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« Suite à l’agression d’un conducteur, le trafic sur la ligne A est nul. Pour la direction de Paris, veuillez emprunter la ligne 1. Pour vous rendre à Cergy-Roissy, veuillez vous rendre à Saint-Lazare. »
C’est ce que répète la petite voix suave à chaque minute. La petite voix existe vraiment. Des variantes dans le message, comme un changement de préposition, nous laissent deviner qu’on n’a pas affaire à du préenregistré. Quelque part, une personne est assise devant un micro.
« Suite à l’agression d’un conducteur…» est répété ad nauseam pendant que je fais la file pour ma carte orange. Et plus tard, quand je me dirige vers Pont de Neuilly. Le même message, avec une petite hésitation entre deux phrases, ou bien les mots « vous rendre à » remplacés par « vous diriger vers ». Toute la journée, non-stop, une parisienne gagne son pain.
La petite voix est suave, dans un endroit du spectre vocal entre les sections « cochonne » et « blasée ». Une version auditive de Juliette Binoche après une surconsommation de Prozac. À la longue, il y a même quelque chose qui rappelle les murs coussinés.
La voix est dans tous les lieux publics : centres commerciaux, grandes surfaces, métros, autobus, toilettes publiques, vols Air France. Tout endroit présentant un automatisme ou une borne électrifiée, toute interface vers l’humain est paré de la petite voix.
Dans le marché de la petite voix, il y a assez de travail pour des centaines de Françaises. Mais voilà, il y a une seule petite voix, un seul style, une seule tonalité. Est-ce qu’on nait avec? Plus probablement, il y a une école quelque part qui produit une trentaine de petites voix par année, et peut-être plus. Quelque chose comme l’École Nationale de Voix Sexy : l’ENVS. Juste en face de l’ENAP, attention en traversant.
Plus sinistre encore, peut-être avons-nous affaire à des clones. Il faut se rappeler que le premier à s’être engagé publiquement à cloner un humain s’appelle Claude Vorilhon, un Français mieux connu sous le nom de Raël. Je suis dans le bon pays pour ce genre de chose. Peut-être que dans un champ à 37 km de Lyon, dans un bâtiment gris anonyme encerclé de clôtures Frost, on clone ce gène qui dirige la France moyenne.
3 commentaires:
Il me semble que toutes les françaises dont le métier est d'annoncer suivent une formation à l'école "Fanny Ardant" (du nom de l'actrice), connue pour cette façon particulière de s'adresser au monde des vivants.
Cette technique très sophistiquée consiste à rajouter un "h aspiré" devant chaque syllabe et à allonger la fin de celles-ci avec une expiration très discrète, qui, pour le mélancolique ou critique d'art averti, est le signe d'un intense érotisme dénié par les conventions de notre société conservatrice.
Cela produit cet effet suave que tu mentionnes.
Certaines personnes, plus "cheap" ou moins bien formées, choisissent de fumer en même temps qu'elles parlent. C'est très français et cela produit un effet similaire à moindre effort. On peut se demander si c'est ainsi que Fanny à pu parfaire son art de l'aspiration.
Le truc, c'est qu'elles n'ont malheureusement pas toutes le look de Fanny... À preuve, cherchez "voix sexy" dans GoogleImages et voyez la 4e image...
Et PVI, comme sideline, ces charmantes jeunes femmes font aussi des voix de GPS: www.navx.com
ou www.toocharger.com
Je crois qu'au Québec, y'a une piasse à faire avec une école de voix "Yves Corbeil". Imaginez dans le métro, pour annoncer les "incidents". Ce serait tellement plus jovial et en ligne avec notre caractère bout-en-train.
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