La France publie de très beaux magasines, avec beaucoup de chair sur l’os. Je lisais récemment le numéro 41 des Collections de l’Histoire, consacré à l’Europe. Un texte intitulé « L’irrésistible croissance » a retenu mon attention. On y parle de la révolution industrielle. L’Angleterre y joue le premier rôle, avec l’invention de la machine à vapeur, l’essor des usines aux dépens des ateliers, l’inauguration de la première voie ferrée, et surtout l’élaboration de « la doctrine libérale, qui exalte la liberté d’entreprise, le libre-échange et la non-intervention de l’État en matière d’emploi et de conditions de travail. »
Voici quelques extraits choisis de ce long texte. Je vous expliquerai pourquoi après.
« Jusqu’en 1914, l’Angleterre apparaît comme le pays le plus libéral du monde, au point de rejeter le retour au protectionnisme qui se répand à la fin du XIXe siècle. »
« Il est en revanche plus simple de comprendre le relatif déclin de l’Angleterre vers la fin du XIXe siècle : elle exporte ses capitaux dans le monde entier mais investit de moins en moins sur son territoire. Son obstination à rester libre-échangiste favorise l’arrivée des produits étrangers, notamment allemands, au grand dam des entrepreneurs nationaux. Dans le même temps la législation sociale alourdit les coûts et réduit la compétitivité. Le pays reste fidèle à un capitalisme familial au moment où, à la fin XIXe siècle, la concentration des entreprises s’accélère. Il perd enfin sa supériorité technique, dépassée par les innovations allemandes et américaines. À partir de 1880, l’Angleterre souffre de surexpansion impériale : l’énergie britannique se focalise sur l’extension de l’empire, la mondialisation de la finance, la domination du sterling… Le dynamisme et la puissance économique sont désormais incarnés par l’Allemagne. »
« La croissance allemande, bien que tardive puisqu’elle s’amorce vers 1860, est spectaculaire. En 1914, l’Allemagne est devenue la première puissance économique européenne et domine les industries de la seconde révolution industrielle, à savoir le matériel électrique, les industries chimiques où elle dispose d’une technologie de pointe, auxquelles s’ajoute une puissante industrie sidérurgique et métallurgique allant de l’acier au matériel militaire en passant par les machines-outils, le matériel ferroviaire, les moteurs… Outre sa richesse exceptionnelle en charbon ou en potasse, l’Allemagne s’appuie sur de puissantes entreprises, les konzerns, sur les ententes entre ces grands groupes, les cartels, et sur des banques qui investissent massivement dans les industries naissantes. Elle a su se doter très vite de laboratoires de recherche et associer étroitement l’industrie et l’Université. Sa force se reflète notamment dans la montée en puissance de ses exportations. »
« Aux États-Unis, la croissance est certes aidée par l’esprit d’entreprise des Américains et le potentiel d’un territoire immense. Mais elle doit beaucoup à l’Europe, qui, outre l’apport de 40 millions d’immigrants, inonde le pays de ses capitaux, fournit l’essentiel des importations et absorbe les trois quarts des ventes. Économie de grands espaces, les États-Unis sont devenus au début du XXe siècle les premiers producteurs agricoles et industriels du monde mais ils n’ont pas encore atteint leur autonomie par rapport à l’Ancien Monde. Le dollar fait pâle figure par rapport au sterling, la conjoncture mondiale est toujours dépendante de l’Europe et les États-Unis ne sont encore qu’une réplique à grande échelle du modèle européen. »
En résumé, au début du XXe siècle, on a l’Angleterre, la première puissance mondiale, qui commence à en arracher. Elle n’est plus compétitive face à des concurrents qu’elle a elle-même arrosés de ses capitaux. Chez les concurrents, on assiste à deux phénomènes. En Allemagne, on note une sorte de cohésion des secteurs industriel, financier et universitaire. Aux États-Unis, des ressources à bas prix et une monnaie faible favorisent l’exportation et l’arrivée de capitaux étrangers.
Source photo : wikipedia.
Vous m’avez certainement vu venir. Imprimez ce texte en deux copies. Sur la seconde copie, remplacez « Angleterre » par « États-Unis », « Allemagne/États-Unis » par « Chine », « sterling » par « dollar », et « dollar » par « yuan ». Ensuite, ajoutez un siècle à toutes les dates. Enfin, amusez-vous à faires des corrélations.
Au sujet des États-Unis, un bout de phrase m’a laissé songeur : « les États-Unis ne sont encore qu’une réplique à grande échelle du modèle européen. » Donc, si on suit le modèle à la lettre, techniquement, il va arriver à l’Amérique ce qui est arrivé à l’Angleterre.
Bon, je n’apprends rien à personne ce matin. Et mon petit exercice est peut-être un peu simpliste. Mais il sous-tend quand même un message d’espoir. Malgré l’effondrement de l’empire britannique, on ne vit pas trop mal en Angleterre aujourd’hui. De plus, en Amérique, nous avons le soleil, comme le dirait si bien Plume.
P.S. : Les extraits de texte ont été reproduits sans la permission de leur auteur Régis Bénichi et de la revue Les collections de l’Histoire. Alors considérez ça comme une pub gratuite et courrez acheter votre copie. Achetez aussi un des quarante bouquins de Régis Bénichi. Ça vous changera de vos lectures habituelles à propos des tétons de Stéphanie de Monaco. Et de ce blog idiot, devrais-je ajouter.
1 commentaire:
Je n'ai jamais rien compris à la finance hormis dépenser avec ma carte bleue dans les limites de mon crédit disponible. Aussi je laisse les maîtres réfléchir sur tes corrélations!
Et je préfère mille fois le regard de braise de Messire Clooney aux tétons de Steph de Monac!
Bonne et belle soirée Maître Paul, et au plaisir.
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