mercredi 24 février 2010

La JCSB



Y’a pas longtemps, je vous ai parlé de Jésus et Beaulieu. Des événements récents m’ont amené à jeter un nouveau regard sur les évangiles. J’en suis venu à la conclusion qu’en 2000 ans, Rome a complètement dénaturé leur message. C’est pourquoi, pour corriger l’errance du Saint-Siège, et aussi pour m’enrichir un peu, j’ai décidé de fonder la JCBS : la Jesus Christ School of Business. Voici quelques extraits du curriculum.

Source photo : wikipedia.



Paraboles : l’enfant prodigue.

Résumé : un jeune homme demande à son père sa part d’héritage. Il dilapide tout en prenant un peu de bon temps. Il revient au bercail, où il est traité comme un prince. Son frère, fidèle et bosseur, fait une crise de jalousie. Son paternel essaie laconiquement de tempérer sa colère.

À tort, on a vu dans cette parabole la nécessité de se réjouir du retour de la brebis perdue. Mais le vrai message est le suivant. Au boulot, les augmentations et bonus sont donnés non pas aux meilleurs travailleurs, mais aux individus les plus culottés, et à ceux qui font le plus de bruit. Le meilleur moyen d’augmenter son salaire est de partir, et éventuellement, de revenir. Les employés fidèles recevront une augmentation couvrant à peine l’inflation. Un employé fidèle qui se plaindra de son traitement sera calmé par les phrases vaseuses des RH (ici symbolisées par le père).


Paraboles : les talents

Résumé : un maître confie respectivement cinq, deux, et un talent (unité monétaire de l’époque) à trois de ses serviteurs. Ils ont pour mission de faire prospérer cet argent pendant l’absence du maître. Les deux premiers serviteurs doublent l’investissement. Mais le troisième ne fait aucun profit avec son seul et unique talent. Il est châtié, et son argent est remis au premier serviteur.

On a fait bien de la métaphysique avec cette parabole, pour tenter de l’abstraire de sa bassesse mercantile. Pourtant, à elle seule et le plus clairement du monde, elle est un magnifique traité de finance. Lorsqu’il engueule son mauvais courtier, le maître dit en ces mots : « Tu devais donc placer mon argent chez les banquiers et, à ma venue, j'aurais retrouvé ce qui est mien, avec un intérêt. » Pourquoi vouloir brouiller ce qui est limpide ? La leçon est claire. Seuls ceux qui ont déjà une belle somme d’argent font des profits. Les petits épargnants sont trop stressés de perdre le peu qu’ils ont. Peu importe, leur petit pécule sera saisi et donné aux plus riches. La meilleure position est détenue par les banquiers, qui pour s’enrichir utilisent les avoirs de trois clientèles : les riches, les moyennement riches, et les pas riches du tout. Dans la vie, on est apprécié l’argent qu’on rapporte.


Paraboles : les dix vierges

Résumé : dix vierges attendent leur époux dans la nuit. Cinq d’entre elles, plus sages, ont pris soin de se munir d’huile pour leur lampe. Quand l’époux arrive, celles qui n’ont pas d’huile doivent aller s’en procurer. Lorsqu’elles reviennent, la porte de la noce est fermée et elles ne sont pas admises.

On dit que seules les personnes préparées auront accès au Royaume des Cieux. Il serait idiot de s’arrêter à ce message simpliste. Encore une fois, cette parabole est clairement mercantile. Alors qu’on annonce le retour de l’époux, les cinq sottes veulent emprunter de l’huile aux cinq sages. Mais celles-ci rétorquent : « allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. » Ce que les sages nous disent, c’est qu’il faut toujours optimiser notre approvisionnement, surtout en prévision d’un événement important. De plus, si cette bonne gestion devait nous placer en situation avantageuse, il faut en profiter non pas pour prêter à la concurrence (même à taux élevé), mais plutôt pour l’éliminer, en lui coupant l’accès aux ressources. Forcée de s’approvisionner ailleurs, elle ratera une opportunité de croissance essentielle, et pourrait devoir déposer son bilan. Ces principes gouvernent les grandes stratégies boursières, et même, à un certain degré, la géopolitique.


