lundi 22 septembre 2008

Le tabac, le swing, et les dangers du coq à l’âne



Si un historien congelé en 1960 était décongelé aujourd’hui devant un marchand de tabac parisien, il écrirait que les communistes ont gagné la guerre froide. Ce qui est peut-être un peu vrai en France, selon ce qu’on m’a dit (je connais encore trop peu le politico-social hexagonal pour porter moi-même ce jugement).

Donc, mon historien décongelé constaterait la file d’attente et dirait que les Français vivent sous un régime soviétique. Au tabac du coin, il y a toujours une file jusque dans la rue. Bon, c’est pas nouveau, en France tout est prétexte à organiser une file d’attente. Mais au tabac du coin, c’est pas une question de lenteur administrative. Ça roule à plein régime. Chaque transaction prend six secondes. Tu dis ta marque, tu sais déjà le prix, ton argent est prêt, on te donne ton paquet de cigarettes et ton change, finito.

Ici on ne te donne jamais ta monnaie dans la main. On la dépose toujours dans une espèce d’assiette à côté de la caisse, même si tu tends la main. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que l’argent est perçu comme une chose trop sale pour être remise en main propre.

Source photo : wikipedia.


Donc, au tabac, la file avance très vite. Mais il y a quand même une file. Pénurie de marchands de tabac? Je sais pas. C’est pas grave, on attend jamais trop longtemps. Mais à voir la file qui se renouvelle et se renouvelle, je me dis que le gars du tabac doit rouler sur l’or. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi les « arabes du coin » ne vendent pas de cigarettes. Ça doit être encore à cause d’une réglementation byzantine à la sauce française. Si quelqu’un le sait, expliquez-moi.

En passant, « arabe du coin » désigne ici ce qu’on appelle au Québec un « dépanneur ». C’est une expression locale très colorée qui me fait encore un peu grincer des dents. Je sais que c’est sans méchanceté. Mais bon, je ne pense pas que le Montréalais moyen en vienne un jour à désigner les taxis par l’expression « Nègre roulant ». (Attention, associations de protection des droits des minorités canadiennes, remarquez entre les lignes le TRÈS GROS deuxième degré souligné en gras avant de m’envoyer vos avocats, merci.)

Ici, les fumeurs ne sont pas encore perçus comme une race de sous-humains à exterminer. Ça s’en vient, mais c’est pas encore rendu. Ici, la puanteur de fumeur est encore tolérée. Faut dire que le terrain est glissant : peut-on vraiment cibler les fumeurs puants alors que des gens puent pour d’autres raisons?

Bon, là je vais me faire des ennemis. Je l’ai toujours fait avec beaucoup de succès, alors je vais continuer. Dans la vie, faut miser sur ses talents. Je n’ai jamais cru le gros préjugé pas gentil du Français qui pue. Et c’est vrai que c’est un préjugé. La grosse majorité des Français ne puent plus (s’ils ont déjà pué en majorité, ce n’est qu’une hypothèse, et pas la mienne).

Mais disons qu’à mon travail, y’en a quelques uns qui ont l’aisselle pas mal affinée. Je parle d’une minorité. Trois personnes sur un groupe de quarante. Mais l’odeur n’est pas celle du gars qui s’est couché trop tard et trop saoul pour avoir le temps de prendre une douche. Je parle d’une odeur qui a été cultivée. Faut au moins cinq jours d’abstention hygiénique pour y arriver. On dirait qu’ici, la rare personne qui pue le fait avec conviction et intensité. Avec dévotion. Ça tient presque du militantisme. Il y a peut-être dans la sphère publique française une sorte de débat sur l’industrie des cosmétiques. Et peut-être que ce débat polarise la société : 93% pour, 7% passionnément contre. Quelque chose comme ça.

Je tiens à rassurer amis et fréquentations, aucun de vous ne sent le swing. Vous sentez plutôt le Irish Spring. Si j’ai vexé votre patriotisme, ou si j’ai déjà beaucoup pué en votre présence, vengez-vous en me disant que j’empeste l’abominable cigarette du diable qui tue des petits enfants. Ça me rappellera certains aspects du Canada. Quand un petit combo « cottage à Brossard + SUV » me dit que ma cigarette pollue son environnement, je trouve que c’est le summum de la puanteur.

Bon, je me suis fait assez d’ennemis pour aujourd’hui. Laissez-moi une minute pour compter... Wow! Pas pire...


4 commentaires:

Patrice a dit…

Comme disait mon père : "Y a qu'les gens sales qui s'lavent". Ouais, je sais, pas d'quoi s'vanter.

noèse cogite a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
noèse cogite a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

:-)))) Je vois des messages supprimés... j'en conclus que deux nouveaux ennemis ont sortir l'artillerie lourde!

Une étude a été réalisée il y a quelques années par une compagnie de savon pour connaître leur utilisation par les Français, Résultat? Ils achetaient en moyenne une ou deux barres par an (données inexactes, je n'ai pas l'étude sous la mains, mais anyways, that's not the point). Les Québécois se sont donc tous exclamés: «Ouach! Dégueulasse! Pas étonnant qu'ils puent!» Et blablabla...

Ce qu'on avait oublié? Qu'ils utilisent plutôt du gel douche!!!

Ah! Ces préjugés tenaces...