mardi 16 septembre 2008

Du Nutella et des hommes



En France, l'accès à du Nutella est un droit fondamental. Il est beaucoup moins cher qu’au Canada et vient dans de beaux petits verres old-fashioned qu’on peut réutiliser pour le Scotch. Je suis en train de me monter un méchant bar.

Source photo : wikipedia.


J’en suis à mon dessert. Je mange une magnifique reinette, une petite pomme surette qu’on trouve ici. Pour assurer un beau contraste à son acidité, je l’enduit copieusement de Nutella bien onctueux. C’est la fondue au chocolat du pauvre. Juste avant, j’ai dévoré un splendide steak de jambon qui dormait paisiblement sur un lit de lentilles à l’Auvergnate. C’était bon. C’était juteux. Du vrai jambon à l’os. À des années-lumière de l’ostie de jambon toupie aux sulfites. T’imagines même pas le plaisir. Je l’ai fait descendre à petite lampées d’un superbe Beaujolais bien sympathique, à 8 dollars au caviste du coin. Je fais la conversion en dollars, mais le vrai prix SAQ pour un vin de cette qualité serait de l’ordre de 20 dollars.

On mange bien en France. À vivre ici, je commence à comprendre pourquoi. Si les Français on développé cette tradition culinaire sans pareil, c’est qu’ils mangent leurs émotions. Et des émotions, ils en ont beaucoup à manger. Surtout de la frustration.

Je râle souvent dans mon blogue. Mais ce que je dénonce, c’est le système français. Ce système n’a rien à voir avec le Français moyen. Personne ne lapide aussi bien le système français que les Français eux-mêmes. À les fréquenter, je vois qu’ils se savent otages de situations administratives et de pratiques commerciales souvent absurdes. Ils sont comme moi. Ils ne comprennent pas vraiment pourquoi c’est comme ça. Pourquoi persiste un système qui, la plupart du temps, est conçu pour faire chier un maximum de gens.

Le Français moyen est une personne qui aime boire et manger. Ça commence bien. Il est très accueillant. J’ai été invité à mon premier 5 à 7 après trois jours de travail. Au Québec, tu peux travailler dans une shoppe pendant trois mois sans recevoir d’invitation.

Le Français aime partager. Il aime rire, il aime la fête, il aime faire du bruit. C’est fréquent ici de voir des gens qui ne se connaissent pas former un groupe et partager une soirée. Des gens qui passent comme ça dans les parages sont invités à prendre un verre.

Le Français est à la fois ingénieux et débrouillard. Il a une âme de patenteux. Ça ne paraît pas toujours, mais le Français maigrichon devant toi dans le métro est souvent un électronicien du dimanche, ou un menuisier à temps partiel, ou le mécanicien de la famille.

Le Français aime discuter, débattre. Il aime s’entendre parler parfois, il insiste beaucoup pour avoir le dernier mot, mais il écoute beaucoup aussi. Il est curieux et intéressé.

Le Français te propose souvent de partager sa bouffe. Et au bar, les bières arrivent sans que personne ne prenne de notes. Je suis quelques fois sorti du 5 à 7 sans rien payer. Les Américains dans leur français cassé parlent de « Joie de vivre ». Ici on ne pense pas trop à demain. Il y a un certain hédonisme dès qu’on sort du cadre professionnel.

Car c’est ça qui est étrange. Le lundi matin à 9h30, Paris se fait gober par un système pas du tout « Français ». Un système dans lequel les gens perdent leur côté sympa. On dirait que les Français n’aiment pas leur boulot. Je ne comprends pas encore bien ce système. On dirait que sa lourdeur écrase les gens, les fait prisonniers.

Quand arrive le week-end, on retrouve le Paris de la carte postale. On retrouve le boucher qui te salue bruyamment avec un sourire gros comme sa face. Les patrons de café qui font causerie avec les clients. Les gens qui se décoincent. Les jolies femmes qui se laissent regarder. On retrouve le truc qui fait rêver, la raison pour laquelle cette ville est la destination touristique numéro un au monde.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah! Le Nutella... ma drogue! Très intéressantes, toutes tes observations. Et plutôt d'accord pour la lourdeur et tout ça, du moins, de ce que je connais des Français!