dimanche 13 décembre 2009

Douche olympique



J’adore le sport à la télé. Y’a toujours ce couple de commentateurs, l’un qui décrit et l’autre qui analyse. Ils nous font des commentaires pertinents. Quand c’est ennuyant, ils essaient de meubler le temps avec des anecdotes et des statistiques. Ce sont des professionnels de la communication. Ils pourraient nous parler de n’importe quoi.



« Alors bonsoir mesdames et messieurs, soyez les bienvenus à cette diffusion en direct du Stade de France, à Paris, où se déroulent depuis quatre jours les Mondiaux d’athlétisme. Je suis en compagnie de mon collègue René Ladouceur. Bonsoir René!

- Bonsoir Pierre!

- Nous sommes réunis ici ce soir pour assister à la finale de douche masculine, pilosité moyenne, discipline dans laquelle le Canada a un espoir de médaille, n’est-ce pas René?

- Hé oui Pierre, l’athlète Simon Lajoie, un jeune homme de Repentigny, près de Montréal, se mesurera ce soir aux vedettes de la douche masculine dans cette catégorie, dont l’Américain Bradley Thompson et bien sûr le Tchèque Jakub Durych, triple médaillé Olympique à Pékin.

- C’est d’ailleurs une surprise majeure de voir Lajoie à ce niveau cette année.

- Oui Pierre, à cause d’une blessure au genou gauche après une mauvaise chute lors des Jeux Panaméricains l’automne dernier, Lajoie a été tenu loin de la compétition pendant plusieurs mois. C’est même avec difficulté qu’il s’est qualifié pour les Mondiaux, arrivant huitième sur les neuf athlètes de la délégation canadienne. Sa présence en finale témoigne de sa grande volonté et d’un talent indéniable.

- Parlez-nous donc un peu de cette blessure survenue à Mexico.

- C’est un accident bête. Après une très belle performance en quart de finale, alors qu’il sortait de la douche, Lajoie a glissé sur une flaque de savon.

- D’ailleurs, bon nombre d’athlètes se sont plaint du mauvais drainage de la surface de compétition lors de ces jeux, n’est-ce pas?

- Oui, effectivement. La Fédération de Douche Internationale testait un nouveau type de pomme de douche à jet plus écologique. Malheureusement, ce modèle n’était pas tout à fait au point. On l’a d’ailleurs vu dans la dégradation des performances lors de la partie rinçage de l’épreuve. Dans la catégorie extra-poil messieurs, les temps enregistrés ont même été inférieurs aux moyennes des Jeux de Moscou, il y a presque 30 ans. Heureusement, les ingénieurs sont retournés à leurs planches à dessins, et le modèle utilisé ici à Paris semble fonctionner à merveille.

- Dites-moi si je me trompe, René, mais se peut-il que Lajoie ait profité de sa convalescence pour travailler son style?

- Absolument, absolument! Lajoie a toujours été adepte de la méthode Front-then-back. Ce style avait permis au Croate Marko Bedekovic, son inventeur, de rafler l’or au J.O. d’Atlanta en 1996. Il consiste à laver tout d’abord l’avant du corps, de haut en bas, puis l’arrière, encore une fois de haut en bas. Pendant le savonnage de l’arrière, l’avant du corps fait face au jet d’eau et reçoit ainsi un pré-rinçage. De plus, l’approche de savonnage du haut vers le bas, et non l’inverse, permet, à cause de la gravité, d’éviter qu’une zone déjà rincée entre en contact une deuxième fois avec la mousse. Tous ces facteurs contribuent à diminuer significativement le temps de rinçage final.

- Et qu’est-ce qui a changé dans le style de Lajoie?

- Il semble avoir travaillé sa souplesse, ce qui lui permet des gestes plus fluides et plus amples, notamment lors du savonnage du dos. Aussi, il a adopté la technique finlandaise du savonnage des doigts de pieds, qui consiste à assigner chaque doigt de la main à un doigt de pied précis. Ceci permet le savonnage simultané de tous les doigts de pied, une économie de temps non négligeable.

- René, parlez-nous donc de cette nouvelle grille de règles environnementales que la Fédération Internationale tente de mettre en place.

