Ce tableau me plaît bien, pour des raisons que j'estime évidentes. Une partie de moi s'émeut toujours à la vue de cette oeuvre, ce qui tend à me rassurer sur ma personne.
Bien qu'elle n'ait pas commenté le lien, je présume que mon amie, elle-même artiste et jouissant d'une certaine ouverture d'esprit, souhaitait dénoncer la réaction ridicule de Facebook. Je ne rate jamais une occasion de sauter dans la piscine olympique du ridicule quotidien. J'ai donc réagi avec ce commentaire : « Le problème, c'est pas vraiment les parties intimes. C'est le poil. Aujourd'hui, on ne tolère plus le poil. À New-York, on oblige les restos à avoir une section réservée aux poilus. La ville songe même à interdire complètement le poil dans les lieux publics. »
Une autre amie a répliqué : « Paul a raison, nous sommes à l'ère d'une autre nudité... » Ce qui m'a inspiré cette autre insignifiance : « C'est vrai : nous sommes à l'ère de l'imbécilité nue et décomplexée. Le jugement et le deuxième degré ont été rasés. »
J'ai tapé ce dernier commentaire en attendant le RER. Et comme souvent, j'ai attendu longtemps. Ce qui m'a donné le temps de penser un peu. Et c'est là que tout à basculé.
Et si nous étions entrés dans l'Ère du gamin ?
Je m'explique. Depuis quelques années, j'ai l'impression d'une croissance de la rectitude politique. Une nouvelle police morale, de plus en plus simpliste, semble veiller à ce que tout soit bien lisse, inoffensif. Par exemple, il y a quelques semaines, un organisme de réglementation canadien retro-interdisait la diffusion de la chanson Money for Nothing de Dire Straits, parce qu'elle contient le mot « faggot ». La chanson date de 1985.
On en rira. On criera « Honte aux curés ! » Mais si c'était nous, les curés ? Nous tous.
Y'a pas si longtemps, je regardais un documentaire sur Georges Wolinski, le célèbre dessinateur du Paris Match. Une image pour vous aider :
Dans le document, on a demandé à Wolinski ce qu'il pensait de la bédé grivoise d'aujourd'hui. Je paraphrase, mais il l'a décrite comme moins crue, peut-être moins grossière. Il semblait la trouver plus enfantine, autant dans le trait que dans le propos.
Et puis il y a tout ce nouveau design, dont nous sommes si friands depuis quelques années. On dirait que les objets de consommation qui nous plaisent ressemblent de plus en plus à des jouets.
Fiat 500 (source ici)
Logo Android
Coussin Pépin le malin (source ici)
Y'a cette expression qui revient constamment quand on crée des choses : « Faut que ça soit ludique. » Même au boulot, on veut des présentations Power-Point colorées, rigolotes.
Et puis y'a la nouvelle manière de communiquer, 140 caractères. Les vidéos qu'on abandonne après deux minutes parce que trop longues. La prépondérance de l'optimisme, de l'enthousiasme, de l'enjoué. La fin de la vieillesse. Les couleurs vives. Le réalisme bâillonné. L'épilation complète. L'atténuation des angles.
Je suis comme ça, moi aussi. Comme tout le monde, j'en redemande.
Alors y'avait toutes ces idées qui me traversaient l'esprit, et qui m'apparaissaient pointer vers une vague de fond, un vent dominant. Mais bon, c'était peut-être juste l'air déplacé par le RER, qui entrait finalement en station.
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