Marketing et force de vente : la nécessité du spectaculaire

Quand Jésus Christ lance sa petite boîte, il n’a aucun moyen. Pourtant, sa première décision est de se munir d’une équipe de vente, les 12 apôtres. Financièrement, il n’a rien à leur offrir. Peu importe, il leur offre beaucoup mieux que le traditionnel salaire + pourcentage sur les ventes. Il leur offre rien de moins que « le paradis à la fin de vos jour » ! Un bonus d’autant plus efficace qu’il ne laisse aucune trace dans les comptes, ce qui le place à l’abri du fisc.

Jésus Christ a vite compris l’importance du marketing. Au lieu d’opérer ses miracles discrètement dans une petite échoppe à deux rues du temple, il organise des événements-spectacles. Il fait flèche de tout bois, allant des méthodes les plus banales, comme la distribution de nourriture gratuite, aux plus extraordinaires, comme la guérison d’un aveugle. Et à chaque fois, il martèle son message.

Malgré sa courte carrière à la tête de l’entreprise, Jésus Christ élabore le plan directeur d’une campagne-marketing planétaire. Ses idées sont inédites : distribution de périodiques gratuits, ouverture de boutiques grandioses (églises et cathédrales), messages ciblés (les épîtres) à l’attention des clientèles en croissance, comme les Corinthiens, les Thessaloniciens, ou les Éphésiens. Juste avant de céder son poste, il donne à l’entreprise ce qui la rendra reconnaissable parmi toutes : un logo.


Au-delà du marketing : l’endoctrinement

Une des clés du succès de l’Église, c’est qu’elle va au-delà du marketing : elle fidélise sa clientèle. Dès le début, ce leader charismatique qu’était Jésus Christ s’assure que son produit soit considéré non pas comme une simple commodité, mais plutôt comme un mode de vie. C’est dans cette optique qu’a été pensée la communion. Plus qu’un banal produit dérivé, elle permet de réunir les clients de manière régulière, dans le cadre d’une cérémonie qui renforce l’appartenance à la marque et le sentiment de communauté. Et tout ça pour une bouchée de pain, dépense facilement compensée par les oboles recueillies lors de la célébration.

L’enthousiasme créé autour de la marque, s’il est suffisamment fort, est d’autant plus intéressant pour une société qu’il influe sur le moral du personnel. La majorité des employés de l’Église se disent très heureux de leurs conditions, malgré la faible rémunération, les longues heures de travail, et l’impossibilité d’une retraite. En vingt siècles, l’Église a résisté à tout effort de syndicalisation.

Pour générer cet enthousiasme, Jésus Christ a notamment eu recours à des slogans rassembleurs, comme le bien connu « Aimez-vous les uns les autres ». Courtes, simples, invitantes, ces maximes ont un impact important auprès de la clientèle. Elles sont faciles à mémoriser, et commandent une action qui est à la portée de tous, petits et grands. De plus, leur message est révolutionnaire, ce qui plaît au consommateur, toujours en quête d’un produit qui le distinguera des masses anonymes. C’est exactement ce que Jésus Christ lui propose : dans ce monde de poires, suis-moi et tu seras la pomme.


Saint-Paul, ou l’importance du recrutement audacieux

À Jérusalem, les affaires de la jeune Église stagnent dans un marché surpeuplé. Pilotée par Saint-André, frère de Jésus, l’entreprise tente sans succès de se tailler une place face à d’autres religions monothéistes. Le temps est venu de trouver un leader visionnaire. Geste audacieux, on recrute un candidat qui n’a aucune expérience en catholicisme. Saint-Paul apporte avec lui des idées fraîches. Et il a du flair : il déménage le siège social vers Rome, une ville influente, riche, et où le monothéisme est une nouveauté. De là, les affaires progresseront jusqu’à la conclusion, quelques années plus tard, d’une lucrative entente d’exclusivité avec l’empire romain, sous la houlette de l’empereur Constantin. Tout bon businessman sait que les contrats gouvernementaux sont généralement les plus juteux.


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Ce ne sont là que quelques uns des ateliers offerts par la Jesus Christ School of Business. Toutes ces méthodes commerciales ont permis en quelques décennies l’établissement d’une entreprise qui fleurit depuis 2000 ans. Et ce malgré une suite de PDG pas toujours compétents. Aujourd’hui, peu de sociétés ont un tel succès. Rares sont celles qui exploitent si bien le branding et les tendances. Peu combinent si bien chef charismatique, excellent marketing, force de vente, et endoctrinement du client. La seule qui me vienne en tête se trouve ici.


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