- Eh bien, Pierre, la première suggestion de la Fédération est de d’attribuer des points-bonis aux athlètes qui couperont l’eau pendant leur savonnage. Évidemment, ceux qui adopteront cette approche perdront l’avantage du pré-rinçage. C’est pourquoi on est encore à déterminer la valeur des points-bonis. La délégation chinoise, qui y voit un gain potentiel pour ses athlètes peu velus, milite très fortement pour un bonus de l’ordre de 30 points. Mais la Fédération de Douche Grecque s’y oppose vivement. À voir dans les prochains mois.

- Il est aussi question de points additionnels pour les athlètes qui diminueront le débit d’eau chaude, n’est-ce pas René?

- En effet, Pierre, cette proposition est vue d’un très bon œil par les délégués des nations nordiques, leurs athlètes étant habitués à s’entraîner dans des conditions plus fraîches. Encore une fois, cette proposition rencontre une certaine opposition, cette fois en provenance d’un groupe de délégations sud-américaines. Quoique la solidité de ce groupe a été éprouvée par le départ récent de l’Argentine.

- Pourquoi donc?

- Eh bien les Argentins estiment que l’adoption de températures plus basses n’est qu’une question de temps. Ce pays a donc choisi de miser sur son nouveau centre d’entraînement situé en altitude. J’ai eu l’occasion de visiter le complexe l’an dernier, et on parle ici de la fine pointe en matière de douche. Pierre, je crois que l’Argentine sera une nation à surveiller d’ici quelques années.

- René, pour ceux de nos téléspectateurs qui ne seraient pas familiers avec la discipline de la douche compétitive, parlez-nous un peu des diverses catégories.

- Eh bien chez les messieurs, Pierre, nous trouvons quatre catégories basées sur la pilosité, et allant de imberbe à extra-poil, catégorie longtemps dominée par l’équipe grecque.

- On sait que la pilosité, chez les hommes, est l’élément le plus déterminant sur le score final, car il influe beaucoup sur le temps de rinçage.

- Oui Pierre, en effet, et les risques de pénalités pour présence de savon résiduel sont plus élevés chez les compétiteurs velus.

- La douche est aussi une des rares disciplines de l’athlétisme où les femmes performent presqu’aussi bien que les hommes.

- Effectivement, cette donnée peut surprendre à prime abord, mais il faut noter que les dames ont généralement une très faible pilosité, de même qu’une surface corporelle totale moins grande. Donc, leurs temps de savonnage et de rinçage sont plus courts. Dans les années 90, les dames ont laissé tomber le conditionner pour adopter le shampoing tout-en-un des messieurs, ce qui a grandement amélioré leurs temps. Certaines délégations militent aujourd’hui pour l’abandon du rasage des jambes. D’ailleurs, dans la catégorie All-Natural, certaines athlètes ont des moyennes similaires aux mi-poils masculins. Compte-tenu de la nouvelle orientation écologiste de la Fédération Internationale, il est fort possible que…

- René! René! Permettez-moi de vous couper, mais les athlètes font leur entrée dans le Stade de France! Les spectateurs sont debout pour les applaudir!

- Quelle ambiance!

- Ici et là dans les gradins, des drapeaux canadiens, probablement agités par ce fort contingent de partisans venus appuyer notre espoir national, Simon Lajoie.

- J’aperçois Lajoie qui s’échauffe avec sa serviette, répétant les gestes précis de sa séquence d’essuyage.

- Oui René, je le vois aussi. Monsieur le réalisateur de la télé française, un gros plan s’il-vous-plaît… voilà. Alors Lajoie me semble très concentré.

- En effet, il joue gros ce soir.

- Le signal du départ sera donné dans moins de dix secondes! Les athlètes sont fébriles. Ils ont retiré leur slip. Lajoie a déjà sa savonnette en main… Voilà, trois… deux… un… et c’est parti mesdames et messieurs!

- Non! Non Pierre!

- Que se passe-t-il?

- Voyons voir… l’arbitre belge signal un faux départ.

- La reprise au ralenti nous dira qui est le fautif dans une seconde ou deux… voilà.

- L’Indien…

- Oui René, l’Indien Ramesh Kumar avait clairement sa main sur le robinet avant le signal du départ, ce qui est interdit par les règles de la Fédération Internationale. On devra reprendre le départ… voilà…

- Dans trois secondes…

- Et c’est parti cette fois pour le titre de champion mondial de douche, catégorie mi-poil! Bonne chance à tous les concurrents! »


1 commentaire:

Sebastien a dit…

Merci pour ce moment RBO. :)