Je lis un bouquin de Haruki Murakami. Ça s’appelle « Kafka sur le rivage ». Ce n’est pas mauvais, mis à part quelques clichés. Comme celui de l’adolescent en révolte contre son père, mère absente, ami imaginaire, fugue, etc. C’est pas trop mal, en fait.
C’est Karine qui m’a donné ce livre, à Noël. En chemin vers Baie-Comeau, elle m’avait innocemment demandé si j’aimais la littérature japonaise. C’est bien Karine, ça. Lors d’un passage au centre d’achat, elle m’a aussi demandé si j’aimais une certaine chemise. Cinq jours plus tard, sa mère m’offrait ladite chemise dans un échange de cadeaux. Peut-être qu’un jour, elle me demandera innocemment si j’aime les trips à trois. En attendant, je fais des digressions.
Source photo : wikipedia.
J’aime bien les digressions en littérature. C’est comme un petit extra, une histoire dans l’histoire. En ces temps de crise, au prix où sont les livres, c’est bien quand un auteur fait un petit effort pour nous en donner plus. Ce que j’aime moins, ce sont les descriptions vestimentaires trop pointilleuses. Tu lis, et l’auteur t’indique que tel personnage porte un pantalon mauve à fines rayures vertes. En bon lecteur, tu cherches un sens. Une référence à quelque chose. Peut-être du symbolisme. Et trois pages plus loin, tu te rends compte que ce personnage était secondaire. Zap, disparu de l’histoire. Un passant. On ne t’a même pas donné son nom. Alors elles servaient à quoi les putains de fines rayures vertes?
Monsieur Murakami est un peu comme ça dans « Kafka sur le rivage ». Pas assez pour dégoûter un lecteur, mais juste assez pour que ça se remarque. Heureusement, il compense avec d’autres éléments très créatifs, et une bonne histoire qui encourage la poursuite de la lecture. Mais bon, ses descriptions vestimentaires m’énervent un peu.
Il paraît qu’un bon moyen de corriger un enfant qui veut goûter à la cigarette, c’est de le faire fumer jusqu’à ce qu’il dégueule. À titre de service à l’humanité, j’emploierai cette technique pour tenter de vacciner les auteurs dont le style est un peu trop textile. J’espère qu’ils tomberont un jour sur mon blog. Allons-y.
« En chemin vers l’Hôtel-de-Ville, où je devais récupérer le microfilm, je m’arrêtai dans un tabac pour acheter un paquet de Lucky Strike. La vendeuse qui me tendit mon paquet portait une chemise dont les carreaux étaient rouges et noirs. Cette chemise comportait dix boutons, dont deux étaient cachés sous un large carré de soie jaune porté en guise de ceinture. Ils avaient été cousus par une ouvrière chinoise, Fang Li Hu, dans une manufacture de vêtements en banlieue de Pékin. Madame Fang Li Hu, avant de devenir couturière, avait exercé à titre de coiffeuse dans un salon vert pomme de la rue Sanjing, non loin de la Cité Interdite (dont le palais impérial est rouge, soit dit en passant). Les boutons en question étaient faits de plastique blanc translucide censé imiter le nacre, mais dont l’éclat rappelait surtout le toc. Ils étaient tous boutonnés, sauf celui du collet. Ce collet était un collet Mao, détail inhabituel sur une chemise à carreaux, bien qu’elle eût été fabriquée en Chine. Je n’eus pas la chance de jeter un coup d’œil par-dessus le comptoir afin de vérifier quel type de chaussures portait la vendeuse. Mais à en juger par ses traits simiesques, je présumai qu’il s’agissait d’espadrilles rouge-grenadine à semelle blanche. Quoiqu’il n’aurait pas été surprenant que ces semelles fussent bleues, a bien y penser. Probablement bleu ciel. En caoutchouc, avec des rayures antidérapantes, pour ne pas déraper sur les trottoirs gris de l’hiver parisien, qui est tout sauf blanc. Alors qu’elle me tendait mon paquet, je remarquai aussi que la vendeuse avait seulement trois doigts, dont deux étaient jaunis par la fumée de cigarette, comme quoi elle avait du métier. Le troisième avait l’ongle couvert de vernis violet. Le quatrième, si elle en avait eu un, aurait sans doute porté quelque bague ou jonc censé lui rappeler un amour de jeunesse, peut-être un Sénégalais à la peau plutôt ébène, comme c’est l’habitude dans ce coin du monde. Quant au cinquième doigt, n’en parlons même pas, puisque toute description relèverait de l’hypothèse lointaine : quand on a seulement trois doigts, dont deux sont jaunis, on est trop loin du compte pour se permettre de rêver. Comme j’étais pressé, je ne m’attardai pas trop sur son visage. Je notai seulement les deux canines en or qui bordaient son sourire forcé, sous un début de moustache blonde. Je pris mon paquet, la remerciai d’une voix rauque, et enfourchai mon scooter rouillé. Cette nuit là, j’avais d’autres chats gris à fouetter : le maire m’attendait dans son complet mauve à rayures vertes. »
Bon, j’espère que le message est passé…
3 commentaires:
Mouhahaha! N'importe quoi! (Cela dit, moi, quand un auteur se perd en descriptions, qu'elles soient textiles ou autre, je m'endors! J'ai besoin d'action, d'émotions et de juste assez de descriptions pour pouvoir les ancrer dans le temps et l'espace.)
Dis-moi, est-ce que tu aimes les trip à 3?
On sait pas tant qu'on a pas essayé.
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