dimanche 22 mai 2011

DSK : mon choc à moi

Je choisis habituellement le ton de l'humour. Mais le spectacle DSK auquel la France m'a convié au cours de la dernière semaine m'a coupé l'envie de rigoler. Dans la constellation des particularités qui nourrissent mon perpétuel choc culturel, l'une d'elles a rougeoyé plus fort que d'habitude : la France a sa caste d'intouchables. Et elle semble y tenir.

Le samedi 14 mai, les policiers new-yorkais étaient devant deux choses : une plainte pour agression sexuelle et un suspect qui tentait de quitter le pays. Ils ont fait leur boulot. En France aussi, une simple présomption d'agression autorise une garde à vue. Ma mauvaise foi me ferait dire que, compte-tenu de l'attitude française dans le dossier Polanski, les flics américains avaient raison de vouloir coffrer DSK avant le départ de l'avion. Mais au fond, ils n'ont pas à invoquer cette considération : la loi américaine justifie pleinement leur action.




Dès le lundi, le Lady Gaga philosophe qui sert d'intellectuel à la France s'est employé à dénoncer la procédure policière. Comme si DSK, vu son rang, devait être soumis à un processus parallèle, un peu plus V.I.P. Au mépris de la plaignante, évidemment. Il a aussi pointé le spectacle odieux de la presse, organe qu'il aime pourtant bien quand vient le temps de diffuser ses divagations.

Après trois ans ici, je suis habitué à la connerie du penseur au trigramme. Mais ce qui m'a choqué, cette fois, c'est que son délire bigot a trouvé écho dans la majorité. Toute la semaine se sont multipliées les tournures médiatiques visant à minimiser l'acte présumé de DSK. Un sondage a confirmé l'avis du complot. On a tenté de créer le doute sur la réputation de la victime. Une campagne s'est mise en place, via les sous-entendus et formules latérales, autant à la caméra que sur les forums : DSK, le grand citoyen, mérite qu'on taise le cri d'une femme potentiellement violentée.

La France majoritaire aurait pu faire acte de réserve, pour quelques jours. Elle a plutôt choisi de revendiquer immédiatement quelque chose qui va au delà de la présomption d'innocence. La France a présumé de "la culpabilité impossible" de DSK.




Je me fous bien de la vraie histoire. Complot politique, machination, chantage après une relation sexuelle financièrement intéressée, véritable agression ? C'est le boulot du tribubal de tirer ça au clair. Moi, ce qui me perturbe, c'est plutôt le sentiment favorable à l'exonération d'un puissant, au mépris d'un système judiciaire dont la mission est de protéger l'égalité entre citoyens.

Égalité, un bien beau mot... Je viens d'un continent naïf qui ose y croire. D'un pays où le déni d'égalité devant la justice est matière à indignation. Je sais très bien qu'une fois en cour, l'inégalité ressurgit dans les moyens financiers qu'on peut consacrer à sa propre défense. À ce chapitre, DSK n'est pas à plaindre. Mais, au moins, je me rassure à l'idée que les grands aussi peuvent se faire passer les menottes.

La France n'hésite pas à agir dès qu'il y a soupçon d'antisémitisme, et c'est très bien comme ça. On pense notamment à Galliano. Même une observation en principe esthétique sur le régime Nazi est passible d'opprobre, comme l'a appris Von Trier à Cannes. Pourquoi en ferait-on moins lorsqu'il est question d'une agression à caractère sexuel contre une femme ? Pourquoi cette envie de disculper DSK avant la procédure ? Gravé sur les arches des écoles françaises, le mot "égalité" est-il seulement décoratif ?

14 commentaires:

noèse cogite a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
noèse cogite a dit…

Stephane Guillon offre sa vision de DSK avant que tout cela lui arrive,,,en plein coeur!
http://www.youtube.com/watch?v=QekWZCN1Xc4

Je comprend ton point de vue Paul,,il est quebecois:)

Cynthia a dit…

Je trouve tout ce cirque médiatique pathétique et heureusement la majorité des français autour de moi en pense la même chose. En plus, selon mes sources, DSK n'en était pas à se première fois ...

Par contre je trouve que les crimes sexuels sont banalisés ici, comment peut-on accepter que le ministre de la culture ait fait usage de prostitués juvéniles?

FM a dit…

"La France n'hésite pas à agir", "la France a sa caste d'intouchables.Et elle semble y tenir."
=>
Une très faible proportion de la population Française exerce la profession de journaliste. Ce genre d'association ressemble à celles qui identifient tous les américains à Fox News par exemple.

La presse est puissante, elle "exonère" donc les puissants et les jette quand ils ne vendent plus ; c'est une situation merdique à prendre en compte.

Ce qui me choque c'est de traiter comme un criminel (ou une victime en puissance) un homme qui n'a pas encore été jugé que cela se passe ici ou ailleurs.

