Jésus débarque à Prague sous la forme d’une statuette de bois et de cire, haute d’environ 50 centimètres. La figurine connaît un certain succès et attire les dévots pendant quelques mois. Mais à cette époque, des conflits entre catholiques et hérétiques d’appartenances diverses déchirent la nation. Prague est prise et les religieux doivent fuir. Les églises sont saccagées, et la statuette est endommagée, ses mains coupées. Elle passe ainsi quelques années sur un tas de débris, derrière un autel.
Puis en 1637, miracle! De retour à Prague, le très dévot Père Cyrille retrouve le petit Jésus dans les décombres. La statue va même jusqu’à lui parler. Elle lui propose un deal : « Aie pitié de moi et j’aurai pitié de toi. Rends-moi mes mains et je te rendrai la paix. Plus tu m’honoreras, plus je te favoriserai ». La statue est réparée, et peu de temps après, les troupes hérétiques sont chassées. Puis, les miracles se multiplient. On porte le petit Jésus au chevet de comtesses mourantes et elles guérissent. La peste épargne la ville. La réputation du Jésus se propage rapidement dans toute l’Europe, et les pèlerins affluent.
Aujourd’hui, ils viennent de partout dans le monde pour admirer la chose. Croyants et touristes passent en horde dans l’église Sainte-Marie de la Victoire, dans Mala Strana. Beaucoup de latinos qui se signent, beaucoup de retraités avec leurs kodaks, plein de monde de l’ouverture à la fermeture. Jésus est vêtu de riches parures qu’on change à l’occasion, un peu comme le Manneken pis. Sous sa cloche à gâteau lourdement ornée, entourée de marbres et de dorures, la statuette regarde la procession :
Et les touristes processionnent :
Moi, je suis sur mon banc d’église depuis 20 minutes et je regarde la figurine. Dehors il pleut et j’attends que ça cesse pour sortir. Le petit Jésus ne me parle pas. Il est impassible. Il a l’air de s’en crisser un peu.
Je suis là et je regarde l’autel sur lequel la statuette est posée. Un œuvre énorme, détaillée, couverte d’or, de bas-reliefs, et de sculptures. Des pierres précieuses. Du bois noble. J’ai comme un sentiment de révolte. Je réfléchis : « Combien vaut cet autel? Un million? Deux millions? C’est quand même gros en ostie. Et si on avait placé l’argent, pour aider les pauvres, au lieu de bâtir ce gros cossin inutile. À 5% de rendement par année, ça ferait quand même 100 000$ en intérêts. C’est beaucoup de paniers-repas ça, non? Au lieu d’abuser de la crédulité des gens. Non mais franchement… » Ce genre de réflexions de gauchiste du dimanche.
Puis, tout à coup, c’est l’illumination. Je comprends. Le petit Jésus est toujours impassible, mais j’entends sa voix résonner dans ma tête : « Paul! Paul! Pauvre pécheur. Ne vois-tu pas tous ces fidèles qui passent ici, dans cette église? Combien sont-ils à venir éclairer cette nef du flash de leurs appareils jetables? Cinq cents par jour? Mille par jour? Peut-être même plus? Paul, don’t you see where I’m going?
- Excuse-moi Tit-Jésus, que je réponds, mais je ne suis pas certain de bien comprendre.
- Paul, my child, disons un minimum de 500 visiteurs par jour. Au minimum, chacun d’eux prendra un repas à Prague. Soyons cheap et disons qu’ils mangent tous chez McDo. Environ 5 euros chacun. Ça fait 2500 euros par jour qui restent à Prague. Ça mon fils, c’est environ 1 million d’euros chaque année dans l’économie locale. Et ça c’est le strict minimum, la donnée la plus pessimiste. La réalité, c’est qu’un touriste dépense en moyenne 100 euros par jour à Prague. That’s a whole lotta jobs for the people! That’s money in their pocket and food on their table. Do you see the MIRACLE, my son!
- Praise the Lord, ô sweet baby Jesus!
- Oui Paul, tu vois enfin la Lumière!
- Yes Jesus! I see the light!
- Oh yes my son! Mon autel à 2 millions, ça fait au moins 300 ans qu’il est rentabilisé. Les coûts d’entretien sont minimes. Pas besoin de pub-télé, pas de staff, pas de logistique, même pas besoin de D.J. Un peu de dorures, un peu de marbre, quelques anges, and that’s it! The money is flowing. Peace on your soul, Paul.»
Je suis subjugué. Je suis flabbergasté. J’ai eu mon épiphanie. J’ai compris l’histoire. J’ai compris cette humanité faite à l’image de son Dieu. En 1637, Prague est en ruines après de longes guerres. La business est mauvaise. Les auberges sont vides. Qu’est-ce qu’on fait? Un festival de la bière? Trop compliqué… Un Goulash-Fest? Trop bizarre… Un parc Euro-Disney? Trop avant-gardiste… On n’a pas les moyens de ce genre d’organisation. Il faut trouver quelque chose de plus simple.
Une figurine de bois et de cire, des rumeurs de miracles, et voilà! Tadadam! THANK YOU JESUS!
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