Mme Oreille a dit…

C'est très intéressant d'avoir un regard extérieur sur ça !
Déjà, avant les faits, je me demandais comment DSK pouvait être aussi haut dans les sondages. C'est vrai, je ne connais personne qui m'en dise du bien, personne qui ait envie de voter pour lui (un homme de gauche qui ne paye pas d’impôts !), à part des journalistes. C'est pas forcément représentatif, je ne connais pas non plus quelqu'un qui ait voté Sarkozy, et pourtant, un électeur sur deux l'aurait choisi...
Quoi qu'il en soit, je me dis que si ce qu'on voit à la télé me débecte, ça ne peut pas refléter le pensée des français. Enfin, j'espère. Quelques politiques espèrent encore que leur leader gardera du pouvoir (certains se voyaient sans doute déjà ministres)...
Mais ça soulève aussi le problème du viol, en France. Aux USA, on prend ce genre de crime beaucoup plus au sérieux. Ici, combien de fois je n'ai pas entendu "oh, elle l'avait bien cherché, avec sa robe courte". On excuse complètement ce genre d'acte car c'est juste l'expression de la virilité. Tiens, France 2 a fait une interview magnifique d'un psy qui expliquait que le pouvoir est aphrodisiaque, sous-entendu, un homme puissant attire les femmes, c'est pas possible qu'il viole.
Espérons juste que ça évoluera. Quelques mouvements d'indignation se sont tout de même élevés... Ça peut être un début.

Et pour aller dans le sens de Cynthia, oui, il avait quand même une réputation... Mais là encore, on préfère "séducteur" au lieu de "pervers" !

Anonyme a dit…

Franchement Paul, je preferai ton texte humoristique.
Cet épisode montre la connerie americaine a son paroxisme et ca m;ennuie que ta culture quebecoise t'empêche de constater cela,
Égalité ?
Laisse moi rire avec les frais d'avocats et les negociations dont 9/10 des proces n'arrivent pas a terme.

Ensuite on s'en fout tout les deux que DSK s'est fait sucer par une femme de menage. Par contre le prochain DG du FMI et le prochain president de la RF je ne m;en moque pas.

Finalement cette affaire a du bon, comme sur piste noire, on remarque ce qui manque de solidité dans leur raisonnement.

Paul
Montreal

Anonyme a dit…

Et puis cet procédure nous choquerait même pour un français anonyme. Mais quand on connait la personne que se soit un homme politique ou un acteur qu'on aime bien, ça choque. La justice US s'est initie dans la présidentielle française pour une connerie, une tentative de viol ! il est meme pas accuse de viol et il risque 74 ans de prison.

Polanski a bien fait de se sauver de ce pays d'abrutis.
Regarde le taux de prisonnier aux USA dans mon dernier article. il est plus élevé qu'en Russie et a Cuba.

Sebastien a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Sebastien a dit…

@espritlogique

Personnellement, je trouve que le billet de Paul ne fait que questionner l'"égalité" française... C'est tout à fait acceptable et c'est toujours plus élégant que ton commentaire sur ses origines québécoises.

Je te conseille fortement de lire son billet http://etreloin.blogspot.com/2011/03/le-francais-rale-parce-quil-raison.html J'y ai immédiatement pensé en lisant ton commentaire.

Mais sur une note un peu plus sérieuse, je trouve assez inquiétant que quelqu'un qualifie de "connerie" une tentative de viol. Et pendant qu'on y est, est-ce qu'on devrait cesser de condamner les tentatives de meurtre? Comme on dit à Montréal: "Rasé compte pas".

Je vois ça d'ici:

La plaignante: Mr. l'agent, y'a un mec qui est juste là dehors. Il m'a arraché mes fringues dans une ruelle et si ce n'était pas du coup de genou que je lui ai balancé dans le bas-ventre, il m'aurait violée.

Le flic: Je vous entends madame... Donc, il ne vous a pas violée!!! De quoi est-ce que vous vous plaignez? Que voulez-vous que je fasse??? Mais au fait... vous avez dit que vous l'aviez frappé non? Et en plus... vous êtes presque nue sur la place publique. Venez avec moi Madame on doit vous mettre en détention préventive.

Anonyme a dit…

@Sebastien,

Alors tu préconises jusqu'à 74 ans de prison pour une tentative de viol. LOL

Ils parleraient en mois au lieu d'annee, je garderai davantage mon serieux.

Au violeur qui ont réussi ou échoué, ces peines tres sévères vont les inciter a faire disparaitre le corps. Ils risqueront pas davantage et la victime ne pourra plus porter plainte une fois morte.

Anonyme a dit…

@Sebastien

Je l'ai deja lu son billet et tu peux penser ce que tu veux, je m'en moque royalement. LOL

Anonyme a dit…

http://www.youtube.com/watch?v=vtQ-n2lMfhY

Patrick Dewaere accuse de viol a tord decide de reparer l'injustice en violant pour de bon la victime.

FM a dit…

Vous connaissez un pays, un système, une société, un foyer égalitaire ??? Faut pas se prendre autant au sérieux, avec ou sans accent.

Et puis c'est quoi ces histoires de croire des généralités construites et ironiques sur les Français comme si on était des bêtes dans une nation zoo????

Oui, j'y suis presque, je veux mon point Godwin.

Mon nom est Paul a dit…

Merci à tous de me lire.

Et j'adore quand vous vous entretuez dans vos commentaires; c'est complètement jouissif pour mon égo.

Récemment, on m'a demandé de participer à un truc du NouvelObs : http://leplus.nouvelobs.com/etreloin

J'y ai publié ce même billet, mais avec une petite précision à l'attention des Français. La voici :

Le sujet est sensible. Certains pourraient avoir vu dans ce texte une condamnation de l'attitude française. Ce n'est pas le cas. Je vous ai simplement parlé de mon choc culturel. Il ne s'agit pas d'une dénonciation de ce que vous êtes. Il s'agit plutôt d'une perception de ce que vous projetez à travers le prisme de mon vécu canadien. Libre à vous d'adhérer, ou non, à mes valeurs. La France est à vous ; vous en faites ce que vous voulez.